Tome 1 - "L'Initiation"
Tome 1 - "L'Initiation" Tome 1 - "L'Initiation"
— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — l’occasion de ces dix derniers jours, s'aperçoit que sa bague sertie de brillants, offerte la veille par son mari, est en train de se décomposer. Elle vient effectivement de se rendre compte qu'un des brillants a déserté la monture d'argent constituée par l'anneau ; quant aux autres pierres précieuses, elles menacent de choir de leur socle à la moindre vibration ! Le couple est dans tous ses états : apparemment, il s'agit là d'un cadeau d'anniversaire de mariage, lequel, malgré le cours avantageux du prix des bijoux au Brésil, a dû nécessiter une coquette somme d'argent. Les responsables du voyage s'affairent auprès des deux malheureux, conscients que l'horaire de départ, très proche à présent, réduit considérablement la marge d'une quelconque action de recours. Ah ! comme une grève surprise du personnel au sol arrangerait bien les choses ! Soudain, un bourdonnement persistant s'empare de ma tête, et je me sens décalé tout à coup lorsque, tout d'abord lointaine, une voix connue me parvient. C'est Karzenstein ! Lucette, pas plus que les autres du reste, ne semble la percevoir. Je suis seul à l'entendre et je saisis rapidement que ce qui m'est dit est en rapport avec la situation que je viens d'évoquer. Karzenstein m'indique alors que le bijou a été acquis chez Stern, un joaillier allemand de Rio, et qu'il y a dans le hall de l'aéroport une boutique Stern. Sûr de mon fait, j'en fais part à la malheureuse dame et à son mari, avec l'espoir qu'ils me comprennent car je ne suis pas du tout certain, en revanche, de me trouver sur la même longueur d'onde que les gens qui m'entourent. Passablement ému par ses déboires, le couple m'écoute, mais l'un des responsables de l'organisation signale, à juste titre, que les boutiques de la galerie marchande ne sauraient ouvrir avant neuf ou dix heures ; or il est sept heures, et nous devons décoller dans une heure tout au plus. Karzenstein me dit alors que s'il le fallait, le vol se verrait retardé par ses soins, mais qu'en la circonstance, cela ne se révélera pas nécessaire. Elle m'invite à me diriger, avec les personnes concernées, vers la boutique Stern dont le directeur, selon Elle, ne devrait pas tarder. La cause de la réaction du couple restera à jamais imputable au caractère désespéré de certaines initiatives ; l'effet, lui, se verra assimilé à l'insondable et heureux "hasard" qui explique, après coup, le succès de toute manœuvre de cet ordre. Toujours est-il que, Karzenstein aidant, le miracle est en passe de se réaliser : je suis écouté, y compris par les responsables de notre comité d'entreprise, et tout ce petit monde se retrouve face à la - 310 -
— L'Initiation — devanture de la bijouterie Stern qui, fait sans doute unique dans les annales, va ouvrir ses portes deux ou trois heures avant toutes les autres boutiques de la galerie marchande de l'aéroport ! Cinq minutes se sont juste écoulées quand le bruit d’un coup de frein attire nos regards vers l'extérieur : à travers la baie vitrée, nous pouvons voir s'extirper d'un taxi un bon quinquagénaire de type européen. Ebouriffé, essoufflé, l’homme salue la petite assistance que nous formons, puis actionne le système électronique permettant de lever grille et rideau. Ceci fait, il nous introduit dans son magasin où les acheteurs, facture à l'appui (et, comment ne pas l'imaginer, Karzenstein en filigrane), se font rembourser, si j'ose dire, "rubis sur l'ongle", le bijou qui, du moins peut-on le penser, ne connaîtra jamais Marseille. Dans la confusion du départ imminent, personne ne se sera rendu compte de rien et personne ne s'interrogera sur l'arrivée impromptue du commerçant (sinon lui-même, bien que, pour ma part, expérience à l'appui, je n'en sois pas intimement persuadé...). Tandis que chacun s'affaire à prendre place dans l'avion, j'imagine, un peu dans le sens où je l'ai commenté précédemment, les acteurs et les témoins de cette aventure narrer cette péripétie, une fois chez eux... En attendant, le bourdonnement "karzensteinien" a délaissé mes tympans, remplacé avantageusement par celui des réacteurs du DC-10 qui nous rapatrie. Enfoncée dans son siège, Lucette me sourit, tandis que, soupesant machinalement la chouette que je viens de retirer de mon cou, je me laisse envahir par une incommensurable ferveur. Retour vers l'Europe... Quelques soirées à commenter photos et films avec nos amis ne nous ont pas empêchés de renouer avec l'insipide quotidien. Les cartes postales expédiées au bureau n'ont pas contribué à me faire entrer en odeur de sainteté auprès de certains cadres, toujours les mêmes : ne vont-ils pas jusqu'à faire de la provocation afin que je sorte de mes gonds ? Ils menacent de punir mes camarades si ceux-ci tentaient de m'adresser la parole, voire si c'est moi qui la leur adressais, sanction susceptible de me faire commettre l'irréparable. Ils n'auront pas gain de cause : sans me prétendre serein, j'ai acquis la certitude que cette violence se retournera contre eux. D’ailleurs, Dakis ne se plaît-il pas à répéter : - Souhaite du bien à ceux qui te veulent du mal ; étant donné qu'ils ne méritent pas ce - 311 -
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