Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — derniers mois. Seule ombre au tableau, Robert Augustin avait définitivement renoncé à l'athlétisme, préférant la pratique des arts martiaux, ou peut-être avait-il conclu que c'était enfreindre les lois de la prudence que de persister, comme nous le faisions, à provoquer quelque force obscure en ne nous tenant pas à ce que nous avions dit, à savoir ne plus nous réunir, étant donné que rien n'arrivait une fois séparés les uns des autres. Mais c'est connu : les absents ont toujours tort... et là, l'adage se confirmait plus que jamais ! Et c'était tant mieux. Septembre s'écoula de la façon la plus paisible qui fût, je me plaisais à Saint-Marcel, nous pouvions courir et même nous réunir de temps à autre avec Jacques et Norbert, certains soirs, autour d'une bonne table. Que demander de plus ? Bien sûr, il n'est pas question d'imaginer un seul instant que nous avions, en ce début d'automne, fait table rase des problèmes de l'été, qui l'aurait pu ? Mais enfin, on s'habitue vite au "bonheur" et ce ne sont pas les discussions que nous ne manquions pas d'avoir entre nous, comme celles que je pouvais avoir avec Chantal Varnier et Alain Saint-Luc, qui étaient de nature à nous faire ranger tout cela dans l'armoire aux souvenirs : la chose était présente, imprimée, indélébile. Le temps n'avait rien su changer à l'affaire et, pour ma part, lorsque je me retrouvais seul, je me sentais gagné par l'angoisse. Une sorte de vertige s'emparait de moi et il me fallait alors, sur-le-champ, rompre le silence de quelque façon que ce fût. C'est là le propre de toute "vérité" que de déranger l'homme qui, tant bien que mal, a toujours cru trouver son salut dans le fait de s'étourdir en échappant à lui- même par quelque acte de diversion, lequel se veut le plus souvent sonore, quand il n'est pas franchement bruyant. Le silence, miroir de l'âme, gagne parfois à se trouver embué. Alors que j'avais trouvé mes marques à Saint-Marcel et que, je tiens à le répéter, tout allait pour le mieux, monsieur Aymard me convoqua pour m'aviser que, dans le cadre du mouvement du personnel, je me trouvais muté au service "prestations" du centre de la rue Jules Moulet. A vrai dire, il eût été inconvenant de ma part de me plaindre : n'était-ce pas précisément parce que j'escomptais être embauché en ces lieux que nous avions opté, avec mon père, pour ce logement au 35 du boulevard Notre-Dame ? Dès lors, je n'avais plus qu'à traverser la rue pour me rendre au bureau : c'était là une bonne demi-heure de gagnée le matin ! Mais outre le fait qu'il me fallait quitter mes camarades - 40 -

— L'Initiation — de Saint-Marcel, un autre facteur me désobligeait souverainement : mon entraînement sportif. Comment allais-je pouvoir, me retrouvant en plein centre-ville, rejoindre à temps Jacques et Norbert au stade de La Pomme ? La densité de la circulation automobile demandait une bonne heure de trajet en bus. Et je ne tenais compte ni du retour ni du fait que, la nuit tombant plus vite en cette période, il me faudrait m'entraîner et rentrer dans l'obscurité. Tout cela n'était guère encourageant mais je n'étais pas abattu pour autant… Il faut dire que mes débuts à Marseille m'avaient quelque peu endurci, l'accueil de la deuxième ville de France s'étant avéré plus "chaud" que chaleureux. Sitôt après avoir quitté le bureau de monsieur Aymard, je téléphonai à mes amis de la Capelette pour les avertir de ce nouveau changement. C'est ainsi que je sus que Norbert, de son côté, était "transféré" au centre du Camas, Jacques restant seul à l'avenue Gabriel Marie. Ces péripéties professionnelles, diversement commentées par mes parents et amis, l'espace d'un week-end varois, n'avaient point empêché octobre de s'installer et de battre son plein, avec son cortège de mistral et de pluie. Autant l’automne sait enrichir la campagne par ses couleurs, autant je trouve qu'il appauvrit la ville, l'attristant un peu plus, comme s'il en était besoin. J'ai donc pris mes quartiers d'automne à la Sécurité sociale de la rue Jules Moulet. Il s'agit là d'un centre important, beaucoup plus conséquent que celui de la Capelette. Au-dessus du rez-de-chaussée où je vaque à des activités similaires à celles accomplies dans les bureaux précédents, s'échelonnent quatre étages qui se répartissent le contrôle médical, la comptabilité, le service hospitalisation et le contentieux. "L'usine", en quelque sorte ! Mais dans cette usine, il y a Pascal Petrucci et Jean-Claude Panteri avec lesquels je me suis lié assez rapidement d'amitié. Pascal, en ce début octobre, affiche vingt-trois ans et, en plus de son emploi, prépare une capacité en droit. Pascal n'est pas peu fier d'être originaire de l'île de Beauté et c'est sur les cordes de sa guitare qu'il l'exprime le mieux. Il n’est pas rare qu’au terme de notre journée de bureau, il monte chez moi pour m'accompagner musicalement dans une de mes chansons. Il a la faculté de s'adapter à tous les styles de musique, il a "l'oreille", selon le jargon des musiciens. Ainsi, s'il est malheureusement acquis que je ne pratique plus l'athlétisme que le week-end, et sans aller jusqu'à dire que cela compense, je - 41 -

