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Shay a eu un mouvement de recul et s’est collé contre un pin. J’ai senti son odeur de loup. Il luttait pour
ne pas se transformer, déchiré entre la peur et la fureur.
– Je ne te ferais jamais de mal, dis-je. Tu dois me faire confiance.
Je t’en prie, Shay, crois-moi. Tu dois savoir à quel point je tiens à toi.
Il scruta la forêt, désespéré, cherchant une issue de secours.
– Shay, s’il te plaît, murmurai-je en lui tendant la main. Je t’aime.
Il se figea. Je ne savais pas ce qui m’effrayait le plus : ce que j’avais dit, ce qu’il allait dire ou ce qui
se passait autour de nous. Une minute s’écoula, pendant laquelle je fus incapable de respirer.
– Je sais, répondit-il en prenant ma main. Partons d’ici.
Un bruit de craquement d’os, entre un cri et un sifflement, s’échappa de la gorge de l’infirmière Flynn.
– Vous n’irez nulle part.
Les ombres dans son dos se mirent à bouger, et ma peau se glaça. Si elle avait des spectres avec elle,
nous n’avions aucune chance. Mais je me rendis compte que les formes sombres bougeaient en même
temps qu’elle, comme attachées à ses propres membres. Ses épaules tressaillirent et elle sortit de
l’ombre, d’immenses appendices en cuir s’écartant autour d’elle.
– Qu’est-ce que…? commença Shay, les yeux exorbités.
Je me transformai en un loup blanc furieux et me mis à tourner autour du succube, ventre à terre. Elle rit
et fit un petit geste du poignet. Un long fouet apparut comme par magie dans sa main et se déroula. La
corde ondulait, comme si elle était une ombre, et non en cuir.
Je m’écartai d’un bond. Le fouet me toucha le flanc, et je glapis. Le choc sur ma peau n’était rien
comparé à la vague de désespoir qui accompagna le coup.
J’étais paralysée par l’image de Ren attaquant Shay. J’entendais mes propres hurlements et le rire
d’Efron. Des émotions poisseuses comme du goudron embrouillaient mon esprit, comme si elles se
déversaient par l’entaille sur ma peau.
– Je n’ai peut-être pas la permission de te tuer, Scion, mais nous pouvons quand même jouer.
Flynn rejeta la tête en arrière et j’aboyai pour avertir Shay. Il roula sur le côté alors qu’un jet de
flammes jaillissait de la bouche de Flynn, brûlant l’arbre contre lequel il s’était tenu quelques instants
plus tôt.
Je fixai les yeux sur son fouet et sur son aura. Je me tapis au sol puis je bondis. Mes mâchoires se
refermèrent sur son poignet, broyant l’os, et elle poussa un hurlement de douleur. Je tournai la tête sur le
côté, lui arrachant la main. Du sang jaillit sur le sol. Je tournai autour d’elle à toute vitesse, sentant
l’odeur de ma fourrure roussie, alors que le jet de feu me poursuivait. Flynn hurla dans un langage que je
n’avais jamais entendu, et je fus reconnaissante aux hurlements assourdissants des loups qui emplissaient
l’air ; sans eux, les bruits de notre combat auraient alerté Gardiens et Protecteurs.
J’aboyai à nouveau sur Shay, regrettant de ne pouvoir parler. Pourquoi ne se transforme-t-il pas en
loup ? J’avais besoin de son aide.
Il avait le regard fixé sur la main que j’avais relâchée par terre. Il fonça en avant et se saisit du fouet. Il
pivota, et la longue corde tournoya dans les airs avant de s’écraser sur la poitrine de Flynn. Elle hurla à
nouveau, les yeux exorbités, se tournant vers ce nouvel assaillant.
Le regard calme et déterminé de Shay parut la faire plus enrager encore que sa maîtrise de l’arme qu’il
lui avait volée. Le fouet revint vers lui puis repartit dans la direction de l’infirmière, s’enroulant cette
fois autour de son bras, au-dessus du moignon sanguinolent. Elle poussa un cri perçant et tira sur l’ombre
qui se pressait sur son biceps comme une sangsue.
Shay serra les mâchoires et ramena vivement le fouet vers lui. Flynn perdit l’équilibre et tomba par
terre. Je me jetai sur elle. Mes crocs s’enfoncèrent dans son cou, déchirant la chair tendre. Un bref
gargouillis s’échappa de sa gorge, un nuage de fumée de ses lèvres entrouvertes, puis elle s’immobilisa.
Je reculai et changeai de forme.