Travail complet au format pdf - Gymnase Auguste Piccard
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déshonneur si les pompéiens parvenaient à renverser la situation et à vaincre César ! Au<br />
contraire une défaite <strong>au</strong> côté de la légalité n’était point honteuse ni contraire à l’honneur.<br />
Cicéron contre les triumvirs<br />
Sans compter que l’Arpinate, même si Pompée avait lâchement joué contre lui dans le passé,<br />
avait une dette envers lui. C’était un ami d’enfance, et il l’avait tiré de son exil. C’était encore<br />
lui qui avait rest<strong>au</strong>ré la paix, tant désirée par l’orateur, dans la Ville en aidant à neutraliser<br />
Clodius. Aussi l’avocat ne pouvait rejoindre les césariens en conformité avec le bien moral.<br />
« Dans le conflit entre l’intérêt et le devoir moral, Cicéron ne s<strong>au</strong>rait hésiter. 1 »<br />
Le 28 mars, César vint trouver Cicéron à Formies, celui-ci ne se défila pas et affronta le<br />
vainqueur. Les deux grands personnages parlèrent philosophie, littérature, stratégie, histoire,<br />
et politique. Enfin le général fit ses offres à l’orateur. Ce dernier pourrait rejoindre le nouve<strong>au</strong><br />
Sénat dans les rangs de l’opposition, bénéficierait d’une large liberté d’action et, d’une<br />
manière générale, seconderait César dans des tâches d’importance. Cicéron accepta à une<br />
seule condition, pouvoir, lors de sa première apparition devant la nouvelle assemblée, plaider<br />
pour la paix et faire un éloge de Pompée dans le but de rétablir la concorde civile. César, mis<br />
en difficulté, refusa et, « pour s’en tirer, César donna le conseil de réfléchir 2 ». Notons que<br />
le célèbre julien ne fit pas mention de cette entrevue dans son ouvrage sur la guerre civile,<br />
était-ce dû à un sentiment de défaite ?<br />
Le général partit peu après -le 7 avril- combattre les pompéiens en Espagne. Il ne pouvait<br />
laisser une telle base arrière <strong>au</strong>x troupes adverses, de peur que pendant qu’il combattrait son<br />
ennemi en Grèce, elles ne reconquissent l’Italie.<br />
Pour Cicéron, l’entrevue avait été décisive. Ayant enfin entendu de ses propres oreilles les<br />
thèses de César et de ses lieutenants, thèses qui lui seront confiées d’une façon encore plus<br />
alarmiste par Curion dans une entrevue quelques jours plus tard, il convint finalement à l’idée<br />
de rejoindre la Grèce et Pompée. Malgré les lettres des amis de César le félicitant de rester en<br />
Italie et d’avoir choisi le bon camp. « Je pense, pardieu, comme toi, mon cher Cicéron, que tu<br />
ne s<strong>au</strong>rais, sans manquer à ta réputation et <strong>au</strong> devoir, porter les armes contre un homme<br />
<strong>au</strong>quel tu te proclames redevable d’un si grand bienfait. 3 », ou dénigrant Pompée « As-tu vu<br />
plus maladroit que ton Cn. Pompée, qui, avec son fonds de niaiseries, s’est avisé de susciter<br />
de si grands désordres ? Et de plus ardent à mener l’action que notre César, de plus modéré<br />
<strong>au</strong>ssi dans la victoire, en connais-tu, dis-moi, par lecture ou ouï-dire ? 4 ». Et malgré les<br />
menaces de Marc Antoine, chargé par César de gérer les affaires courantes en Italie et de<br />
soutenir les campagnes militaires de son général à l’arrière. Cicéron, sachant bien qu’<strong>au</strong>cun<br />
des deux camps ne représentait vraiment la République, choisit celui qui lui permettait de<br />
remplir sa dette d’honneur. « Si je fais cela, je ne le fais pas pour l’Etat, qui, à mon avis, est<br />
complètement détruit ; je le fais pour que l’on ne me juge pas ingrat à l’égard de l’homme qui<br />
m’a tiré des malheurs où il m’avait lui-même plongé et <strong>au</strong>ssi parce que je ne peux être témoin<br />
de ce qui se passe ou de ce qui, du moins, va se passer. 5 » Après avoir mis ses affaires,<br />
notamment familiales, en ordre et avoir réfléchi une dernière fois <strong>au</strong>x conséquences de son<br />
choix, il s’embarqua le 7 juin avec Quintus à ses côtés pour l’Orient.<br />
1 Grimal, Cicéron, p.301.<br />
2 Ibidem, p.306.<br />
3 Cicéron, Correspondance, CCCLXXI de Balbus, 1.<br />
4 Ibidem, CCCLXIX de M. Célius Rufus, 1.<br />
5 Ibidem, CCCLXXV à Atticus, 1.<br />
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