Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — à frapper avec la grosse boucle métallique si d'aventure il ratait son coup. Evidemment, je ne m'attends pas à une issue favorable en cas de lutte : je ne peux ignorer que cette araignée est dirigée à distance et qu'elle répond à des êtres qui m'ont démontré cent fois leur savoir-faire, leur puissance. Quelles chances peut posséder un champion d'arts martiaux, même sculptural comme peut l'être André, de triompher du surnaturel ? De la chambre, à travers la porte, Noëlle nous crie qu’il y a, dans le hall, accroché au mur, un fusil de chasse que Jean-Louis utilise pour la saison, et que les cartouches se trouvent dans le placard du vestibule. André s'en saisit alors que la mygale grimpe à présent le long du mur de la salle à manger. Il n'aura pas besoin de tirer : l'horrible bête vient de disparaître dans le plafond, rappelant, à cet effet, la dématérialisation du trousseau de clefs chez les Giorgi ! Après un laps de temps nous autorisant à dire que tout danger était écarté, nous fiant quasi essentiellement au comportement du chat qui avait visiblement retrouvé son calme, nous invitâmes Lucette et Noëlle à sortir de leur cachette. Il n'est pas faux de considérer que les émotions creusent. Le repas que nous prîmes pourrait l'attester, mais sa digestion ne se déroula pas comme nous eûssions été en droit de l'espérer. Effectivement, les Gardonne nous ayant fort gentiment raccompagnés, nous ne trouvâmes toujours pas de "sésame" ou une autre autre formule magique pour que notre porte daignât s'ouvrir. La solution la plus avantageuse s'avéra être alors le "Méditerranée", dont Lucette détenait un double des clefs. Nous entamions juillet, et la famille Auzié, au grand complet, avait, comme chaque été, déserté l'appartement du centre-ville pour la maison de campagne d'Auriol. Les six pièces comportant quatre chambres, nous avions largement la place de dormir avec André, Noëlle et son mari, nos amis refusant de nous quitter. Prenant toutes les précautions pour tenter de passer inaperçus, nous nous introduisîmes presque clandestinement dans l'immeuble, ne pouvant toutefois rien pour empêcher une bille métallique de creuser un cratère au centre de la nouvelle baie vitrée, la précédente, comparable à un morceau de gruyère, ayant été jugée indigne de l'entrée d'un immeuble dit de grand standing. Je revois et reverrai toujours le piano droit auquel s'assit André pour accompagner Noëlle, laquelle voulait pousser la chansonnette dans le but, sans doute, de décrisper - 190 -

— L'Initiation — l'atmosphère quelque peu tendue dans laquelle nous évoluions. Dans la salle de séjour, où nous prenions des rafraîchissements dans la moiteur de cette nuit d'été, nous allions encore gravir un palier supplémentaire dans l'escalade de "l'inimaginable". Parmi les partitions qui s'amoncellent sur le pupitre, Noëlle a choisi une chanson de Pétula Clark qui s'intitule "Bleu, blanc, rouge". Tandis qu'André, s'appliquant à jouer en sourdine, vient d'interpréter l'introduction, notre amie, avec des dons d'imitatrice indubitables, a entonné le premier couplet, puis le second, et c'est alors qu'enchaînant la première phrase du refrain, retentit, pendant les mesures libres, la musique dudit refrain sous forme de sifflement ! Cela provient de plusieurs pièces à la fois, si l'on se réfère à la répercussion légèrement décalée du son. C'est un moment de grande émotion : nous nous regardons tous en silence, avant que nos yeux ne se portent vers la porte vitrée de la salle de séjour, ouverte à deux battants. Chacun scrute le couloir sombre et s'attend à voir apparaître quelqu'un dans l'embrasure de la porte. Combien de temps s'est écoulé avant que nous échangions un mot ? Je ne saurais le dire. Mais la tension baisse peu à peu, bien que nos visages semblent encore plus blafards sous la sueur qui les baigne. Nous nous levons simultanément et nous nous risquons à faire quelques pas dans la salle. André avance vers le couloir en sifflant l'air qu'il jouait il y a quelques minutes : un sifflement, puis deux, puis trois lui font écho. Adoptant alors une position dite de "kata", notre ami avance ainsi d'un pas dont il fait usage lorsqu'il se livre à ses exercices de combat, tout en continuant de siffler, tandis que Lucette actionne l'interrupteur et éclaire le couloir, puis chacune des autres pièces. Les sifflements s'arrêtent, mais pour laisser le champ libre à un autre bruit, celui d'un liquide qui coule : contre le mur du hall d'entrée, du sang se déverse en mince filet ! Tour à tour, nous l'épongeons avec une certaine répugnance, alors que, plus que jamais, nous ressentons des présences à nos côtés. L'éclairage a baissé d'intensité, il s'est voilé. Une odeur étrangère à celles de la maison flotte. Le sang ne coule plus. Il n'en subsiste, sur la tapisserie unie, qu'une perle qui se coagulera, peut-être pour témoigner que nous n'avons pas rêvé. Tout ceci n'est guère rassurant, la signification nous en échappe totalement. Et comme le cri ou le galop tardent à se - 191 -

