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nombreux Protecteurs y laissèrent la vie, mais ce fut néanmoins une victoire importante pour les
Gardiens. Nous avons failli nous débarrasser des Chercheurs.
– Non, Calla. Ce n’est pas ce qui s’est passé.
Il prit mon autre main, me forçant à croiser son regard.
– La Descente n’a pas été l’annihilation des Chercheurs. Ce fut la répression par les Gardiens d’une
révolte des Protecteurs. Les Chercheurs ont tenté d’aider les rebelles, et les Gardiens ont lancé une
contre-attaque dévastatrice. Ils ont supprimé Chercheurs comme Protecteurs. Et les Gardiens ont créé une
nouvelle arme pour que la guerre tourne en leur faveur, une arme appelée le « Perdu ». Je ne sais pas de
quoi il s’agit, mais c’est ce qui a écrasé la rébellion. Les Gardiens et les Chercheurs qui ont réussi à
s’échapper sont partis se cacher.
J’arrachai mes mains des siennes, enroulant mes bras autour de ma poitrine.
– La révolte a provoqué une nouvelle politique à l’égard des Protecteurs, continua-t-il sans me quitter
des yeux. Des meutes plus petites, l’interdiction de transformer des humains, des règles plus strictes, des
punitions plus sévères en cas de désobéissance, et la création de liens familiaux très forts pour éviter
d’éventuelles révoltes. Les Gardiens pensaient que les Protecteurs ne mettraient pas leur famille en péril,
même pour défendre leur cause.
– Quelle cause, Shay ? Pourquoi autant de Protecteurs se sont-ils révoltés au siècle dernier ?
Je n’en croyais pas mes oreilles.
– La liberté. Les Protecteurs se sont révoltés car ils ne supportaient plus d’être des esclaves.
– Nous ne sommes pas des esclaves, chuchotai-je en enfonçant mes ongles dans mes flancs. Nous
sommes les soldats loyaux des Gardiens. Nous les servons, et ils nous fournissent tout ce dont nous avons
besoin, une éducation, de l’argent, des maisons. Tout. Notre devoir est sacré.
– Ouvre les yeux, Calla, dit-il brusquement en se mettant à faire les cent pas. Ça s’appelle
l’hégémonie. Antonio Gramsci 1 . Tu pourras vérifier. Un système de règles dans lequel les opprimés sont
poussés à soutenir le système de l’oppression, à s’y investir, à croire en lui. Mais ça ne change pas le fait
qu’au final, toi et tous les autres Protecteurs êtes des esclaves.
– Je ne te crois pas, rétorquai-je, me balançant d’avant en arrière. Je ne peux croire à rien de tout ça.
– Je suis désolé, murmura-t-il, mais tu peux lire toi-même ce qui est arrivé à la mère de Ren la
prochaine fois que tu viendras à Rowan Estate. Pour le reste…
J’entendis un bruissement. Lorsque j’ouvris les yeux, il tenait une liasse de feuilles arrachées à un
carnet.
– Je savais que ce serait difficile à entendre. Je suis resté debout toute la nuit et j’ai transcrit la section
entière pour que tu puisses la lire noir sur blanc. Je te dis la vérité.
Je levai la main.
– Je ne veux pas les prendre. Garde-les.
– Pourquoi te mentirais-je sur un sujet de cette gravité ? s’écria-t-il, les yeux furieux, en poussant les
papiers vers moi. Nous savons déjà qu’ils ont exécuté la mère de Ren. Voilà qui sont les Gardiens,
Calla ; voilà ce qu’ils font.
J’ouvris la bouche pour crier, mais ce furent des sanglots qui s’en échappèrent.
– Je sais que c’est vrai, Shay. Je sais que tu dis la vérité.
Il s’agenouilla devant moi et me prit dans ses bras. Tout mon corps tremblait et des larmes coulaient
sur mes joues. Shay berça ma tête contre sa poitrine, caressant mes épaules et mon dos. Il appuya
doucement les lèvres sur mes cheveux.
– Ça va aller, Calla. Je vais trouver un moyen de te sortir de là. Je te le promets.
Je posai mon visage sur son cou, sans cesser de pleurer. Il resserra ses bras autour de moi.
– Que se passe-t-il ici, au juste ?
La voix de Lana Flynn, cinglante, s’était élevée derrière la porte qui reliait le foyer à la salle