le gros forestier - Hunters, guide & safaris propose des chasses en ...

le gros forestier
L’hylo du bako
DISCRET « SANGLIER » AFRICAIN
Le guide professionnel Christophe Morio s’est pris de passion pour un animal
passionnant et méconnu, l’hylochère. Ses expériences accumulées auprès de ce
suidé sont désormais légions.
Connaissance de la Chasse - N°436 - Août 2012 139

le gros forestier
Animal
méconnu, que sait-on de la
découverte de l’hylochère ?
Christophe Morio : C’est le colonel
naturaliste Anglais Richard
Menertzhagen (1878-1967) qui a tué
le premier spécimen en 1904, il y a
donc 108 ans…. Cette récolte eut
lieu au Kenya. La dépouille fut
envoyée au Musée d’Histoires
Naturelles de Londres. Ceci étant,
l’hylochère reste aujourd’hui encore
un suidé mal connu et peu étudié.
Comment explique-t-on
cette tardive mise à jour ?
Dans la majeure partie de son aire
de distribution, l’hylochère vit en
forêt primaire presque impénétrable
(Libéria, Cote d’Ivoire, Cameroun,
Centrafrique, Gabon, Congo,
Ouganda, Ethiopie, Kenya). Sa petite
taille au garrot et son pelage foncé
en font un animal difficile à observer
dans son biotope. De plus, les
humains ne pénètrent que très peu
son territoire d’où sa découverte
tardive par un naturaliste.
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Quid de votre première
rencontre avec ce suidé ?
J’ai découvert en 2005 en Rca les
premiers signes de présence
d’Hylochoerus Meinertzageni. Je me
trouvais en présence de pisteurs, le
long des rivières Boungou et Zamza.
A cette époque mon intérêt était plus
porté sur l’éland de Derby et le
bongo. C’est finalement en 2006 que
j’ai vu mon premier hylochère entre
la source de la rivière Bangoran et le
village de Ndélé. Il y avait de
nombreuses traces dans les bakos
serrés et les salines de cette région.
Je l’ai croisé furtivement une fois et
je pensais l’animal nocturne. Au mois
de mars 2007, vers 15 h, durant un
safari dédié à ce suidé j’ai enfin fait
tirer mon premier. L’habitude et la
méconnaissance des mœurs de ce
gibier faisaient que nous le chassions
du mirador. Cela a bien évolué
depuis.
Où en avez-vous depuis
observé le plus ?
Depuis 2011, je fais chasser dans
l’est de la RCA, entre la rivière Mbari
et le mythique fleuve Chinko. Dans
ces territoires perdus de l’est c’est le
paradis de l’hylochère ! Et si mon
animal passion reste le bongo, j’ai
commencé à m’intéresser de
beaucoup plus près à l’hylochère au
cours de mes désormais nombreuses
rencontres avec lui. Est-ce sa taille,
son poids, sa rareté ou sa laideur qui
m’ont attiré ? Je ne saurais le dire.
Toujours est il que j’ai jeté mon
dévolu sur ce suidé pendant la
saison de chasse 2012. Fort des 180
animaux croisés cette saison, j’ai pu
le chasser, l’observer, le
photographier et le filmer avec
succès. Je me répète mais sur le
secteur de Rca ou j’officie la densité
d’hylochères est très forte. Cela ne
date pas d’aujourd’hui. Déjà au
temps des « Trois rivières », Rudy
Lubin m’a confirmé qu’il y en avait
beaucoup. Il était néanmoins peu
considéré par les chasseurs qui n’en
tiraient un que de temps en temps.
Présentez-nous ce fameux
suidé...
C’est le plus gros, le plus lourd, le
plus rare et le plus affreux des suidés
africains. Son corps est recouvert de
longues soies noires éparses. Le plus
étonnant étant sa tête. Son museau
allongé se termine par un nez plat et
rond qui atteint 18 cm de diamètre.
