Tome 1 - "L'Initiation"

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le faire savoir. — Les Visiteurs de l'Espace-Temps — L'après-midi touche à sa fin, nous sommes sortis du bureau et j'ai pris congé de Gilbert Marciano avec lequel nous venons d'essuyer quelques jets de pierre, que les chantres du journalisme qualifieraient aujourd'hui de "frappes chirurgicales". C'est du grand art : précision, discrétion, rien ne manque. Je suis sur la célèbre Canebière lorsque, surgie d'une ruelle perpendiculaire, une voiture ralentit, fait halte et attire mon attention à l'aide d'un procédé exerçant un scintillement que j'assimilerai à un effet de miroir. L'un des occupants me fait signe et m'invite à m'approcher, ce que je ne manque pas de faire, pensant peut-être qu’on allait me demander un renseignement. Sans avoir l'impression d'être forcé, je me retrouve sur le siège arrière du véhicule, non sans avoir été invité à le faire. Il y a le chauffeur et deux passagers : celui qui est installé à mes côtés fait partie du "trio de la gare Saint-Charles", en revanche, je ne reconnais pas les autres. La voiture, une 404 Peugeot, roule à présent en direction de la cathédrale des Réformés, puis fait un demi-tour sur place dans un trafic pourtant fort dense 3 . Là, nous bifurquons dans une rue étroite, puis effectuons un nouveau demi-tour sur place. A ce moment-là, le conducteur invite tout le monde à descendre et j'emboîte le pas des deux autres membres de la faction de l'Organisation Magnifique. La rue que nous arpentons s'élève vers les abords de la gare et, en cherchant à me situer, je vois une plaque qui m'indique qu'il s'agit de la rue Lafayette. Arrivés à l'angle de cette dernière, je constate que nous nous trouvons bien au pied de la gare Saint-Charles, perpendiculairement à la place des Marseillaises. Nous nous arrêtons sur le seuil de la dernière maison, devant une porte vitrée surmontée du numéro 27. Sans intervention apparente d'aucun des deux hommes, la porte s'ouvre et nous gravissons une dizaine de marches pour emprunter un ascenseur dont la porte s'ouvre tout aussi mystérieusement. Là encore, sans que nul n'appuie sur un quelconque bouton, l'ascenseur nous conduit quelques étages au-dessus. Nous sortons de la cabine et obliquons sur notre gauche jusqu'au bout d'un couloir se terminant par trois portes. C'est celle de gauche qui s'ouvre et nous nous retrouvons dans un appartement meublé sobrement, mais où un plan de Marseille et d'autres cartes ornent les murs ; je remarque que ces documents sont parés de petites ampoules multicolores qui clignotent. Deux 3 Manœuvre non seulement interdite, mais impensable en raison de la circulation quotidienne dans ce quartier. - 126 -

— L'Initiation — hommes me souhaitent la bienvenue et l'on m'offre un siège. Assise à l'écart, dans un fauteuil, une dame d'un certain âge tricote. Si l'on excepte l'opacité de l'éclairage et le fait que la dame n'a pas daigné lever les yeux de son ouvrage, rien ne respire l'étrangeté en ces lieux. Les personnages, au nombre de cinq (le conducteur nous a rejoints), parlent entre eux à voix basse, alors qu'un verre, défiant les lois de la pesanteur, vient se poser devant moi, bouteilles d'eau et de sirop accédant à la table où l'on m'a installé par le même procédé. Quatre des cinq hommes s'attablent à mes côtés, et des verres atterrissent, qu'ils remplissent, sans avoir recours, cette fois, à ce que nous appellerons de la "télékinésie". Puis la conversation s'engage, après avoir trempé nos lèvres dans les verres, avec une certaine réticence mal contenue en ce qui me concerne, sachant bien, cependant, que je me trouve là à leur merci. C'est du monde dans lequel nous vivons qu'il est question, de la société, plus exactement. Tour à tour, sur un même ton monocorde, les quatre personnages s'exprimeront, me faisant valoir l'échec de mai 68, l'échec de ce qui allait advenir à travers la société de consommation qui se révélerait être la consommation de la société. Bien qu'écoutant attentivement leurs propos, je retrouve là cette sensation indéfinissable de torpeur et je me contente d'acquiescer au moment où un silence se propose. Parfois, leur voix se fait lointaine et je suis repris par mes pensées qui se bousculent et qui m'engagent à poser des questions sur Mikaël Calvin, Chantal Varnier, les Jeux de Grenoble, ou encore à leur demander qui "ils" sont réellement. Mais cela est de courte durée, on dirait qu'ils captent mes idées et me les occultent au fur et à mesure qu'elles s'esquissent dans mon cerveau. Ces situations de "rencontres", qu'il me sera donné de vivre en plusieurs occasions, me laisseront, à chaque fois, cette impression "d'endormissement éveillé" ; je me sentirai toujours émergeant d'une sorte de sommeil semi-hypnotique lorsque je me retrouverai seul. Pour l’heure, m’ayant tracé un exposé de la situation générale, ils m'avisent qu'ils vont modifier certaines données de notre quotidien et qu'il faut nous attendre à une recrudescence de l'insolite sous des formes que nous réprouverons, mais qui demeureront bien dans les normes de la qualité de notre système de vie. Je crois deviner une certaine violence dans ces futures actions, bien qu'aucun des quatre personnages ne se départisse jamais de son impassibilité. - 127 -

