Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — d'un rocher dont il s'est saisi je ne sais où ni comment, alors que nous sommes sur le seuil du hall d'entrée. J'échange un regard inquiet avec Lucette car il est certain que si André a été "programmé", comme son air absent semble le faire valoir, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Dans cet état semi-hypnotique, notre ami, de par sa force herculéenne, est capable de provoquer des dégâts dont nous n'avons pas idée. Que faire ? N'oublions pas que nous ne sommes pas chez nous et que le climat familial n'est pas de ceux qui autorisent à espérer beaucoup de mansuétude. Déjà, le bris de la baie vitrée de l'immeuble, même s'il n'y a eu aucun témoin, va nous être imputé sans l'ombre d'un doute. J'essaie donc de convaincre le pauvre André d'attendre avec moi à l'extérieur pendant que Lucette arrose les plantes chez ses parents : pour toute réponse, notre ami rit nerveusement en me regardant fixement derrière ses lunettes rondes, alors que son visage s'empourpre et luit sous un bain de sueur. En désespoir de cause, nous pénétrons alors tous les trois à l'intérieur de l'appartement où nous pouvons voir rouler à terre des boîtes de conserve en quantité industrielle : petits pois, haricots, tomates pelées, ananas s'amoncellent sur le parquet de la salle à manger, dans laquelle le piano a conservé, sur son pupitre, la partition de "Bleu, blanc, rouge", la fameuse chanson que Noëlle Gardonne avait interprétée quelques jours auparavant. Tandis que ma compagne s'adonne à ses activités ménagères, je surveille étroitement André en effectuant la visite des pièces. Je m'aperçois ainsi qu'il n'y a plus la moindre tache de sang caillé contre le mur du couloir, mais que persiste une odeur indéfinissable. Je me propose alors d'aérer l’endroit en faisant coulisser un des battants de la grande porte vitrée qui donne accès au balcon, mais je n'y parviens pas. Même tentative, même échec avec les autres fenêtres, ce qui ne m'empêche nullement, derrière celle de la chambre de Béatrice, ma jeune belle-sœur, d'apercevoir dans la rue l'homme qui nous surveille depuis vingt-quatre heures. C'est en revenant sur mes pas que je constate, dans le hall, que les clefs ne sont plus dans la serrure de la porte d'entrée ; j'actionne alors, sans trop y croire, le loquet et constate que nous sommes bel et bien enfermés. J'en fais part à mes compagnons, et nous décidons, faute de choix, de faire contre mauvaise fortune bon cœur, en d'autres mots, de nous mettre à table, comme semblent nous y inviter les baguettes de pain, la demi-douzaine de yaourts et le melon apparemment bien mûr qui viennent d'apparaître subitement sur la table du coin - 202 -

cuisine ! — L'Initiation — Ultérieurement, nous serons réveillés par le bruit de chute sur le parquet du récepteur de télévision devant lequel nous nous étions assoupis peu de temps après l'avoir éclairé. Fort heureusement, l'appareil n'aura subi aucun dommage ; celui-ci étant demeuré en position de marche, nous constaterons ainsi sur-le-champ son bon fonctionnement. Avec André, nous reposerons le téléviseur sur son socle, avant que notre ami ne se voie transporté par une force invisible (le soulevant à un bon mètre du sol !) dans la salle de bains. Là, il se trouvera déshabillé, puis plongé dans la baignoire qui avait été remplie durant notre sieste plus ou moins forcée... Ce curieux acharnement sur la personne d'André n'est pas de nature à engendrer la sérénité. Notre ami, si sécurisant de par la force tranquille qu'il dégage habituellement, est en passe d'échapper complètement à lui-même. Son comportement laisse transparaître une forme de robotisation dont on peut être en droit d'attendre le pire. J'ai l'effroyable certitude que l'Organisation Magnifique maîtrise quasi totalement sa personne pour exercer une pression à mon encontre : en dominant de la sorte l'individu complet que représente André, l'on veut bien entendu me signifier que l'heure va sonner où je vais rejoindre les rangs de cette société secrète. Car désormais, il n'y a plus de doute : la "psychokinésie" leur sert de moyen de persuasion pour exercer leur recrutement. Conditionnés, les individus "qu'ils" ont choisis leur servent pour des besognes jugées ingrates, vu "l'éthique" de l'idéal "qu'ils" se sont assigné. Je me sens affligé comme jamais par tant de "machiavélisme", mes pensées restent muettes, mais, encore une fois, elles convergent vers mes amis disparus : Pascal Petrucci et surtout Mikaël Calvin. Comme par enchantement, parce que je ne peux pas y échapper, j'entrevois alors ce faisceau lumineux assimilable au flambeau de l'espoir, cet espoir que je bafoue bien trop souvent... Et s'ensuit un incontestable afflux de lucidité qui me replace dans une logique dont je n'aurais jamais dû me laisser détourner. Ceci donne, en la circonstance, la série de questions que voici : - Pourquoi avoir attendu pratiquement sept années pour me faire franchir le pas ? - Pourquoi m'avoir laissé me marier, alors qu'il eût été si simple de se servir du - 203 -

