Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — la veille. La matinée s'est écoulée et j'ai la sensation d'avoir évolué à l'intérieur d'une bulle. Au cours du repas de midi, après avoir relaté pour la énième fois les faits, nous nous devons de constater que ces derniers ne se produisent que si nous sommes en groupe et qu'il vaudrait peut-être mieux se séparer durant un temps. En agissant de la sorte, nous serons à même de voir si l'on en veut à l'un de nous en particulier ou alors tout s'arrêtera peut-être comme par enchantement. Ceci peut paraître absurde, mais pas plus que le reste que nous assumons presque avec stoïcisme. La pause de la mi-journée touchant à sa fin, nous nous préparons à réintégrer notre lieu de travail lorsqu'un bruit de verre brisé attire notre attention. Cela provient du parking souterrain de l'immeuble de la Sécurité sociale devant lequel nous nous trouvons. Nous hésitons un instant, puis la curiosité prenant le dessus, nous nous engageons sur la pente qui conduit à ce garage collectif. Notre investigation s’achèvera là : un son bizarre se fait entendre, et voilà qu'en sens inverse, nous apparaît une roue de voiture qui roule à belle allure. Arrivée à notre hauteur, elle marque un bref temps d'arrêt, puis, en pleine côte, reprend de la vitesse, avant de se délester de son enjoliveur et de tourner à droite dans l'avenue Gabriel Marie. Nous rebroussons chemin, croisant des personnes qui, témoins d'une partie de la scène, nous interrogent sur le phénomène. Nous faisons, comme elles, montre de stupéfaction, sans nous attarder davantage ; il vaut mieux d'ailleurs car notre responsabilité pourrait se trouver engagée du fait qu'il n'y a sûrement personne à l'intérieur du parking. Cet événement, diversement commenté par nos collègues, aura pour effet de susciter un nouvel élan de curiosité qui n'ira pas sans provoquer du remous et du désordre dans les services, ce qui n'est évidemment pas de nature à nous faire remarquer de façon positive par les personnes habilitées à établir le rapport de stage destiné à nous titulariser, définitivement, dans l’administration. C'est donc seul que je rejoins mon domicile et, comme il fallait s'y attendre, il ne se passe absolument rien. Je dîne légèrement et me mets au lit pour une nuit réparatrice. Lorsque j'ouvre les yeux, il fait grand jour dans ma chambre et je ne mets pas longtemps pour m'apercevoir que j'ai dormi au-delà des normes. Ma montre consultée immédiatement ne fait que confirmer la chose : il est huit heures. Etant donné que je commence - 36 -

— L'Initiation — à sept heures trente, il vaut mieux téléphoner de façon à aviser mon responsable de service de ce fâcheux contretemps, ce que je fais après avoir fait ma toilette et avalé un bol de café. Il est neuf heures quand mon chef de service m'invite à me rendre chez le chef de centre. Dans le couloir qui conduit à son bureau, je pressens le pire. Je suis reçu on ne peut mieux mais on m'avise qu'à compter de la semaine prochaine, je prendrai mes fonctions au bureau payeur de Saint-Marcel. Bien entendu, l'on me fait entendre qu'il ne s'agit aucunement d'une mesure disciplinaire et que, de plus, c'est tout à fait provisoire. J'ai l'impression de recevoir une douche. Il est vrai que je suis fragilisé par ce qu'il m'est donné de vivre avec mes camarades et que je suis, plus ou moins consciemment, en attente d'un peu de compassion, j'allais dire de tendresse ; je me sens abandonné, rejeté dans cette ville dont je perçois de plus en plus le caractère hostile. Tout semble s'être ligué contre moi et dire que je ne suis peut-être pas encore parvenu au bout de mes peines ! Heureusement, mes compagnons d'infortune sont là et, le soir même, nous nous réunissons pour un repas qui, sans revêtir la solennité d'un repas d'adieu, n'en est pas moins tristounet. Seul Robert Augustin est absent, il a été profondément éprouvé par l'épisode de la rue Sainte-Victoire et a opté pour le mutisme le plus absolu en ce qui concerne cette affaire. Robert, de par ses origines antillaises, a peut-être perçu un relent de sorcellerie dans le dénouement de la soirée de l'avant-veille et préfère renoncer à combattre des "fantômes." Mais l'heure n'est plus à combattre ; avec Jacques et Norbert, nous cherchons un côté positif à ma mutation : elle aura pour effet de justifier cette séparation que nous avions préconisée, du moins n'en porterons-nous pas seuls la responsabilité. Et puis rien ne nous empêchera de nous téléphoner de temps à autre, voire, peut-être, de renouer avec l'athlétisme. Ne dit-on pas qu'il y a une fin à tout ? L'Organisation Magnifique doit avoir bien d'autres chats à fouetter, nous ne sommes certainement pas ses seules cibles. Nous n'avons pas à rougir de notre résignation. Comme le souligne Jacques : - Tout ce qui était de notre ressort a été tenté, sans compter que cela aurait pu être plus grave encore... Norbert, lui, ne décolère pas, il parle de son pull-over déchiré et ne désespère pas de se faire rembourser, un jour ou l'autre, par les responsables... Sans doute tient-il ces propos pour - 37 -

