Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — d'exploser à mes côtés quelques ampoules, je m'arrête. Puis, très calmement, d'une voix bien posée, je m'adresse aux responsables de ces actes, que j'imagine bien tapis dans l'ombre : - Vous avez su faire montre, en maintes occasions, en divers endroits, de vos talents multiples. Peut-être seriez-vous capables, en vous en donnant la peine, d'apporter la guérison à la personne que je viens voir et que vous connaissez fort bien. Vous m'avez quelquefois aidé alors que je ne demandais rien ; aujourd'hui, je fais appel à vous, où que vous soyez, qui que vous soyez. Je demeurai longtemps immobile, ne doutant pas le moins du monde d'avoir été entendu. Plus aucun projectile ne tomba dès cet instant, seul un silence pesant me fit cortège jusque dans ma chambre où je m'effondrai sur mon lit en pleurant. Le lendemain, j'émergeai d'un sommeil prolongé et, plutôt que de me rendre au bureau, je décidai d'avoir recours à un médecin pour me faire accorder quelques jours de repos dont je ressentais le plus urgent besoin. Le neveu de ma logeuse, généraliste, était tout désigné, et, me recommandant de sa tante, j'allai le consulter. Huit jours d'arrêt de travail me furent prescrits. Son état demeurant stationnaire et ne nécessitant pas une présence quotidienne obligatoire, le séjour de Chantal à l'hôpital prit fin le surlendemain. Bien évidemment, elle rejoignit sa famille à Toulon, devant toutefois se rendre à des séances de soins une fois par semaine à Marseille. N'ayant plus rien à faire au boulevard Notre-Dame, je regagnai à mon tour le domicile de mes parents, où je retrouvai une ambiance plus propice à mon équilibre bien défaillant. 30 juin 1969 : d'après l'état civil, je suis majeur. Mon père et ma mère causent à voix basse dans la chambre, dont ils ont pris soin de fermer la porte. Puis mon père sort, m'appelle pour me dire que ma mère m'attend dans la cuisine : je m'y rends. Elle s'y trouve assise, me demandant de tirer la porte derrière moi. Elle me désigne une chaise, et je m'assieds à ses côtés. A mon grand étonnement, mon père ne se joint pas à nous. D'une voix hachée par une émotion qu'elle tempère du mieux qu'il lui est possible de le faire, ma mère trahit son secret. Combien de fois a-t-elle projeté ce moment ? Combien de fois a-t-elle répété les phrases de ce rôle délicat qu'elle joue aujourd'hui ? Je l'écoute en silence, bien - 120 -

— L'Initiation — que sachant depuis bien longtemps tout ou presque de ce qu'elle est en train de me dire, et que je résumerai ainsi : - Tu avais tout juste six mois lorsque nous t'avons choisi, suite à de nombreuses visites, parmi beaucoup d'autres enfants. Peut-être est-ce ce regard attendrissant que tu nous lançais à chacune de nos venues qui a fait que tu es notre fils aujourd'hui… Nous avons fait pour le mieux ensuite, prenant garde que tu ne manques jamais de rien. Tu n'as pas toujours, à travers ton comportement, répondu à nos espérances, notamment au niveau de ta scolarité, mais je pense qu'aujourd'hui tu as mis un peu de plomb dans ta tête et que l'éducation que nous t'avons donnée va faire de toi un homme digne de ce nom. Si un jour, à ton tour, tu as des enfants, tu comprendras mieux la raison de la morale que nous t'avons si souvent faite. Tu verras en vieillissant combien la vie sait être dure. Ton père a préféré que ce soit moi qui t'entretienne de ce que tu viens d'apprendre, il a sans doute fait davantage pour toi que moi- même… A présent, cours vite l'embrasser… Sans dire mot (j'eusse été bien en peine de prononcer une syllabe), je serrai ma mère dans mes bras, puis me dirigeai vers la chambre de mes parents où mon père se tenait debout, le front contre la vitre. Bien qu'il m'eût entendu entrer, il ne se retourna pas. Ce n'est qu'une fois à sa hauteur que je pus voir les larmes qui coulaient le long de ses joues. Je le pris par les épaules et nous pleurâmes un bon moment dans les bras l'un de l'autre. Dans un sanglot, il s'excusa de n'avoir pas eu le courage de m'avouer ce que ma mère venait de me raconter. Je n'avais jamais vu mon père pleurer, et je me remémore souvent, encore aujourd'hui, cette scène terrible ; pas plus que je ne parviens à oublier la pudeur de ma mère qui sut s'interdire de nous rejoindre, nous laissant seuls alors, peut-être pour pleurer elle aussi à l'écart. La densité des choses qu'il m'avait été donné d'assumer, en ces deux années que je viens de résumer, me fit réaliser qu'à vingt et un ans l'on pouvait être jeune encore et se sentir vieux déjà. Juillet est là, torride. Chantal vient de fêter son vingt-deuxième anniversaire, et il paraît qu'un homme a marché sur la lune. Grâce à l'orchestre des "Desperados", je retrouve peu à peu de ce tonus qui - 121 -