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l'atmosphère quelque peu tendue dans laquelle nous évoluions. Dans la salle de séjour, où nous<br />

prenions des rafraîchissements dans la moiteur de cette nuit d'été, nous allions encore gravir un<br />

palier supplémentaire dans l'escalade de "l'inimaginable".<br />

Parmi les partitions qui s'amoncellent sur le pupitre, Noëlle a choisi une chanson de<br />

Pétula Clark qui s'intitule "Bleu, blanc, rouge". Tandis qu'André, s'appliquant à jouer en<br />

sourdine, vient d'interpréter l'introduction, notre amie, avec des dons d'imitatrice indubitables,<br />

a entonné le premier couplet, puis le second, et c'est alors qu'enchaînant la première phrase<br />

du refrain, retentit, pendant les mesures libres, la musique dudit refrain sous forme de<br />

sifflement ! Cela provient de plusieurs pièces à la fois, si l'on se réfère à la répercussion<br />

légèrement décalée du son. C'est un moment de grande émotion : nous nous regardons tous en<br />

silence, avant que nos yeux ne se portent vers la porte vitrée de la salle de séjour, ouverte à<br />

deux battants.<br />

Chacun scrute le couloir sombre et s'attend à voir apparaître quelqu'un dans l'embrasure<br />

de la porte. Combien de temps s'est écoulé avant que nous échangions un mot ? Je ne saurais le<br />

dire. Mais la tension baisse peu à peu, bien que nos visages semblent encore plus blafards sous<br />

la sueur qui les baigne. Nous nous levons simultanément et nous nous risquons à faire quelques<br />

pas dans la salle. André avance vers le couloir en sifflant l'air qu'il jouait il y a quelques minutes<br />

: un sifflement, puis deux, puis trois lui font écho. Adoptant alors une position dite de<br />

"kata", notre ami avance ainsi d'un pas dont il fait usage lorsqu'il se livre à ses exercices de<br />

combat, tout en continuant de siffler, tandis que Lucette actionne l'interrupteur et éclaire le<br />

couloir, puis chacune des autres pièces.<br />

Les sifflements s'arrêtent, mais pour laisser le champ libre à un autre bruit, celui d'un<br />

liquide qui coule : contre le mur du hall d'entrée, du sang se déverse en mince filet ! Tour<br />

à tour, nous l'épongeons avec une certaine répugnance, alors que, plus que jamais, nous<br />

ressentons des présences à nos côtés.<br />

L'éclairage a baissé d'intensité, il s'est voilé. Une odeur étrangère à celles de la maison<br />

flotte. Le sang ne coule plus. Il n'en subsiste, sur la tapisserie unie, qu'une perle qui se<br />

coagulera, peut-être pour témoigner que nous n'avons pas rêvé. Tout ceci n'est guère<br />

rassurant, la signification nous en échappe totalement. Et comme le cri ou le galop tardent à se<br />

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