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à sept heures trente, il vaut mieux téléphoner de façon à aviser mon responsable de service de<br />

ce fâcheux contretemps, ce que je fais après avoir fait ma toilette et avalé un bol de café.<br />

Il est neuf heures quand mon chef de service m'invite à me rendre chez le chef de<br />

centre. Dans le couloir qui conduit à son bureau, je pressens le pire. Je suis reçu on ne peut<br />

mieux mais on m'avise qu'à compter de la semaine prochaine, je prendrai mes fonctions au<br />

bureau payeur de Saint-Marcel. Bien entendu, l'on me fait entendre qu'il ne s'agit aucunement<br />

d'une mesure disciplinaire et que, de plus, c'est tout à fait provisoire. J'ai l'impression de<br />

recevoir une douche. Il est vrai que je suis fragilisé par ce qu'il m'est donné de vivre avec mes<br />

camarades et que je suis, plus ou moins consciemment, en attente d'un peu de compassion,<br />

j'allais dire de tendresse ; je me sens abandonné, rejeté dans cette ville dont je perçois de plus<br />

en plus le caractère hostile. Tout semble s'être ligué contre moi et dire que je ne suis peut-être<br />

pas encore parvenu au bout de mes peines !<br />

Heureusement, mes compagnons d'infortune sont là et, le soir même, nous nous<br />

réunissons pour un repas qui, sans revêtir la solennité d'un repas d'adieu, n'en est pas moins<br />

tristounet. Seul Robert Augustin est absent, il a été profondément éprouvé par l'épisode de la<br />

rue Sainte-Victoire et a opté pour le mutisme le plus absolu en ce qui concerne cette affaire.<br />

Robert, de par ses origines antillaises, a peut-être perçu un relent de sorcellerie dans le<br />

dénouement de la soirée de l'avant-veille et préfère renoncer à combattre des "fantômes."<br />

Mais l'heure n'est plus à combattre ; avec Jacques et Norbert, nous cherchons un côté<br />

positif à ma mutation : elle aura pour effet de justifier cette séparation que nous avions<br />

préconisée, du moins n'en porterons-nous pas seuls la responsabilité. Et puis rien ne nous<br />

empêchera de nous téléphoner de temps à autre, voire, peut-être, de renouer avec l'athlétisme.<br />

Ne dit-on pas qu'il y a une fin à tout ? L'Organisation Magnifique doit avoir bien d'autres chats<br />

à fouetter, nous ne sommes certainement pas ses seules cibles.<br />

Nous n'avons pas à rougir de notre résignation. Comme le souligne Jacques :<br />

- Tout ce qui était de notre ressort a été tenté, sans compter que cela aurait pu être<br />

plus grave encore...<br />

Norbert, lui, ne décolère pas, il parle de son pull-over déchiré et ne désespère pas de se<br />

faire rembourser, un jour ou l'autre, par les responsables... Sans doute tient-il ces propos pour<br />

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