Les mâles développent des
boursoufflures glabres en forme de
disque sous leurs yeux. Celles-ci ont
tendance à gonfler pendant le rut. Il
possède aussi des glandes pré
orbitales exsudant en permanence
une sécrétion sur les plateaux. Les
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deux sexes ont des défenses, celles
des mâles sont plus longues et plus
massives. Elles s’incurvent vers
l’arrière et sont tranchantes comme
des rasoirs. Le dimorphisme sexuel
est très prononcé. Le mâle est
beaucoup plus gros que la femelle.
Le scrotum, bien visible, est énorme.
Mais c’est surtout une tête
caractéristique ornée, je le répète,
des deux énormes plateaux, qui
permet différencier le mâle de la
femelle.
Quel est son biotope de
prédilection ?
L’hylochère est un animal discret qui
ne parcourt pas de grandes distances.
Sur le territoire où je chasse, le
biotope est composé d’une mosaïque
de savane et de bakos espacés de 5 à
6 km. Il ne s’aventure que rarement
très loin des galeries forestières même
s’il traverse les plateaux de savane en
pleine journée. Outre les rencontres
fortuites en 4x4, il est facile de le
rencontrer la journée sur les salines
où, à coups de défenses, il creuse la
terre pour se délecter de sels
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minéraux. Je l’observe aussi
fréquemment sur ses lieux de
gagnage que sont les clairières de
bakos. Il s’y rend souvent par les
mêmes passages. Dans les clairières il
trouve les plantes nécessaires à son
alimentation, joncs, roseaux, feuilles
et surtout cette herbe rase qui
ressemble au Paspalum. Cette plante
est un critère de recherche important.
Il passe de longs moments à
s’alimenter (sessions d’environ 2
heures) et revient sur le même site 2
à 3 fois par jour. Il ne néglige pas à
l’occasion la carcasse d’un animal
mort en décomposition. L’hylochère
se refugie dans les bakos pour se
reposer et se souiller dans la boue. La
femelle s’isole au plus profond de ces
galeries forestières pour confectionner
un nid de branchages et de feuilles et
mettre-bas, après une gestation de
140 à 150 jours, 4 à 6 jeunes qui
ressemblent à de petits nounours tout
noirs.
Est-ce un animal sociable ?
Bien que l’on puisse rencontrer des
animaux solitaires (mâles ou
femelles) il a plutôt un instinct
grégaire. La compagnie est
généralement composée de 2 ou 3
femelles adultes, d’un gros mâle, de la
portée de l’année et de celle de
l’année d’avant. Une compagnie
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compte donc entre 8 et 12 animaux.
C’est une structure plutôt matriarcale
mais il n’est pas rare de trouver un
mâle en tête de compagnie. Lions et
léopards exercent une grosse
prédation sur les hylochères mais fort
heureusement l’espèce est prolifique.
On observe parfois des
regroupements de plusieurs
compagnies formant des groupes de
25 à 30 animaux, je ne connais pas la
cause de ce phénomène. Il accepte
volontiers la présence des babouins,
guibs, colobes, cobes Defassa, bongos
et buffles avec qui il partage sans
heurts salines et clairières.
Est-il bruyant ?
En effet, lors de leurs déplacements ils
sont particulièrement bruyants. Ils
émettent un grognement plaintif pour
se rappeler et se situer. En cas de
danger, la femelle leader pousse un
bruit rauque assez puissant ce qui a
pour effet de regrouper toute la
compagnie avant la fuite. Les mâles
ont aussi une vocalise développée
surtout lors des combats
particulièrement violents qui
s’achèvent parfois par la mort d’un
des protagonistes. Ce cri est très
perçant et strident, il ressemble à un
barrissement d’éléphant en colère. J’ai
été témoin de ce son après le tir d’un
animal qui, blessé à mort, s’était
COTE CHASSE
A la rencontre
c’est mieux
« Il n’y a pas de difficulté
particulière dans la quête de
l’hylochère à partir du
moment où il est abondant et
que l’on connait ses mœurs. Il
se chasse de deux façons au
mirador et à la rencontre.
J’évite la première méthode,
sauf en cas de force majeur.