le faire savoir.<br />

— Les Visiteurs de l'Espace-Temps —<br />

L'après-midi touche à sa fin, nous sommes sortis du bureau et j'ai pris congé de Gilbert<br />

Marciano avec lequel nous venons d'essuyer quelques jets de pierre, que les chantres du<br />

journalisme qualifieraient aujourd'hui de "frappes chirurgicales". C'est du grand art : précision,<br />

discrétion, rien ne manque. Je suis sur la célèbre Canebière lorsque, surgie d'une ruelle<br />

perpendiculaire, une voiture ralentit, fait halte et attire mon attention à l'aide d'un procédé<br />

exerçant un scintillement que j'assimilerai à un effet de miroir. L'un des occupants me fait signe<br />

et m'invite à m'approcher, ce que je ne manque pas de faire, pensant peut-être qu’on allait me<br />

demander un renseignement. Sans avoir l'impression d'être forcé, je me retrouve sur le siège<br />

arrière du véhicule, non sans avoir été invité à le faire. Il y a le chauffeur et deux<br />

passagers : celui qui est installé à mes côtés fait partie du "trio de la gare Saint-Charles", en<br />

revanche, je ne reconnais pas les autres. La voiture, une 404 Peugeot, roule à présent en<br />

direction de la cathédrale des Réformés, puis fait un demi-tour sur place dans un trafic<br />

pourtant fort dense 3 . Là, nous bifurquons dans une rue étroite, puis effectuons un nouveau<br />

demi-tour sur place. A ce moment-là, le conducteur invite tout le monde à descendre et<br />

j'emboîte le pas des deux autres membres de la faction de l'Organisation Magnifique.<br />

La rue que nous arpentons s'élève vers les abords de la gare et, en cherchant à me<br />

situer, je vois une plaque qui m'indique qu'il s'agit de la rue Lafayette. Arrivés à l'angle de cette<br />

dernière, je constate que nous nous trouvons bien au pied de la gare Saint-Charles,<br />

perpendiculairement à la place des Marseillaises. Nous nous arrêtons sur le seuil de la dernière<br />

maison, devant une porte vitrée surmontée du numéro 27. Sans intervention apparente d'aucun<br />

des deux hommes, la porte s'ouvre et nous gravissons une dizaine de marches pour emprunter<br />

un ascenseur dont la porte s'ouvre tout aussi mystérieusement. Là encore, sans que nul<br />

n'appuie sur un quelconque bouton, l'ascenseur nous conduit quelques étages au-dessus. Nous<br />

sortons de la cabine et obliquons sur notre gauche jusqu'au bout d'un couloir se terminant par<br />

trois portes. C'est celle de gauche qui s'ouvre et nous nous retrouvons dans un appartement<br />

meublé sobrement, mais où un plan de Marseille et d'autres cartes ornent les murs ; je<br />

remarque que ces documents sont parés de petites ampoules multicolores qui clignotent. Deux<br />

3 Manœuvre non seulement interdite, mais impensable en raison de la circulation quotidienne dans ce quartier.<br />

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