Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — lit. Nous évitons de la sorte l'accablante chaleur qui, dès sept heures trente du matin, rendrait encore notre geste plus pénible. Nous avons ainsi l'opportunité de voir, alors que le site est toujours désert, des escadrilles d'oiseaux de proie qui tantôt nous survolent, tantôt nous regardent courir, alignés côte à côte le long de la bordure de la plage la plus éloignée de l'eau. La première fois que nous avons vu ces grands rapaces noirs comme l'ébène (les urubus) ériger leur "long cou musculeux et pelé" (tel le condor de monsieur Leconte de Lisle), et cela dans un alignement d'une parfaite rectitude, nous avons connu une petite hésitation avant de nous élancer dans notre exercice pédestre car les oiseaux, debout sur le sol, en sus du nombre qu'ils constituaient, se trouvaient être de belle taille, engageant du fait à une certaine prudence. L’expérience aidant, nous constatâmes que ces charognards attendaient que les vagues (ou plutôt les rouleaux de l'océan) rejetassent sur la plage des coquillages et parfois même des déchets venant du large, afin de s'en nourrir. Le jour grandissant, ces oiseaux prenaient leur envol et se dirigeaient vers l'intérieur des terres, sans doute pour rejoindre les reliefs surplombant la forêt équatoriale qui ceinture l'arrière-pays. La journée débute, pour les touristes que nous sommes, par un copieux petit déjeuner brésilien, c'est-à-dire à base de fruits frais et de jus de fruits, le tout accompagné de fromages et du traditionnel café du pays accommodé à la mode française, puisque servi avec brioches et petits pains à tartiner. Louis et moi apprécions ce moment plus que tout autre : ne vient-il pas compenser une importante déperdition de calories ? Il n'est que de se livrer à une heure d'exercice physique de bonne intensité, chaque matin à jeun, pour bien être à même de saisir l'effet d'une pareille délectation. Un matin précisément, alors que Lucette émerge de ses rêves et que je rentre prendre ma douche après avoir couru, le radio-réveil placé sur la table de nuit centrale qui sépare nos deux lits se met à grésiller. Ce n'était jamais arrivé auparavant, étant donné que nous ne nous en servions pas ; aussi ma compagne et moi, quelque peu ébaubis, concentrons notre attention sur l'appareil, dont le cadran lumineux s'est mis à clignoter. D’harmonieux et typiques accords de guitare nous permettent d'identifier une bossa-nova, laquelle s'interrompt rapidement pour laisser place à la voix de... Karzenstein. Dans son langage châtié, celle que mes amis ont respectueusement surnommé "ma marraine" nous fait part de sa présence - 306 -

parmi nous. — L'Initiation — Ce n'est pas, à proprement parler, une surprise car Verove nous avait laissé présager sa "visite" juste avant notre départ. Mais quelle émotion, tout de même ! Qui saura jamais dire combien la Vie sait être présente en ces moments rares, peut-être uniques, où l'on se sent à la fois aussi grand que l'Univers tout entier et en même temps un minuscule grain de poussière perdu dans l'infini ? Qu'il me soit pardonné de n'avoir que ces mots, bien dérisoires, pour tenter de faire partager à chacune et à chacun de ceux qui les liront un tel sentiment de plénitude !… Les guides chargés de nous aider à mieux connaître Rio s'y emploient remarquablement bien, nous autorisant ainsi à gérer du mieux possible le temps de notre séjour qui, de toute façon, s'avérera toujours trop court, eu égard à la disponibilité que nécessite le fait de découvrir convenablement cette ville - tant sur le plan historique que géographique - où culture et nature savent aller de pair. De Copacabana, que nous parcourons en flânant, au pèlerinage effectué dans une certaine solennité au Corcovado où, sur son socle de pierre, un christ géant culmine à près de trente mètres du sol, attendant les bras écartés, selon la légende, de voir un Carioca travailler pour pouvoir l'applaudir, tout, dans ce décor, se prête au gigantisme. Tout, aussi, respire la misère, et les vitrines derrière lesquelles s'amoncellent les pierres précieuses extraites du sous-sol dissimulent mal, sous les gratte-ciel, la vétusté des bâtisses des pêcheurs, lesquelles annoncent les célèbres favelas. Vol à la tire et mendicité sont monnaie courante, et la direction de l'hôtel nous en a avisés pour éveiller notre méfiance. Les Brésiliens sont aussi très religieux ; c'est ainsi qu'un soir de la semaine, que je crois être le lundi, ils disposent au pied des arbres, ou encore au coin des rues, voire sur le sable des plages, des assiettes remplies de riz et parfois de poisson ou de viande. Ces victuailles sont destinées aux défunts qui peuvent à leur gré venir se restaurer la nuit venue. Afin que ces derniers les situent bien, et aussi de façon à ce que les passants ne les renversent pas, ou bien encore pour que les animaux qui rôdent ne s'en approchent pas, ces mets sont éclairés par des bougies conférant à l'environnement un aspect des plus mystiques. L'étrangeté du rite va jusqu'à la disparition, au petit matin, de cette nourriture promise à l'au- delà en marque de vénération dédiée à Yemanja, la "déesse des eaux". Il est aisé de conclure que ce sont les plus démunis qui bénéficient de ces offrandes. - 307 -

