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Je regardais ses doigts qui caressaient ma paume.
– Personne ne doit savoir que nous le lisons.
Sa main s’immobilisa.
– Est-ce que des gens du lycée vont à la bibliothèque publique ?
– Non, nous allons tous à la bibliothèque du lycée.
– J’aime bien la bibliothèque de Vail ; elle est beaucoup mieux que celle du lycée. Il y a trop de
bimbos qui préfèrent faire des bulles de chewing-gum et se raconter des ragots plutôt que lire.
– Ne critique pas les ragots, rétorquai-je en lui pinçant la main. C’est ce qui fait tourner le monde.
– C’est malheureusement vrai, dit-il en riant doucement. On peut essayer de découvrir ce qu’il y a dans
ce livre. Ça pourrait prendre du temps, mais à nous deux on arrivera bien à faire une traduction.
– Je ne peux pas le lire, rétorquai-je en enroulant mes doigts autour des siens. J’ai trop peur. Et puis je
suis nulle en latin.
– Alors tu veux que je fasse tout le boulot et que je te dise de quoi ça parle ? Bien essayé.
– Je peux quand même t’aider. Pendant que tu traduiras, je ferai des recherches. Je parcourrai les
documents de seconde main dont tu auras besoin pour comprendre le contexte. Je peux aussi répondre à
tes questions sur mon monde, éclaircir ce qui n’aura peut-être aucun sens pour toi.
Il hocha la tête et glissa le livre dans son sac à dos.
– Ce serait bien utile. Mais comment vas-tu réussir à garder le secret ? Je pensais que tu n’avais pas le
droit de te mêler aux humains ?
Je me laissai aller contre l’appuie-tête.
– Figure-toi qu’on vient de m’ordonner de passer plus de temps avec toi. Pour reprendre les termes
exacts, je dois être ton « garde du corps de facto ».
Ses yeux s’illuminèrent.
– En voilà une bonne nouvelle !
J’ai arrêté la main qu’il avait commencé à faire remonter sur ma cuisse.
– N’empêche que je dois toujours respecter les règles.
– Ce sont tes règles, pas les miennes, me taquina-t-il avant que je repose ses doigts sur le siège. La
bibliothèque est ouverte jusqu’à huit heures du soir du lundi au jeudi. Je vais sans doute bosser là-dessus
de quatre heures à huit heures ces soirs-là. Tu pourras m’y retrouver ?
– Oui, je ne patrouille que le dimanche.
Je me suis mordillé la lèvre. Je venais d’accepter de trahir mes maîtres.
– Bien, alors c’est entendu, dit-il avec un sourire sournois. Ça va être drôle.
– Risquer nos vies, tu trouves ça drôle ?
– Pourquoi pas ? demanda-t-il en ouvrant sa portière. Je vais commencer dès ce soir. J’aurai peut-être
des questions pour toi d’ici demain.
– Merci, Shay.
– Ce fut un plaisir, madame Louve.
Il descendit de la Jeep avant que je puisse le frapper.