Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — communiquent par gestes, je trouve le silence pesant. Arrivée à la place des Marseillaises, la S.M. tourne sur place et vient se ranger le long du trottoir bordant la rue Lafayette, à contresens de la circulation. Exactement de la même manière que la première fois, nous nous retrouvons dans l'immeuble, dans l'ascenseur, puis dans l'appartement. Je m'efforce de rester vigilant, je serre les poings dans mes poches et respire profondément car je veux éviter de m'offrir de nouveau à cette sensation désagréable où j'ai l'impression de ne pas m'appartenir totalement, de ne pas être vraiment dans mon corps, dans mes gestes. Il me semble que le décor a encore changé, à moins qu'il ne s'agisse d'un autre appartement. Nous sommes huit, et seuls les deux éléments féminins me sont inconnus. Celui qui m'avait parlé sur le quai de la gare invite tout le monde à s'asseoir autour d’une imposante table rectangulaire et prend la parole : ce silence angoissant s’achève enfin ! Il nous désigne un gros classeur que chacun d'entre nous a face à lui et nous demande de l'ouvrir. Chaque page est plastifiée et comporte un article de presse mentionnant un ou des faits divers. Ce sont a priori des accidents, parfois des catastrophes dites naturelles. Apparemment, les informations s'étendent à différents pays : je constate ainsi des déraillements de trains en Yougoslavie, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, je peux apprendre que des incendies ont simultanément ravagé des lieux publics aux Etats-Unis et en Afrique, que plusieurs avions se sont écrasés au cours du même mois en divers points du globe. Celui qui semble diriger les débats évoque également des disparitions de personnes aux quatre coins du monde. Devant mon regard inquiet et interrogateur, il juge bon d'ajouter de sa voix dépourvue de nuances : - Voyez-vous, les lois des séries ne demeurent que les conséquences des choses ; en aucun cas elles ne peuvent être des causes, comme tendent à le considérer vos a priori… L'assemblée émet un murmure approbateur qu'elle souligne par un hochement de tête de bas en haut. Prenant mon courage à deux mains, je lance alors à la cantonade : - A quoi cela vous mène-t-il ? Vous avez pu me démontrer que vous étiez capables d'influer sur nombre d'éléments… Pourquoi donc ne pas améliorer notre société en agissant de façon plus constructive, la méthode que vous employez semblant, jusqu'à présent, plutôt - 154 -

destructive. — L'Initiation — Toujours avec le même timbre monocorde, il m'est répondu que la chose est prévue. L'un de mes voisins de table se lève alors et dirige à distance un appareil qui s'avère être un projecteur et qu'il fait se poser devant lui. A l'exception de celui qui semble présider ce colloque et qui se tient debout près du mur contre lequel il vient de faire se dérouler un écran, tout le monde se place derrière celui qui actionne le projecteur. Fait curieux (mais dois-je vraiment m'en étonner), l'éclairage de la pièce a singulièrement diminué sans que quiconque ait touché quoi que ce soit, mais j'ai surtout l'impression d'une modification de l'ensemble de la structure de la pièce dans laquelle nous nous trouvons. Ce ne peut être uniquement un effet d'optique car les sons, eux aussi, diffèrent, s'éloignant et puis se rapprochant… Mais je n’y décèlerai, quant à moi, aucune signification précise. Des diapositives défilent sur l'écran, elles sont d'une netteté extraordinaire. Selon la surface que le manipulateur leur octroie, ces photos, notamment celles reproduisant des sites, donnent une impression de relief. En revanche, les images représentant des gens sont de la même qualité que n'importe quelle photo que nous prenons. Je peux y reconnaître des couples : Roberto et Chantal De Rosa, Gil et Claudine Saulnier, Pierre et Jocelyne Giorgi ainsi que Jacques Warnier et sa future épouse Nicole. Beaucoup d'autres visages me sont présentés, mais je ne les connais pas. Et puis des bébés et des enfants en bas âge se succèdent sur l'écran, alors que nous pouvons entendre "la Symphonie du Nouveau Monde" de Dvořák. La projection prend fin, l'éclairage et les sons reprenant leur aspect initial. Machinalement, ne sachant trop que dire, je dévisage mes hôtes l'un après l'autre et je peux remarquer que tous, sans exception, ont les yeux qui brillent et un petit sourire figé. Ces expressions sont de nature à détendre l'atmosphère : sans être réellement ce que l'on peut appeler une démonstration de sentiments, je ressens moins cet effet de robotisation qui me bloqua à l’occasion des entrevues précédentes. J'ai d'ailleurs la certitude "qu'ils" sont conscients de mon mieux-être, et sans que l'ambiance atteigne une franche convivialité, c'est sans réticence que je me saisis du verre de jus de fruit qui flotte devant moi et que je le porte à mes lèvres, non sans les remercier. - 155 -

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Toujours avec le même timbre monocorde, il m'est répondu que la chose est prévue.<br />

L'un de mes voisins de table se lève alors et dirige à distance un appareil qui s'avère être un<br />

projecteur et qu'il fait se poser devant lui. A l'exception de celui qui semble présider ce<br />

colloque et qui se tient debout près du mur contre lequel il vient de faire se dérouler un écran,<br />

tout le monde se place derrière celui qui actionne le projecteur. Fait curieux (mais dois-je<br />

vraiment m'en étonner), l'éclairage de la pièce a singulièrement diminué sans que quiconque ait<br />

touché quoi que ce soit, mais j'ai surtout l'impression d'une modification de l'ensemble de<br />

la structure de la pièce dans laquelle nous nous trouvons. Ce ne peut être uniquement un<br />

effet d'optique car les sons, eux aussi, diffèrent, s'éloignant et puis se rapprochant… Mais je<br />

n’y décèlerai, quant à moi, aucune signification précise.<br />

Des diapositives défilent sur l'écran, elles sont d'une netteté extraordinaire. Selon la<br />

surface que le manipulateur leur octroie, ces photos, notamment celles reproduisant des sites,<br />

donnent une impression de relief. En revanche, les images représentant des gens sont de la<br />

même qualité que n'importe quelle photo que nous prenons.<br />

Je peux y reconnaître des couples : Roberto et Chantal De Rosa, Gil et Claudine<br />

Saulnier, Pierre et Jocelyne Giorgi ainsi que Jacques Warnier et sa future épouse Nicole.<br />

Beaucoup d'autres visages me sont présentés, mais je ne les connais pas. Et puis des bébés et<br />

des enfants en bas âge se succèdent sur l'écran, alors que nous pouvons entendre "la<br />

Symphonie du Nouveau Monde" de Dvořák. La projection prend fin, l'éclairage et les sons<br />

reprenant leur aspect initial.<br />

Machinalement, ne sachant trop que dire, je dévisage mes hôtes l'un après l'autre et je<br />

peux remarquer que tous, sans exception, ont les yeux qui brillent et un petit sourire figé. Ces<br />

expressions sont de nature à détendre l'atmosphère : sans être réellement ce que l'on peut<br />

appeler une démonstration de sentiments, je ressens moins cet effet de robotisation qui me<br />

bloqua à l’occasion des entrevues précédentes. J'ai d'ailleurs la certitude "qu'ils" sont<br />

conscients de mon mieux-être, et sans que l'ambiance atteigne une franche convivialité, c'est<br />

sans réticence que je me saisis du verre de jus de fruit qui flotte devant moi et que je le<br />

porte à mes lèvres, non sans les remercier.<br />

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