Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — exactement comment, mais qui, de toute évidence, autorise le fruit à défier les lois de la pesanteur. J'ai beau être accoutumé à la chose, je suis toujours ébahi devant le "phénomène" ; en revanche, les voyageurs accoudés aux fenêtres du train ainsi que les gens qui circulent sur le quai ne semblent pas plus étonnés que cela ! Sommes-nous à ce moment dans la même dimension ? Ultérieurement, l’enchaînement des faits nous éclairera davantage sur ce point. En attendant, le plus bavard des trois va conclure cette mini-conférence : - Bien que, pour l'instant, vous soyez sous l'effet de choc, vous devez vous efforcer de ne pas vous laisser aller à vos sautes d'humeur, ainsi que je viens de vous le dire, car cela ne résoudra en rien tout ce à quoi vous allez vous trouver exposés. Vous devez bien vous douter que nous savons pertinemment où sont, en cet instant, vos camarades, puisque nous sommes en liaison permanente avec des membres de notre organisation qui les ont suivis individuellement. (Et il me montre une sorte de transistor d'où émanent des voix, un peu comme chez les radios-taxis, qui prononcent les noms et prénoms de tous ceux qui subissent avec moi, depuis le début, ces événements.) Sachez également que la police, pas davantage que quiconque, ne peut quoi que ce soit contre nous. Vous devez savoir également, mais vous l'imaginez sans doute, que vous n'êtes pas notre unique préoccupation, bien que vous deviez vous attendre à ce que nous vous suivions partout où vous irez. Pour vous prouver que nous ne vous racontons pas d'histoires rocambolesques, nous vous engageons à suivre le déroulement des jeux Olympiques de Grenoble qui se dérouleront en février prochain. A cette occasion, nous nous manifesterons en faussant une des épreuves. Nous ferons en sorte que Jean-Claude Killy gagne toutes les médailles d'or mises en jeu en privant son principal rival, Karl Schranz, d'une victoire dans le slalom spécial. Ce dernier ratera le passage d'une porte et se verra disqualifié. Il y aura une controverse mais sa disqualification sera entérinée. Ainsi vous sera démontré que d'autres bénéficient également de nos assiduités. L'homme au chat m'encouragea à monter dans le train, me répétant que je serais suivi partout où je me rendrais, et me tendit une seconde fois le billet de cinquante francs. Voyant que je le refusais, il le glissa dans l'une des poches de mon blazer en me souhaitant un bon - 58 -

— L'Initiation — voyage et d'heureuses fêtes. Les autres me saluèrent également, d'une manière que je qualifierai d'obséquieuse. Je montai dans mon wagon sans me retourner ; j'avais l'impression de sortir d'un caisson dans lequel j'aurais été isolé, mes gestes étaient imprécis, aussi bien quand je m'assis que, quelques instants plus tard, quand je dus faire poinçonner mon billet par le contrôleur. Dans le compartiment où je me trouvais, des voyageurs causaient sans que je pusse suivre leurs propos, n’entendant distinctement que le timbre de la voix des hommes de l'O.M. dont je ne savais plus que penser. J'étais obnubilé par ce qui demeurait toujours un mystère, à travers un ensemble d'éléments que j'avais bien du mal à assimiler. Indubitablement, ce qui poussait ces personnages à s'occuper, avec tant de constance, de ce garçon de dix-neuf ans et demi que j'étais, m'échappait complètement. Mis à part le fait de vivre seul et peut-être celui d'être quelque peu étranger à la ville, rien ne me différenciait fondamentalement des jeunes gens qu'il m'avait été donné de fréquenter. Lorsque l'omnibus me déposa, un peu plus d'une heure après, en gare de Toulon, j'émergeais à peine de cette torpeur qui m'avait envahi. Le voyage, bien qu'ayant pris plus de temps qu'à l'accoutumée, de par ses arrêts répétés tout au long du parcours, m'avait paru bref. Cependant, j'aurais été bien en peine, si on me l'avait demandé, de citer le nom de toutes les gares en lesquelles nous avions observé une station, mes interrogations, mes pensées ayant tout occulté. C'est seulement en retrouvant ma mère, inquiète, comme il eût fallu s'y attendre, de me voir arriver si tard, que je descendis de mon nuage, prenant conscience de l'heure. Il était en effet vingt-deux heures, mon horaire d'arrivée à Toulon ayant également eu une incidence sur celui de la correspondance que j'utilisais : le décalage s'était répercuté sur l'attente que j'avais dû observer, par rapport à la fréquence plus espacée des bus, sitôt passé vingt heures trente. Il n'était pas question pour moi de causer des soucis à mes parents et, le plus logiquement du monde, je fis endosser la responsabilité de ce contretemps à la SNCF, ce qui n'était pas tout à fait un mensonge... Samedi 30, veille du réveillon, j'ai une discussion avec mes camarades de l'orchestre pour les aviser de ma non-participation au bal que nous devons donner le lendemain. Je me prétends grippé, hors d'état de chanter. En vérité, je me sens surtout incapable de me - 59 -

