Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — une thérapie dite de choc : alternance de bains chauds et froids et badigeonnage à la teinture d'iode, le tout avec observance d'un repos total de deux jours. Les picotements ressentis et le caractère subit du phénomène ne pouvaient que me faire, en mon for intérieur, infirmer la théorie du brave médecin. J'avais noté sur-le-champ la similitude entre le cas de figure de mes pieds (si vous m'autorisez l'expression) et celui de mon bras, lequel avait été, quelques mois en arrière, la cible d’une certaine flèche sur un trottoir marseillais. Quarante-huit heures après, je sortis de ma chambre d'infirmerie, sur des pieds à géométrie variable, pour apprendre, feuille de route à l'appui, que je devais me rendre à Baden- Baden (à l'époque, haut commandement des forces françaises en Allemagne) pour y attendre une imminente affectation dans un corps d'armée régional. Nous étions une dizaine à faire partie de ce convoi, d'autres nous rejoindraient à une date ultérieure. Au terme d’un voyage sans histoire effectué en train, à Baden-Baden, je fus orienté de nouveau, de par mon état "claudicant", vers l'infirmerie où un médecin-capitaine décréta que je devais me "porter consultant" à l'hôpital de Bühl. Allais-je bénéficier d'une permission exceptionnelle et me retrouver ainsi, le temps d'une convalescence à Toulon, auprès des miens ? Ou, mieux encore, étais-je devenu un fardeau encombrant pour l'armée française et pouvais-je secrètement espérer une réforme ? Certains bruits de couloir purent me le laisser envisager lorsque j'arrivai en fin d'après-midi au petit centre hospitalier militaire de Bühl. Hélas ! Le lendemain je fus vite fixé sur mon sort : il n'était pas question de me renvoyer dans mes foyers mais bien de me soigner pour m'expédier encore Dieu sait où, une fois... sur pied. Comme quelques vitres se brisèrent et qu'un tube de néon leur fit cortège, je me sentis moins seul lors de cette semaine d'hospitalisation de laquelle je ressortis à l'état d'I/3 (déficience membre inférieur : troisième catégorie), mon cas n'ayant pas trop favorablement évolué. D'un point de vue positif, cette nouvelle infirmité me libérait du port des rangers et m'exemptait de toutes les marches spéciales que permettaient ces chaussures que, de surcroît, je n'aurais plus à entretenir (graissage, cirage, lustrage). Je rejoignis donc Baden-Baden où une mutation m'attendait pour Achern. - 82 -

— L'Initiation — J’avais mis à profit mes derniers courriers pour conseiller à mes correspondants de ne pas m'écrire, étant donné que je n'avais aucun secteur postal attitré. Cette situation d'itinérant n'était pas sans rappeler mes débuts professionnels et je me demandais, mi-curieux, mi-inquiet, ce à quoi ce "nomadisme" forcé allait m'exposer. Achern, jolie petite ville, se situe à une cinquantaine de kilomètres de la frontière, et la caserne dans laquelle je vais évoluer n’est pas sans rappeler les pensionnats anglais (tels qu'on peut les découvrir dans certains livres), avec ses pelouses bien régulières, ses allées surplombées d'arceaux sur lesquels s'enroulent des lierres ou autres plantes grimpantes et ses murs constitués de petites briques rouges au niveau du soubassement. Connaissance prise de la précarité de mon état de santé, l'état-major des lieux décide de m'orienter vers un poste de "télétypiste" pour lequel je suivrai un stage de formation. Grande est ma joie de renouer, à cette occasion, avec certains visages connus, transférés également outre-Rhin, dont celui du charismatique Mikaël Calvin. Une plus grande disponibilité que celle dont nous avons bénéficié au cours de notre période d'incorporation va m'autoriser enfin à mettre mon ami au courant de tout. Ses facultés d'anticipation lui avaient permis, déjà, de présupposer que des critères d'ordre surnaturel couvaient sous ce qui s'était produit à Epinal. Il était de mon devoir de le conforter dans le bien-fondé de son approche déductive. Les circonstances n'avaient que trop retardé ma démarche. C'est ainsi que, chaque soir, nous nous retrouvons autour d'une table, dans sa chambre, plus petite et donc plus intime que la mienne, face à une tisane et quelques biscuits. Deux ou trois autres garçons, toujours les mêmes, partagent avec nous ces instants que je privilégie encore plus aujourd'hui, sachant bien à présent la part de vrai qu'ils recelaient. Chose que je ne situais pas alors et qui, pourtant, fait partie intégrante de mon être et me poursuivra, du fait, bien au-delà de mon dernier jour. Mais demeurons respectueux de l'ordre des choses et voyons ensemble ce qu'il convient d'aborder en tant qu'actualité d'alors... Mikaël reçut sans sourciller, ou presque, ce que je lui contai, et nos compagnons posèrent davantage de questions au fil des soirées. Ils avaient été mis au fait par Mikaël qui - 83 -

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J’avais mis à profit mes derniers courriers pour conseiller à mes correspondants de ne<br />

pas m'écrire, étant donné que je n'avais aucun secteur postal attitré. Cette situation d'itinérant<br />

n'était pas sans rappeler mes débuts professionnels et je me demandais, mi-curieux, mi-inquiet,<br />

ce à quoi ce "nomadisme" forcé allait m'exposer.<br />

Achern, jolie petite ville, se situe à une cinquantaine de kilomètres de la frontière, et la<br />

caserne dans laquelle je vais évoluer n’est pas sans rappeler les pensionnats anglais (tels qu'on<br />

peut les découvrir dans certains livres), avec ses pelouses bien régulières, ses allées<br />

surplombées d'arceaux sur lesquels s'enroulent des lierres ou autres plantes grimpantes et ses<br />

murs constitués de petites briques rouges au niveau du soubassement.<br />

Connaissance prise de la précarité de mon état de santé, l'état-major des lieux décide de<br />

m'orienter vers un poste de "télétypiste" pour lequel je suivrai un stage de formation. Grande<br />

est ma joie de renouer, à cette occasion, avec certains visages connus, transférés également<br />

outre-Rhin, dont celui du charismatique Mikaël Calvin.<br />

Une plus grande disponibilité que celle dont nous avons bénéficié au cours de notre<br />

période d'incorporation va m'autoriser enfin à mettre mon ami au courant de tout. Ses facultés<br />

d'anticipation lui avaient permis, déjà, de présupposer que des critères d'ordre surnaturel<br />

couvaient sous ce qui s'était produit à Epinal. Il était de mon devoir de le conforter dans le<br />

bien-fondé de son approche déductive. Les circonstances n'avaient que trop retardé ma<br />

démarche.<br />

C'est ainsi que, chaque soir, nous nous retrouvons autour d'une table, dans sa chambre,<br />

plus petite et donc plus intime que la mienne, face à une tisane et quelques biscuits. Deux ou<br />

trois autres garçons, toujours les mêmes, partagent avec nous ces instants que je privilégie<br />

encore plus aujourd'hui, sachant bien à présent la part de vrai qu'ils recelaient. Chose que je<br />

ne situais pas alors et qui, pourtant, fait partie intégrante de mon être et me poursuivra, du fait,<br />

bien au-delà de mon dernier jour.<br />

Mais demeurons respectueux de l'ordre des choses et voyons ensemble ce qu'il convient<br />

d'aborder en tant qu'actualité d'alors...<br />

Mikaël reçut sans sourciller, ou presque, ce que je lui contai, et nos compagnons<br />

posèrent davantage de questions au fil des soirées. Ils avaient été mis au fait par Mikaël qui<br />

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