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– Fichons le camp.
Je lui pris la main et nous partîmes en courant. En arrivant dans le couloir principal, je me figeai. Il
s’arrêta lui aussi.
– Que se passe-t-il ?
Je pivotai, regardant les fins éclats de marbre qui jonchaient le sol.
– Où est la statue ? L’incube ?
– Quoi ? demanda-t-il d’une voix rauque.
Un bruissement, comme le vent soufflant dans un tas de feuilles mortes, s’est élevé au-dessus de nous.
Je relevai les yeux.
L’incube me souriait, dépliant ses ailes et décrochant ses griffes du plafond.
– Cours !
Je poussai Shay en avant et je me transformai en loup. Une seconde plus tard, un loup mordoré courait
à mes côtés.
Nos griffes raclaient le sol en marbre. Quelque chose passa en sifflant au-dessus de mon épaule et la
lance de l’incube atterrit à quelques pas devant moi. Le bruit de battements d’ailes emplit mes oreilles.
Shay jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.
Il y en a plusieurs.
Combien ?
Une autre lance passa au-dessus de nous.
Je ne sais pas.
Nous arrivâmes en haut de l’escalier, et je glapis. Une chimère était tapie un peu plus bas sur les
marches. Sa queue serpentine s’agitait de façon hypnotique, tandis qu’une langue fourchue jaillissait de sa
gueule de lion rugissant, sa crinière de serpents fendant les airs. Ses centaines de dents aiguisées
luisaient. Deux succubes flottaient au-dessus d’elle. Ils poussèrent un cri perçant en nous voyant. L’un
tendit son arc et décocha une flèche droit sur moi. Je roulai sur le côté pour l’esquiver et je me relevai. Je
me mis à courir le long du balcon, Shay sur les talons.
Je me précipitai dans le couloir menant à l’aile ouest. Des soupirs se firent entendre, comme si
plusieurs personnes avaient relâché leur souffle au même instant. Je m’arrêtai brusquement. Un long
gémissement souffreteux résonna autour de nous, de plus en plus fort, s’élevant vers le plafond dans un
brouillard épais.
Qu’est-ce que c’était ? La terreur dans la question de Shay était aussi stridente que des ongles grinçant
sur un tableau noir.
Oh mon Dieu ! J’ai reculé en toute hâte alors que deux bras, puis un corps, se laissaient tomber des
immenses portraits pendus aux murs.
La créature se releva brusquement et se dirigea tranquillement vers nous, poussant des gémissements
continus, de plus en plus désespérés. Tout le long du couloir, des corps sautèrent des tableaux, jusqu’à ce
qu’on n’entende plus que leurs pas traînants sur le sol de pierre. Des dizaines de créatures gémissantes, à
la démarche maladroite et saccadée, s’avançaient vers nous.
La première d’entre elles émergea du couloir sombre. La lueur de la lune l’éclaira. Je poussai un cri,
vacillante. Malgré ses traits affaissés et son expression vide, je l’aurais reconnu entre mille. C’était le
Chercheur que j’avais livré à Lumine et Efron pour qu’ils l’interrogent. Mes muscles tressaillirent et je
crus que mes jambes allaient me lâcher.
Calla ! Le cri de Shay me ramena à moi. Qu’est-ce qui se passe ? C’est quoi, ces créatures ?
Je ne sais pas, mais elles sont trop nombreuses, dis-je, incapable de dissimuler ma panique. On ne
peut pas les combattre.
Shay me dépassa en courant, changeant de forme.
– Viens !