Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — travers une légende que d'aucuns ne se privent pas de grossir inconsidérément. J'ai toujours plus ou moins agi de la sorte à propos du paranormal, préférant toujours avoir à m'épancher sur un fait concret, plutôt que d'avoir à aborder cela sans que le personnage n'ait assisté à un ou des phénomènes. Certes, il est vrai que je n'ai pas procédé pareillement avec Jean Platania : fut-ce instinctif de ma part ? Je ne saurais le dire, mais je sens qu'avec Gérard ce n'est pas le moment : la seule interrogation qui puisse naître de cette façon d'agir se résume au fait de se demander s'il s'agit vraiment d'un choix délibéré qui émane de moi, ou bien est-ce encore là le fruit d'une intention dont je ne peux que soupçonner l'origine ? Nous en venons de nouveau à ce fameux "temps choisi", lequel reste l'apanage du toujours énigmatique "ambiant" et aussi, il n'en faut plus douter, du moins pour ce qui concerne mon entourage, de Karzenstein et des siens... Pour l'heure, Lucette et moi avons fait mettre nos passeports en règle. L'attente se veut sereine, et rien ne viendra la perturber. Seul Verove, la veille de notre départ, se manifestera en nous souhaitant un agréable voyage, nous annonçant également que Karzenstein nous contacterait durant notre villégiature à Rio de Janeiro. Cette information, on le devine aisément, nous remplit d'allégresse, étant bien de nature à nous garantir toutes les formes de sécurité que l'on est en droit d'espérer dans le cadre d'un tel déplacement. C'est un autocar pullman qui nous mènera de Marseille à Gênes où, prenant pour ainsi dire le relais, douze heures de vol s’ensuivront. Un avion long-courrier appartenant à une compagnie italienne nous arrêtera d'abord à Rome, faisant ensuite une courte escale à Dakar afin d’effectuer le plein de carburant, avant d’atterrir enfin à Rio dans le petit matin. Un autre autocar nous prendra alors en charge, une fois les formalités administratives d'usage accomplies, et nous conduira, après avoir longé d'interminables plages de sable blanc, à un hôtel construit à l'extérieur de la ville. Il s'agit d'un gratte-ciel moderne qui détonne quelque peu au milieu de la luxuriante végétation dont il semble s'extraire. Louis Grondin, visiblement ému par le décor environnant, propose que nous allions effectuer quelques foulées sur le sable, sitôt nos affaires rangées. Lucette et moi avons hérité d'une chambre sise au vingt-troisième étage d’un bâtiment qui en compte vingt-six. Le grand confort, et même le luxe qui s'y déploient, sont dérangeants - 304 -

— L'Initiation — et jettent une ombre sur notre plaisir si l'on ne se voile pas l'état de pauvreté dans lequel évolue le personnel qui s'y trouve employé, les hôtesses d'accueil et les membres de la direction exceptés. Les garçons d'étage comme les femmes de chambre portent, presque tous, des chaussures qui ne sont pas à leur pointure, et les pantalons des serveurs sont pour la plupart rapiécés. Il y a là un contraste au moins aussi saisissant que celui de l'architecture par rapport à la nature : quelque chose de tout à fait indécent qui engage à se demander comment le bonheur des uns peut ainsi bâtir son support sur le malheur des autres... Est-ce encore un relent de mon "mal à l'homme" qui s'en vient grimacer devant le miroir de ma conscience ? En tout cas, je remarque que Louis constate également cette anomalie, et tous deux tentons d'évacuer notre malaise en allant "trottiner" sur la plage située au pied de notre hôtel, qui s’étend à perte de vue, tandis que nos compagnons de voyage préfèrent s'adonner à une sieste matinale revigorante, ou encore s'offrir un premier bain dans l'eau de l'océan. J'ai besoin de rassembler tout mon amour-propre pour assumer la séance dite de "décrassage" que me fait subir Louis Grondin dont l'endurance est tout bonnement phénoménale. Son assiduité dans le geste qu'il pratique quotidiennement renforce l'aptitude qui est sienne à couvrir de longues distances, à bonne allure, sans trop se fatiguer. De surcroît, le "bougre", originaire de l'île de la Réunion, est beaucoup mieux adapté que je puis l'être à ce climat tropical dans lequel j'ai l'impression de manquer d'air : il me fait parcourir une demi- douzaine d'allers-retours entre l'hôtel et l'anse qui termine la plage, soit à peu près une douzaine de kilomètres. Je le sens même disposé à repartir pour une longueur supplémentaire (donc deux, du fait qu'il nous faut revenir à notre point de départ), et c'est pourquoi je prétexte la fatigue du voyage et la perturbation imputable au décalage horaire pour éviter de demander grâce. Les quinze années qui séparent nos âges respectifs se révèlent, en attendant, tout à son avantage, et Dame Humilité vient subrepticement de se rappeler au bon souvenir de ma jeunesse. J'ignore encore, à cet instant précis, que la course à pied, dite de grand fond, va me servir de cheval de bataille afin de cultiver cette vertu qu'est la "patience", dont Rasmunssen a estimé que je manquais. Trois jours ont passé, et nous ne laissons pas le temps au soleil orangé qui émerge des flots de venir projeter nos deux ombres sur le sable que nous foulons dès six heures, au saut du - 305 -

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travers une légende que d'aucuns ne se privent pas de grossir inconsidérément.<br />

J'ai toujours plus ou moins agi de la sorte à propos du paranormal, préférant toujours<br />

avoir à m'épancher sur un fait concret, plutôt que d'avoir à aborder cela sans que le personnage<br />

n'ait assisté à un ou des phénomènes. Certes, il est vrai que je n'ai pas procédé pareillement<br />

avec Jean Platania : fut-ce instinctif de ma part ? Je ne saurais le dire, mais je sens qu'avec<br />

Gérard ce n'est pas le moment : la seule interrogation qui puisse naître de cette façon d'agir se<br />

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Karzenstein et des siens...<br />

Pour l'heure, Lucette et moi avons fait mettre nos passeports en règle. L'attente se veut<br />

sereine, et rien ne viendra la perturber. Seul Verove, la veille de notre départ, se manifestera en<br />

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aisément, nous remplit d'allégresse, étant bien de nature à nous garantir toutes les formes de<br />

sécurité que l'on est en droit d'espérer dans le cadre d'un tel déplacement.<br />

C'est un autocar pullman qui nous mènera de Marseille à Gênes où, prenant pour ainsi<br />

dire le relais, douze heures de vol s’ensuivront. Un avion long-courrier appartenant à une<br />

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afin d’effectuer le plein de carburant, avant d’atterrir enfin à Rio dans le petit matin. Un autre<br />

autocar nous prendra alors en charge, une fois les formalités administratives d'usage<br />

accomplies, et nous conduira, après avoir longé d'interminables plages de sable blanc, à un<br />

hôtel construit à l'extérieur de la ville. Il s'agit d'un gratte-ciel moderne qui détonne quelque<br />

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sitôt nos affaires rangées.<br />

Lucette et moi avons hérité d'une chambre sise au vingt-troisième étage d’un bâtiment<br />

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