Télécharger ce livre au format PDF - Index of

que les miens alors que nous avancions entre les arbres, sous le couvert des pins qui encerclaient le petit
vallon. Les cerfs et les biches n’avaient toujours pas remarqué notre présence. Ils retournaient les tas de
neige à coups de sabots, à la recherche d’herbes enfouies.
Prêt ? demandai-je sans le regarder.
Toujours.
Je m’élançai. Les animaux surpris s’éparpillèrent. Je me concentrai sur le jeune cerf, l’éloignant de ses
compagnons. Je donnai un petit coup de dent à l’animal terrifié, le forçant à prendre un virage à gauche.
Shay jaillit de derrière moi, accéléra subitement et sauta, plantant ses crocs dans le jarret du cerf, qui
poussa un cri et chancela. Du sang écarlate coula dans la neige alors qu’il essayait de s’enfuir malgré sa
blessure. Focalisé sur le loup marron, il ne me remarqua pas. Son cri se transforma en gargouillis lorsque
mes crocs lui déchirèrent la gorge. Un liquide chaud au goût de cuivre emplit ma gueule et je serrai les
mâchoires encore plus fort. Le jeune cerf frémit et s’écroula.
Shay a trottiné jusqu’à la carcasse en remuant la queue.
Beau travail. Le sang du cerf était encore chaud ; mon ventre grondait. Je jetai un coup d’œil à Shay.
Les dames d’abord. Il baissa la tête en signe de respect.
J’attaquai la carcasse. Shay se plaça de l’autre côté du cerf et commença à en arracher la chair tiède.
Après un moment, il se lécha les babines.
C’est bon.
Meilleur que le lapin ? demandai-je en prenant une autre bouchée.
Il pencha la tête sur le côté, les oreilles remuant d’avant en arrière. Meilleur qu’un plateau-télé
devant un bon film. Il me montra les crocs, ravi, puis se remit à engloutir de gros bouts de gibier.
Au début il avait hésité quand je lui avais proposé de chasser avec moi. Mais il ne lui avait fallu qu’un
lapin pour comprendre que, en tant que loup, son instinct le poussait à tuer sa nourriture et à dévorer de la
viande crue.
Lorsque nous fûmes tous deux rassasiés, je regardai autour de moi. Les signes de l’aube étaient
apparus dans le vallon, teintant les dernières ombres de la nuit de rose crayeux.
On devrait penser à rentrer. Je me mis à tourner nerveusement autour de la carcasse. Il se releva.
Il doit être très tard.
Très tôt, plutôt ; le soleil va se lever dans quelques heures. Retournons à ta camionnette.
Nous étions encore à bonne distance de notre destination lorsqu’il reprit forme humaine. Je l’imitai,
surprise par cette décision. La forme de loup nous offrait une bien meilleure protection contre les
éléments que la peau humaine et les vêtements. Je fronçai les sourcils, m’emmitouflant dans ma veste
alors qu’une rafale de vent glacial pénétrait sous mes vêtements.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– J’ai réfléchi, répondit-il en ouvrant et refermant sa veste, visiblement nerveux. À Haldis.
Je regardai sa poche, où était fourré l’étrange objet.
– La bibliothèque n’est pas un endroit sûr. Les Chercheurs nous avaient de toute évidence espionnés
avant cette embuscade.
Je frissonnai et me frottai les bras.
– Je suis désolé, je sais qu’il est tard, dit-il, ses yeux verts s’obscurcissant, se faisant méfiants. Mais je
dois pouvoir lire l’expression de ton visage. Je ne suis pas encore très calé en langage corporel des
loups.
– Pourquoi as-tu besoin de voir l’expression de mon visage ?
Je commençai à m’approcher de lui, mais je m’arrêtai en le voyant reculer.
– Parce que tu ne vas pas aimer ce que je vais te proposer, et je veux savoir si tu vas m’attaquer.
Comme ça, je pourrai m’échapper.
Je ris, mais son visage était sérieux.