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d'exploser à mes côtés quelques ampoules, je m'arrête. Puis, très calmement, d'une voix bien<br />

posée, je m'adresse aux responsables de ces actes, que j'imagine bien tapis dans l'ombre :<br />

- Vous avez su faire montre, en maintes occasions, en divers endroits, de vos talents<br />

multiples. Peut-être seriez-vous capables, en vous en donnant la peine, d'apporter la guérison<br />

à la personne que je viens voir et que vous connaissez fort bien. Vous m'avez quelquefois aidé<br />

alors que je ne demandais rien ; aujourd'hui, je fais appel à vous, où que vous soyez, qui que<br />

vous soyez.<br />

Je demeurai longtemps immobile, ne doutant pas le moins du monde d'avoir été<br />

entendu. Plus aucun projectile ne tomba dès cet instant, seul un silence pesant me fit cortège<br />

jusque dans ma chambre où je m'effondrai sur mon lit en pleurant.<br />

Le lendemain, j'émergeai d'un sommeil prolongé et, plutôt que de me rendre au bureau,<br />

je décidai d'avoir recours à un médecin pour me faire accorder quelques jours de repos dont je<br />

ressentais le plus urgent besoin. Le neveu de ma logeuse, généraliste, était tout désigné, et, me<br />

recommandant de sa tante, j'allai le consulter. Huit jours d'arrêt de travail me furent prescrits.<br />

Son état demeurant stationnaire et ne nécessitant pas une présence quotidienne<br />

obligatoire, le séjour de Chantal à l'hôpital prit fin le surlendemain. Bien évidemment, elle<br />

rejoignit sa famille à Toulon, devant toutefois se rendre à des séances de soins une fois par<br />

semaine à Marseille.<br />

N'ayant plus rien à faire au boulevard Notre-Dame, je regagnai à mon tour le domicile<br />

de mes parents, où je retrouvai une ambiance plus propice à mon équilibre bien défaillant.<br />

30 juin 1969 : d'après l'état civil, je suis majeur. Mon père et ma mère causent à voix<br />

basse dans la chambre, dont ils ont pris soin de fermer la porte. Puis mon père sort, m'appelle<br />

pour me dire que ma mère m'attend dans la cuisine : je m'y rends. Elle s'y trouve assise, me<br />

demandant de tirer la porte derrière moi.<br />

Elle me désigne une chaise, et je m'assieds à ses côtés. A mon grand étonnement, mon<br />

père ne se joint pas à nous.<br />

D'une voix hachée par une émotion qu'elle tempère du mieux qu'il lui est possible de le<br />

faire, ma mère trahit son secret. Combien de fois a-t-elle projeté ce moment ? Combien de fois<br />

a-t-elle répété les phrases de ce rôle délicat qu'elle joue aujourd'hui ? Je l'écoute en silence, bien<br />

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