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voyage et d'heureuses fêtes. Les autres me saluèrent également, d'une manière que je qualifierai<br />

d'obséquieuse.<br />

Je montai dans mon wagon sans me retourner ; j'avais l'impression de sortir d'un<br />

caisson dans lequel j'aurais été isolé, mes gestes étaient imprécis, aussi bien quand je m'assis<br />

que, quelques instants plus tard, quand je dus faire poinçonner mon billet par le contrôleur.<br />

Dans le compartiment où je me trouvais, des voyageurs causaient sans que je pusse suivre leurs<br />

propos, n’entendant distinctement que le timbre de la voix des hommes de l'O.M. dont je ne<br />

savais plus que penser. J'étais obnubilé par ce qui demeurait toujours un mystère, à travers un<br />

ensemble d'éléments que j'avais bien du mal à assimiler. Indubitablement, ce qui poussait ces<br />

personnages à s'occuper, avec tant de constance, de ce garçon de dix-neuf ans et demi que<br />

j'étais, m'échappait complètement. Mis à part le fait de vivre seul et peut-être celui d'être<br />

quelque peu étranger à la ville, rien ne me différenciait fondamentalement des jeunes gens qu'il<br />

m'avait été donné de fréquenter. Lorsque l'omnibus me déposa, un peu plus d'une heure après,<br />

en gare de Toulon, j'émergeais à peine de cette torpeur qui m'avait envahi. Le voyage, bien<br />

qu'ayant pris plus de temps qu'à l'accoutumée, de par ses arrêts répétés tout au long du<br />

parcours, m'avait paru bref. Cependant, j'aurais été bien en peine, si on me l'avait demandé, de<br />

citer le nom de toutes les gares en lesquelles nous avions observé une station, mes<br />

interrogations, mes pensées ayant tout occulté. C'est seulement en retrouvant ma mère,<br />

inquiète, comme il eût fallu s'y attendre, de me voir arriver si tard, que je descendis de mon<br />

nuage, prenant conscience de l'heure. Il était en effet vingt-deux heures, mon horaire d'arrivée<br />

à Toulon ayant également eu une incidence sur celui de la correspondance que j'utilisais : le<br />

décalage s'était répercuté sur l'attente que j'avais dû observer, par rapport à la fréquence plus<br />

espacée des bus, sitôt passé vingt heures trente.<br />

Il n'était pas question pour moi de causer des soucis à mes parents et, le plus<br />

logiquement du monde, je fis endosser la responsabilité de ce contretemps à la SNCF, ce qui<br />

n'était pas tout à fait un mensonge...<br />

Samedi 30, veille du réveillon, j'ai une discussion avec mes camarades de l'orchestre<br />

pour les aviser de ma non-participation au bal que nous devons donner le lendemain. Je me<br />

prétends grippé, hors d'état de chanter. En vérité, je me sens surtout incapable de me<br />

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