Le second mode de chasse
consiste de longer la lisière
des bakos humides en
direction des salines et des
clairières. C’est très
intéressant et technique. Je
ne le chasse pas dans les
bakos ni au pistage car ce
suidé ne se déplace
pratiquement pas la nuit et
qu’en saison sèche ses traces
sont presque invisibles sur le
tapis de feuilles mortes des
galeries forestières. De plus
j’ai observé que dans l’Est de
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la Rca il est nettement de
mœurs diurnes et que ses
heures de prédilection pour
se nourrir et se rendre sur les
salines sont comprises entre
10 et 15 heures. C’est donc à
pied aux heures chaudes sur
les sites où j’ai repéré les
indices que je le traque.
L’hylochère n’est pas un
animal résistant à la balle.
Néanmoins je conseille un
calibre important. Le 375 HH
me parait le minimum car
malgré tout on le trouve
souvent dans une végétation
dense. Avec un peu plus de
patience il est tout à fait
possible de le chasser à l’arc
du au fait qu’on le côtoie
régulièrement à courte
distance. Plusieurs ont
d’ailleurs déjà été tirés de
cette façon.»

le gros forestier
refugié dans un bako épais. Quand
nous avons entendu ce hurlement,
nous avons attendu quelques minutes
avant de le suivre. Ne sachant pas sa
provenance, mais certain qu’il n’y
avait pas d’éléphant sur le secteur, j’ai
interrogé le pisteur habitué à la
grande forêt qui m’a dit : « C’est lui, il
veut mourir... » En nous approchant
nous avons compté 12 animaux
regroupés autour du mâle.
Il semble ne manifester
que peu de crainte face à
l’homme...
L’hylochère parait en effet ne pas avoir
peur de l’homme. Ce constat est
manifeste à la vue de mes photos
prises du véhicule de chasse ou à
pied. En fait, dans ce secteur de la Rca
où il n’est pas habitué aux humains, il
est possible de l’approcher de très
prés en utilisant ses faiblesses que
sont son ouïe et sa vue. Il est aussi
envisageable de le faire venir à soi en
faisant craquer une brindille ou en se
montrant légèrement. Sa curiosité
attisée, il s’approche pour contrôler
l’intrus, quelques fois à 5/6 mètres.
Par contre, son odorat est puissant, là
encore il me rappelle l’éléphant. J’ai
constaté qu’il peut capter les
émanations des humains d’assez loin,
300/400 mètres. Les odeurs de pas
laissées sur les salines, les coulées ou
les clairières le font fuir. Il m’est arrivé
plusieurs fois de voir ou entendre une
compagnie arriver sur une zone
dégagée. Cachés à bon vent nous les
laissions s’approcher mais dès qu’ils
sentirent nos traces, ils prirent la fuite.
Sur quels indices de
présences infaillibles
pouvez-vous compter
pour débusquer ce suidé ?
Les indices de présence de l’hylochère
sont visuels, sonores et olfactifs. La
trace et les laissées sont plus grandes
et de formes différentes par rapport
au phacochère et au potamochère. Je
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n’ai encore jamais vu les fameux «
crottoirs » utilisés par la même
compagnie. Peut-être est-ce dû au fait
que les millions de termites font
disparaitre les excréments
rapidement. L’hylochère ne creuse pas
avec son boutoir comme ses deux
cousins. Lors de ses déplacements
l’animal n’est pas attentif aux feuilles
sèches, ni aux branchettes qu’il
piétine. Ses grognements de rappel
sont fréquents. Et chose étonnante,
lorsqu’il se nourrit ses oreilles sont en
perpétuel mouvement, chassant les
mouches tsé tsé ou autres simulies
qui le dérangent. Le « flap, flap »
qu’elles produisent est caractéristique
et facile à entendre. Enfin et comme
tous les « cochons » son odeur est
singulière et puissante, bien différente
du phacochère et du potamochère.
Nous pouvons la sentir à plusieurs
dizaines de mètres. Tous ces indices
sont utilisés quand je le chasse.
L’hylochère partage-t-il
son territoire avec
le potamochère et
le phacochère ?
