Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — Il y a tout juste vingt minutes que les lumières se sont tues lorsque, soudain, nous entendons distinctement un pas lourd sur la moquette. Christian, le frère de Claudine, avec lequel je partage la chambre, éclaire alors sa lampe de chevet, et quelle n'est pas notre surprise de voir, au beau milieu de la pièce, tressauter la Vierge en ivoire qui a de nouveau quitté son emplacement d'origine : une commode placée dans le hall d'entrée de l'appartement. C'est le branle-bas pour toute la maisonnée. Renée ne s'affole pas et prend la situation avec humour. Elle va jusqu'à se saisir de la statuette et la repose à sa place initiale. Mais déjà les premières lames de rasoir sifflent et tournoient dans l'appartement, tandis que les chaises voltigent, de droite et de gauche. La Vierge ne veut décidément rien savoir et a décidé de circuler où bon lui semble : elle va d'une pièce à l'autre. Une boule de pétanque la suit ou la précède dans ses évolutions, heurtant portes et meubles assez bruyamment. Gil serre Claudine dans ses bras pendant que nous essayons de dédramatiser la situation, dont on ne peut prévoir de quelle façon "ils" vont la faire évoluer. Je suis très mal à l'aise et souhaite partir : je n'ai jamais apprécié, et n'apprécie d'ailleurs toujours pas que ces phénomènes aient lieu chez des personnes chez qui j'ai été invité. Nous tenterons de retrouver notre calme en regagnant nos lits, mais il nous faudra plusieurs fois éclairer les pièces, surtout dans les moments où les chaises donneront libre cours à leur fantaisie, escaladant les divers emplacements où nous avions choisi d'abriter notre sommeil. Ceci durera un peu plus d'une heure, et puis une période de profond silence s'installera, avant le bouquet final que matérialisera un bruit s'apparentant à un galop de cheval, à la suite duquel les "hostilités" cesseront définitivement. Enfouis sous draps et duvets, nous émergerons d'un sommeil assez agité, réveillés par les bruits de la rue, ou plus exactement du marché, lequel se tient quelques dizaines de mètres au-dessous, comme j'ai eu l'occasion de pouvoir l'écrire précédemment. Pas de vision apocalyptique : les chaises et la statuette ont regagné sagement leur emplacement, tout juste constatons-nous que ma montre s'est détachée de son bracelet pour aller se poser en haut d'une porte et qu'une lame de rasoir s'est enfoncée à moitié dans l'un des coussins de la banquette. Le plafond garde toutefois une trace de la nuit (que Jimmy - 144 -

— L'Initiation — Guieu qualifiera de "nuit de hantise" dans son "Livre du Paranormal 5 "), sous la forme d'un petit cratère de cinq à six centimètres de diamètre, impact de la boule de pétanque avant son immobilisation au pied de la commode où trône la Vierge. Accoudés à la fenêtre de la salle à manger, nous observons le va-et-vient des gens entre les étalages de fruits et légumes. Encore sous le choc, nous demeurons abasourdis, mais conscients d'avoir participé à quelque chose de réellement extraordinaire. Gil, fidèle à lui- même, lance dans un demi-sourire cette phrase qui restera : - Dire que tous ces gens qui font paisiblement leur marché ignorent et ignoreront toujours ce qui s'est passé, cette nuit, à quelques mètres au-dessus d'eux… Le mois d'août ne se manifesta plus de la sorte, mes amis perçevant cependant d'étranges bruits sous leur voiture, alors qu'ils roulaient sur l'autoroute les ramenant à Lyon. Bien qu'étant de moins en moins isolé et de surcroît entouré par des gens intelligents faisant montre de tolérance, quand ce n'est pas de compréhension pure et simple, je me sais tout de même seul dans cette aventure. Il est incontestable que le processus d'adaptation a atteint un stade d'évolution que je n'aurais jamais envisagé il y a quatre ans, mais une question essentielle me tient souvent éveillé à l'heure où naguère je dormais du sommeil du juste : pourquoi ? L'idée d'un recrutement, chère au pauvre Pascal, a fait son chemin dans ma tête, mais j'ai la certitude, en ce début septembre 1971, que l'Organisation Magnifique n'a pas besoin de quatre années pour décider quelqu'un à rejoindre ses rangs. Est-ce que la cause dépend de mon passé ? N'y aurait-il pas parmi les membres de cette société occulte quelqu'un appartenant à ma vraie famille ? Quelqu'un dont je porte les gènes ? Quelqu'un qui aurait attendu que je me retrouve seul à Marseille et qui, connaissant (pour m'avoir surveillé) mon côté quelque peu inadapté, voire inadaptable à tout système institutionnel, tenterait de corriger le tir en me menant petit à petit à ce qui n'était peut-être rien d'autre qu'une secte ? Le cercle des questions s'était refermé progressivement pour ne laisser libre que cette interrogation dont la réponse se trouvait encore et toujours différée. Et pour longtemps encore ! Sans prétendre que j'étais à peu près sûr "qu'ils" allaient accentuer la pression, je m'attendais à une évolution de la situation, du moins sur le plan général. Confronté aux contingences de ce qui constitue 5 Réédité aux éditions Vaugirard en 1993. - 145 -

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Il y a tout juste vingt minutes que les lumières se sont tues lorsque, soudain, nous<br />

entendons distinctement un pas lourd sur la moquette. Christian, le frère de Claudine, avec<br />

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nouveau quitté son emplacement d'origine : une commode placée dans le hall d'entrée de<br />

l'appartement.<br />

C'est le branle-bas pour toute la maisonnée. Renée ne s'affole pas et prend la situation<br />

avec humour. Elle va jusqu'à se saisir de la statuette et la repose à sa place initiale. Mais déjà<br />

les premières lames de rasoir sifflent et tournoient dans l'appartement, tandis que les<br />

chaises voltigent, de droite et de gauche. La Vierge ne veut décidément rien savoir et a<br />

décidé de circuler où bon lui semble : elle va d'une pièce à l'autre. Une boule de<br />

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situation, dont on ne peut prévoir de quelle façon "ils" vont la faire évoluer. Je suis très mal à<br />

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notre calme en regagnant nos lits, mais il nous faudra plusieurs fois éclairer les pièces, surtout<br />

dans les moments où les chaises donneront libre cours à leur fantaisie, escaladant les divers<br />

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heure, et puis une période de profond silence s'installera, avant le bouquet final que<br />

matérialisera un bruit s'apparentant à un galop de cheval, à la suite duquel les<br />

"hostilités" cesseront définitivement.<br />

Enfouis sous draps et duvets, nous émergerons d'un sommeil assez agité, réveillés par<br />

les bruits de la rue, ou plus exactement du marché, lequel se tient quelques dizaines de mètres<br />

au-dessous, comme j'ai eu l'occasion de pouvoir l'écrire précédemment.<br />

Pas de vision apocalyptique : les chaises et la statuette ont regagné sagement leur<br />

emplacement, tout juste constatons-nous que ma montre s'est détachée de son bracelet pour<br />

aller se poser en haut d'une porte et qu'une lame de rasoir s'est enfoncée à moitié dans<br />

l'un des coussins de la banquette. Le plafond garde toutefois une trace de la nuit (que Jimmy<br />

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