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derniers mois. Seule ombre au tableau, Robert Augustin avait définitivement renoncé à<br />

l'athlétisme, préférant la pratique des arts martiaux, ou peut-être avait-il conclu que c'était<br />

enfreindre les lois de la prudence que de persister, comme nous le faisions, à provoquer<br />

quelque force obscure en ne nous tenant pas à ce que nous avions dit, à savoir ne plus nous<br />

réunir, étant donné que rien n'arrivait une fois séparés les uns des autres. Mais c'est connu : les<br />

absents ont toujours tort... et là, l'adage se confirmait plus que jamais ! Et c'était tant mieux.<br />

Septembre s'écoula de la façon la plus paisible qui fût, je me plaisais à Saint-Marcel,<br />

nous pouvions courir et même nous réunir de temps à autre avec Jacques et Norbert, certains<br />

soirs, autour d'une bonne table. Que demander de plus ? Bien sûr, il n'est pas question<br />

d'imaginer un seul instant que nous avions, en ce début d'automne, fait table rase des<br />

problèmes de l'été, qui l'aurait pu ?<br />

Mais enfin, on s'habitue vite au "bonheur" et ce ne sont pas les discussions que nous ne<br />

manquions pas d'avoir entre nous, comme celles que je pouvais avoir avec Chantal Varnier et<br />

Alain Saint-Luc, qui étaient de nature à nous faire ranger tout cela dans l'armoire aux<br />

souvenirs : la chose était présente, imprimée, indélébile. Le temps n'avait rien su changer à<br />

l'affaire et, pour ma part, lorsque je me retrouvais seul, je me sentais gagné par l'angoisse. Une<br />

sorte de vertige s'emparait de moi et il me fallait alors, sur-le-champ, rompre le silence de<br />

quelque façon que ce fût. C'est là le propre de toute "vérité" que de déranger l'homme qui, tant<br />

bien que mal, a toujours cru trouver son salut dans le fait de s'étourdir en échappant à lui-<br />

même par quelque acte de diversion, lequel se veut le plus souvent sonore, quand il n'est pas<br />

franchement bruyant. Le silence, miroir de l'âme, gagne parfois à se trouver embué.<br />

Alors que j'avais trouvé mes marques à Saint-Marcel et que, je tiens à le répéter, tout<br />

allait pour le mieux, monsieur Aymard me convoqua pour m'aviser que, dans le cadre du<br />

mouvement du personnel, je me trouvais muté au service "prestations" du centre de la rue Jules<br />

Moulet. A vrai dire, il eût été inconvenant de ma part de me plaindre : n'était-ce pas<br />

précisément parce que j'escomptais être embauché en ces lieux que nous avions opté, avec mon<br />

père, pour ce logement au 35 du boulevard Notre-Dame ?<br />

Dès lors, je n'avais plus qu'à traverser la rue pour me rendre au bureau : c'était là une<br />

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