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– Bienvenue au lycée de la Montagne. J’ai cru comprendre que vous n’aviez pas eu le temps de lire
toutes les œuvres requises pour ce cours, mais n’hésitez pas à vous joindre à la conversation si vous le
désirez.
– Merci, dit Shay en marmonnant quelque chose dans sa barbe, peut-être : « Je devrais arriver à
suivre. »
Notre professeur s’est retourné vers le tableau.
– À partir de vos lectures : quelles sont les différentes conceptions philosophiques de l’ordre naturel
du monde ? Où tout a commencé, à quoi cela ressemble-t-il ?
– In paradisium. Au paradis. Éden, répondit Ren en m’adressant un sourire espiègle.
– Très bien, monsieur Laroche. L’état de nature comme paradis. Perdu pour toujours – peut-être, peutêtre
pas ? Les philosophes des Lumières pensaient que le Nouveau Monde pourrait être le nouvel Éden.
M. Selby écrivit la réponse sur le tableau.
– Quoi d’autre ?
– Tabula rasa, dis-je. L’ardoise vide.
– Oui. Chaque personne naît avec des possibilités infinies en elle. La théorie de Locke a rencontré
beaucoup d’adeptes. Nous verrons si vous pensez qu’elle est viable dans la société contemporaine.
D’autres idées ?
– Bellum omnium contra omnes.
Tous les non-humains dans la classe se raidirent sur leur siège. Les autres élèves paraissaient
simplement impressionnés par toutes ces expressions latines, mais leurs visages ne trahissaient aucun
signe d’intelligence.
– La guerre de tous contre tous.
Shay fronça les sourcils en voyant que le professeur ne copiait pas la phrase au tableau.
– Thomas Hobbes est souvent considéré comme le théoricien fondateur de l’état de nature, ajouta-t-il,
d’une voix plus hésitante cependant.
M. Selby pâlit en dévisageant son nouvel élève. Shay se renfrogna.
– Je lis beaucoup par moi-même, expliqua-t-il.
– Hobbes ne fait pas partie de nos lectures, intervint une voix glaciale.
J’ai retenu mon souffle. Le garçon qui avait parlé était un Gardien portant une couronne de cheveux
blonds coiffés négligemment en piques. Logan Bane, le fils unique d’Efron, regarda Shay avec
malveillance. J’ai dévisagé le jeune Gardien. Logan ne participait jamais aux discussions. La plupart du
temps, il dormait pendant tout le cours.
– C’est absurde, dit Shay en faisant tourner un stylo entre ses doigts. On le trouve dans tous les livres
de philosophie de base.
M. Selby regarda Logan qui inclina la tête en levant les sourcils.
– Le, euh, le programme du lycée de la Montagne n’inclut pas Thomas Hobbes, bafouilla le professeur,
ses yeux globuleux toujours fixés sur le jeune Gardien.
On aurait dit que Shay allait grimper sur son bureau pour protester.
– Quoi ?
Logan se tourna vers lui.
– Il a été décidé que ses idées étaient trop banales pour mériter notre considération.
– Par qui ?
Tous les Gardiens et les Protecteurs dévisageaient Shay. On aurait dit que les humains voulaient se
cacher sous leurs bureaux jusqu’à ce que ce sujet soit abandonné.
Logan ôta les lunettes de soleil qu’il portait toujours, quels que soient l’heure ou le temps qu’il faisait.
J’étais abasourdie. Cela devenait sérieux.
– Par les membres du conseil d’administration, répondit-il comme s’il corrigeait un enfant dans