parmi nous.<br />

— L'Initiation —<br />

Ce n'est pas, à proprement parler, une surprise car Verove nous avait laissé présager sa<br />

"visite" juste avant notre départ. Mais quelle émotion, tout de même ! Qui saura jamais dire<br />

combien la Vie sait être présente en ces moments rares, peut-être uniques, où l'on se sent à la<br />

fois aussi grand que l'Univers tout entier et en même temps un minuscule grain de poussière<br />

perdu dans l'infini ? Qu'il me soit pardonné de n'avoir que ces mots, bien dérisoires, pour tenter<br />

de faire partager à chacune et à chacun de ceux qui les liront un tel sentiment de plénitude !…<br />

Les guides chargés de nous aider à mieux connaître Rio s'y emploient remarquablement<br />

bien, nous autorisant ainsi à gérer du mieux possible le temps de notre séjour qui, de toute<br />

façon, s'avérera toujours trop court, eu égard à la disponibilité que nécessite le fait de<br />

découvrir convenablement cette ville - tant sur le plan historique que géographique - où culture<br />

et nature savent aller de pair. De Copacabana, que nous parcourons en flânant, au pèlerinage<br />

effectué dans une certaine solennité au Corcovado où, sur son socle de pierre, un christ géant<br />

culmine à près de trente mètres du sol, attendant les bras écartés, selon la légende, de voir un<br />

Carioca travailler pour pouvoir l'applaudir, tout, dans ce décor, se prête au gigantisme. Tout,<br />

aussi, respire la misère, et les vitrines derrière lesquelles s'amoncellent les pierres précieuses<br />

extraites du sous-sol dissimulent mal, sous les gratte-ciel, la vétusté des bâtisses des pêcheurs,<br />

lesquelles annoncent les célèbres favelas.<br />

Vol à la tire et mendicité sont monnaie courante, et la direction de l'hôtel nous en a<br />

avisés pour éveiller notre méfiance. Les Brésiliens sont aussi très religieux ; c'est ainsi qu'un<br />

soir de la semaine, que je crois être le lundi, ils disposent au pied des arbres, ou encore au coin<br />

des rues, voire sur le sable des plages, des assiettes remplies de riz et parfois de poisson ou de<br />

viande. Ces victuailles sont destinées aux défunts qui peuvent à leur gré venir se restaurer la<br />

nuit venue. Afin que ces derniers les situent bien, et aussi de façon à ce que les passants ne les<br />

renversent pas, ou bien encore pour que les animaux qui rôdent ne s'en approchent pas, ces<br />

mets sont éclairés par des bougies conférant à l'environnement un aspect des plus mystiques.<br />

L'étrangeté du rite va jusqu'à la disparition, au petit matin, de cette nourriture promise à l'au-<br />

delà en marque de vénération dédiée à Yemanja, la "déesse des eaux".<br />

Il est aisé de conclure que ce sont les plus démunis qui bénéficient de ces offrandes.<br />

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