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d'un rocher dont il s'est saisi je ne sais où ni comment, alors que nous sommes sur le seuil<br />

du hall d'entrée. J'échange un regard inquiet avec Lucette car il est certain que si André a été<br />

"programmé", comme son air absent semble le faire valoir, nous ne sommes pas au bout de nos<br />

peines. Dans cet état semi-hypnotique, notre ami, de par sa force herculéenne, est capable de<br />

provoquer des dégâts dont nous n'avons pas idée. Que faire ? N'oublions pas que nous ne<br />

sommes pas chez nous et que le climat familial n'est pas de ceux qui autorisent à espérer<br />

beaucoup de mansuétude. Déjà, le bris de la baie vitrée de l'immeuble, même s'il n'y a eu aucun<br />

témoin, va nous être imputé sans l'ombre d'un doute. J'essaie donc de convaincre le pauvre<br />

André d'attendre avec moi à l'extérieur pendant que Lucette arrose les plantes chez ses<br />

parents : pour toute réponse, notre ami rit nerveusement en me regardant fixement derrière ses<br />

lunettes rondes, alors que son visage s'empourpre et luit sous un bain de sueur.<br />

En désespoir de cause, nous pénétrons alors tous les trois à l'intérieur de l'appartement<br />

où nous pouvons voir rouler à terre des boîtes de conserve en quantité industrielle : petits<br />

pois, haricots, tomates pelées, ananas s'amoncellent sur le parquet de la salle à manger, dans<br />

laquelle le piano a conservé, sur son pupitre, la partition de "Bleu, blanc, rouge", la fameuse<br />

chanson que Noëlle Gardonne avait interprétée quelques jours auparavant.<br />

Tandis que ma compagne s'adonne à ses activités ménagères, je surveille étroitement<br />

André en effectuant la visite des pièces. Je m'aperçois ainsi qu'il n'y a plus la moindre tache de<br />

sang caillé contre le mur du couloir, mais que persiste une odeur indéfinissable. Je me propose<br />

alors d'aérer l’endroit en faisant coulisser un des battants de la grande porte vitrée qui donne<br />

accès au balcon, mais je n'y parviens pas. Même tentative, même échec avec les autres fenêtres,<br />

ce qui ne m'empêche nullement, derrière celle de la chambre de Béatrice, ma jeune belle-sœur,<br />

d'apercevoir dans la rue l'homme qui nous surveille depuis vingt-quatre heures. C'est en<br />

revenant sur mes pas que je constate, dans le hall, que les clefs ne sont plus dans la serrure de<br />

la porte d'entrée ; j'actionne alors, sans trop y croire, le loquet et constate que nous sommes<br />

bel et bien enfermés. J'en fais part à mes compagnons, et nous décidons, faute de choix, de<br />

faire contre mauvaise fortune bon cœur, en d'autres mots, de nous mettre à table, comme<br />

semblent nous y inviter les baguettes de pain, la demi-douzaine de yaourts et le melon<br />

apparemment bien mûr qui viennent d'apparaître subitement sur la table du coin<br />

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