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– La visite, alors, dit-il en se dirigeant vers l’escalier sur la droite. Je vis dans l’aile est.
Je le suivis en jetant des coups d’œil par-dessus mon épaule. Un silence sinistre enveloppait la
maison ; le bruit de nos pas sur le sol en pierre retentissait autour de nous.
– Comment peux-tu t’habituer à ça ?
Je me rendis compte que je chuchotais.
– Je ne m’y suis pas vraiment habitué, dit-il en haussant les épaules. C’est assez bizarre d’être tout le
temps tout seul.
– Je n’en reviens pas que ce soit aussi calme.
– Parfois, je mets la musique à fond dans ma chambre et j’ouvre la porte pour qu’elle s’échappe dans
les couloirs. Ça aide un peu.
Nous nous engageâmes dans un long couloir. Des portraits en taille réelle, allant du sol jusqu’au
plafond, étaient accrochés aux murs à intervalles réguliers. Je regardai l’un d’entre eux et je me figeai. Un
homme était suspendu dans le vide, le visage tordu par la douleur. Ses bourreaux étaient cachés par les
teintes sombres de la toile. J’ai regardé le tableau sur le mur opposé. Il était semblable au premier, sauf
qu’il représentait une femme.
– On peut marcher plus vite ? marmonnai-je.
– Désolé. J’aurais dû te prévenir. Les goûts de Bosque en matière d’art penchent vers le morbide.
– Sans blague, dis-je en gardant les yeux au sol. Qu’est-ce qu’ils représentent, au juste ?
– Je ne sais pas. Je me disais que c’était peut-être des portraits de martyrs, mais il n’y a pas de
légende, et les modes de tortures, à ma connaissance, ne ressemblent pas à celles qu’ont subies les
chrétiens.
– Alors il aime uniquement les tableaux représentant des gens qui souffrent ?
– Peut-être. Beaucoup d’œuvres d’art évoquent la souffrance et la mort, cela dit. Les tableaux de
Bosque ne sont guère différents de ceux qu’on trouve dans les musées.
– C’est vrai.
Il tourna brusquement à droite et je me précipitai à sa suite dans un autre couloir. Je faillis heurter un
homme. Un homme superbe avec de grandes ailes en cuir. Poussant un cri de surprise, je changeai de
forme et montrai les crocs.
– Que se passe-t-il, Cal ? demanda Shay, les sourcils froncés, visiblement inconscient de la menace
qui guettait à quelques mètres seulement de lui.
Je le dépassai sans quitter des yeux la grande créature ailée qui tenait une lance pointée droit sur nous.
L’incube était immobile, arrêté en pleine action, prêt à relâcher son arme.
– C’est une statue, dit Shay en riant. Tu grognes sur une statue.
Je m’avançai d’un pas, reniflant le socle en marbre. Shay riait toujours quand je changeai de forme. Je
le foudroyai du regard.
– Tu aurais pu me prévenir qu’il y avait des statues d’incubes dans la maison.
– Il y a des tonnes de sculptures ici. Je ne pense pas que tu puisses faire plus de dix mètres sans en voir
une. Il y en a encore plus dans le jardin.
– Ressemblent-elles toutes à celles-ci ? demandai-je en l’examinant.
– Pour la plupart. Certaines ne sont pas des hommes, mais des femmes ailées, et toutes ont des armes
comme celle-ci. Certaines représentent des animaux… Enfin, des créatures mythologiques, pas de
véritables animaux.
Je frémis.
– Pourquoi as-tu eu peur ? Je pensais que c’était les spectres que tu craignais ?
– Il y a d’autres choses à craindre que les spectres, murmurai-je.
– Es-tu en train de dire que cette chose est modelée sur une véritable créature ? demanda-t-il en
touchant le bout de son aile.