Tome 1 - "L'Initiation"
Tome 1 - "L'Initiation" Tome 1 - "L'Initiation"
— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — exempte de tout repos, convient-il vraiment de le répéter ? Et cette fois encore, Alain Barrière a écrit une chanson tout à fait de circonstance : "Tu t'en vas". Cette chanson qu'il interprète en duo avec Noëlle Cordier résume la séparation provisoire d'un couple. Lucette et moi l'écoutons très souvent, et ceci ne fait que me conforter dans mon idée selon laquelle la chanson est un moyen d'expression idéal. Quoi qu'il puisse arriver, que l'on me procure les moyens d'en vivre ou non, je sais que c'est là ma voie et je n'en dévierai pas. J'ignore encore, à l'instant où naissent ces lignes, si Alain Barrière est du nombre des rencontres non fortuites que je ferai au gré de Karzenstein, mais, à ce moment précis qui précède mon départ, j'éprouve singulièrement le désir de rendre un hommage à ce chanteur, et cela, par l'intermédiaire d'une chanson, comme ont pu le faire Jean Ferrat et Georges Moustaki à l'égard de Georges Brassens. Cette intention demeurera longtemps un vœu pieux : quinze années seront nécessaires à l'inspiration pour qu'elle m'octroie ses faveurs afin que je remercie à ma façon celui qui avait su chanter, en deux occasions, ma vie... sans jeu de mots aucun, là non plus. Puisque mes propos se veulent chanson, mais traitent aussi de rencontres à venir, il n'est pas inopportun de tenter de situer, en droite ligne du passé, quelques "rémanences" (appelons-les ainsi) afférentes aux deux sujets. Ces rémanences, car rémanences il y a (ce type d’expériences jalonnant cette histoire n'autorisent plus aujourd'hui aucune autre interprétation), eurent pour cadre de départ une pizzeria de Marseille, un beau soir de cette année 1974. Pris d’un soudain appétit à la sortie d’une séance de cinéma s'étant achevée aux alentours de minuit, Pierre Giorgi a tenu à nous inviter à grignoter quelques spécialités italiennes, et nous voilà attablés dans une vaste salle où quelques attardés, à notre image, sont venus terminer la soirée. Dans le brouhaha feutré que dispense l'assistance, notre conversation se voit de temps à autre interrompue par un cliquetis de couvert tintant un peu plus fort, ou encore par la cascade d'un rire entraînant dans son flot d'autres sons d'identique qualité. Et puis voilà qu'un silence inattendu se propose à notre ouïe, vite envahi par un murmure suivi de quelques chuchotements : Michel Fugain et sa troupe font leur entrée dans le restaurant. Le chanteur avance en tressautant, au rythme d'un petit pas nerveux, dodelinant de la tête. Il agite ses avant-bras et ses mains, mimant les gestes d'un automate : sans doute évacue-t-il, par ce moyen, les derniers relents de la tension que n'a pas manqué de lui procurer - 280 -
— L'Initiation — le spectacle qu'il vient de donner. Un à un, les membres du "Big Bazar" lui emboîtent le pas ; ils passent devant notre tablée, puis vont s'installer à quelques mètres de nous. Parmi eux se trouvent Roger Candy et Valentine Saint-Jean, plus connus sous les noms de "Gégé" et "Vava". Ils sont bien évidemment à mille lieues de se douter que vingt ans plus tard nous échangerons, sous le couvert d'une grande amitié, les choses essentielles dont l'histoire que je vous raconte se veut porteuse. J'ai aujourd'hui compris - ou du moins me l'a-t-on fait déduire - que nous véhiculons des ondes vibratoires, génératrices de ce qu'il convient de nommer un courant de pensée. Ce courant n'agit pas seulement dans l’instant, ni selon les formes dans lesquelles nos affinités se révèlent et le révèlent : il s'établit à notre insu, et quiconque veut bien se donner la peine de s'adonner à une introspection rétrospective trouvera matière à remettre en cause bon nombre d'idées préconçues. Cette démarche, en outre, est de nature à renforcer notre bien précaire humilité : ne nous engage-t-elle pas à nous rendre compte de certaines de nos limites ? Ne nous autorise-t-elle pas, du fait, à prendre davantage en considération ce qu'est "l'extrasensoriel" ? Les "rémanences" dont il vient d'être fait état entrent dans le cadre de ce mouvement de la pensée. "L'inconscient" a beau nous interdire son accès, il n'en demeure pas moins que notre "conscient" ne peut l'ignorer. Les deux premiers mois de 1975 se sont envolés du calendrier et ont emporté avec eux la pauvre Myriam, abrégeant de la sorte ses terribles souffrances. Le congé sans solde de trois mois que l'Administration m'a accordé prend effet au 15 mars. Ainsi, sept ans après mon départ pour le service militaire, c'est encore le mois de mars qui me voit quitter le giron familial : pas tout à fait le même, certes, mais il me fallait de nouveau, quand bien même était-ce cette fois pour la "bonne cause", partir sous d'autres toits et d'autres cieux. Des cieux qui, à l'image de mon état d'âme, avaient viré du bleu au gris. Bleu car je délaissais, du moins pour un temps, cette vie de bureau pour laquelle je n'étais pas fait (avec, en filigrane, l'espoir de pouvoir m'exprimer dans une activité que je ressentais dans mes moindres fibres), gris pour l'unique raison que j'abandonnais ainsi Lucette sans avoir pu la confier, si ce terme n'est pas trop galvaudé, aux bons soins de Karzenstein et des siens qui ne s'étaient plus manifestés ces derniers mois. - 281 -
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