Effectivement nous trouvons les trois
suidés sur la zone mais il ne partage
pas vraiment le même territoire. Le
phacochère est un animal diurne que
l’on trouve plutôt en savane où il se
nourrit en utilisant son boutoir pour
creuser. Il partage les salines avec
l’hylochère. De son côté, le
potamochère se rencontre très
rarement de jour, parfois à l’aube ou
au crépuscule. Il est plutôt nocturne et
se déplace beaucoup (environ 20/25
km par 24h00) à la recherche de
PAPIERS SVP
De long
en large
Mâle
Longueur totale : 2,10 m
Hauteur moyenne au garrot : 1 m 1,05m
Poids moyen : 140 kg 220 kg
Taille du pied : 7 cm 8 cm
Record Rowland Ward: 15 ½ inches 39, 37 cm
Ouganda pour 93 enregistrés
Safari Club International: 13 inches 33, 02 cm
Ethiopie pour 47 enregistrés
Peu de trophées d’hylochères sont enregistrés
dans les deux systèmes de cotations.
Les records sont toujours des animaux
exceptionnels, en RCA la moyenne
des trophées et de 22/23 cm avec à
ma connaissance le plus grand tiré faisant
29 cm. Il est autorisé à la chasse au
Cameroun, en RCA et en Ethiopie ou
il semble plus gros de corps.
Femelle
Hauteur moyenne au garrot : 80 cm 90 cm
Poids moyen : 110 kg 150 kg
Taille du pied : 6 cm 7 cm

le gros forestier
nourriture. Il vermille avec son
museau allongé et ne va pas aux
salines. Il existe un challenge qui
consiste à prélever les 3 espèces de
suidés lors d’un même safari. A
mœurs différents, chasses différentes,
là est bien l’intérêt. Celle du
potamochère étant la plus difficile car
elle requiert patience et discrétion en
déambulant au plus profond des
bakos humides. Grâce à mon
formidable pisteur, le succès est au
rendez-vous de plus en plus souvent.
Sa technique, qui m’était inconnue,
consiste à les appeler en imitant leurs
grognements ce qui fait venir les
mâles. Incroyable et passionnant.
Existe-il des périodes et/ou
des conditions climatiques
plus favorables à la traque
de l’hylochère ?
Effectivement j’ai noté une petite
influence climatique sur leurs
déplacements. Après une nuit bien
froide des mois de Janvier et Février
les rencontres sont plus fréquentes et
toutes les heures de la journée sont
propices. De même en avril quand les
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pluies commencent et détrempent la
brousse. La végétation explose, les
points d’eau sont nombreux ce qui
fait qu’il est en mouvement
pratiquement toute la journée. Les
grosses chaleurs de mars le rendent
un peu plus discret. La plage horaire
de ses déplacements se réduit et il
évite de s’exposer au soleil trop
longtemps. J’ai retrouvé cette année
des carcasses d’hylochères à cette
période caniculaire. Ils sont morts, je
pense, à cause de la sécheresse. On
ne peut pas noter avec certitude,
comme pour le bongo, qu’il y ait une
période meilleure que l’autre pour
chasser ce suidé.
Qu’en est-il de la qualité de
sa chair ?
Malgré sa taille imposante, l’hylochère
n’est pas gras. Sa chair est un délice
BLOC-NOTES
Votre contact
Christophe Morio
Membre de l’Association des guides
de grande chasse (Aggc)
E-mail : safaris.morio@free.fr
Site : http://safarismorio.canalblog.com
pour les chasseurs mais pas
seulement ! En effet nous l’utilisons
aussi souvent que possible pour
appâter le prince de la nuit qu’est le
léopard. Même si celui-ci est méfiant
envers un adulte qui peut le charger
sans ménagement, il raffole des
jeunes et se laisse facilement tenter
par un gigot suspendu par nos soins.
Le mot de la fin...
Animal méconnu et peu considéré
jusqu’à voici encore peu de temps,
souvent tiré au hasard d’une
rencontre juste pour ajouter un «
cochon » au tableau. Cet animal
atypique gagne peu à peu la
considération des chasseurs par sa
rareté, la qualité de son trophée et la
qualité de sa chasse. A la demande
des chasseurs, des safaris spécifiques
sont organisés pour l’hylochère. Tant
mieux car il mérite bien le respect et
l’intérêt de tous.
propos recueillis par Philippe Aillery