Tome 1 - "L'Initiation"

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— Les Visiteurs de l'Espace-Temps — antiatomique, possédant du fait quatre étages souterrains sur lesquels s'empilent sept autres étages, abritant tous les services médicaux imaginables. C'est au cinquième niveau que le bureau des entrées me dirige, non sans avoir pris connaissance de l'ordonnance rédigée par le médecin de mon régiment. Là se trouve le service de psychiatrie du centre hospitalier, placé sous la haute autorité du médecin-commandant de Toffol, le bien nommé, si l'on se confine à la consonance du patronyme tout à fait de circonstance pour un médecin habilité à soigner des fous. L'infirmier-major, un sergent-chef en l'occurrence, me conduit à son bureau sans manquer de m'avertir du caractère "soupe au lait" de son supérieur. Cela ne fait que confirmer ce qu'ont pu me dire les "malades" avec lesquels je vais partager la chambre où je viens de déposer ma valise. Si son nom s'accommode bien avec sa fonction, je vais vite m'apercevoir que le physique du commandant de Toffol n'est pas précisément celui de l'emploi. Non pas qu'il faille posséder des mensurations particulières pour traiter médicalement du psychisme des gens, mais tout en lui respire la brutalité, ce qui n'est pas de nature à rassurer et à équilibrer des personnes qui en ont besoin. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, il donne plus à penser, sous un crâne parfaitement rasé, à un catcheur qu'à un médecin. Il doit largement dépasser le quintal sur la balance, si l'on se fie à la densité de sa corpulence que l'ample blouse blanche qu'il porte ne dissimule en rien. A peine entré dans son bureau, mes tympans se trouvent agressés par sa voix tonitruante qui m'ordonne de m'asseoir. Le bref silence qu'il met à profit pour prendre sommairement connaissance du dossier se trouve vite rompu : il m'invite, toujours sur le même ton, à m'expliquer sur la raison de mon hospitalisation. Comme je me montre peu bavard, d'une part pour exprimer une forme de résignation, et d'autre part, il faut bien le confesser, parce que je suis convaincu que m'épancher trop en détail sur la raison de mon admissibilité en ses services ne peut que me desservir, le docteur de Toffol reprend ses vociférations. La brièveté de l'entretien m'autorise à vous le narrer ici. - Que fais-tu dans le civil ? - Je travaille à la Sécurité sociale. - Que font tes parents ? - 100 -

- Ils m'attendent... — L'Initiation — - Ils t'attendent ?… Ils attendront seize mois comme tout le monde ! Si tu étais en Israël, comment ferais-tu ? Et, de plus, je viens de lire que tu te livres à la dégradation de matériel militaire ? Des individus de ta sorte, on les enferme ! Et d'appeler son infirmier-major pour l'inviter à me conduire, selon ses termes, "en cellule". Je me retrouve dans les cinq minutes qui suivent dans une pièce exiguë, très haute de plafond, au double vitrage peint en blanc, avec en tout et pour tout un lit métallique doté d'un matelas et d'une couverture, un tabouret et une petite table. La porte, massive, ne peut s'ouvrir de l'intérieur, faute de poignée, mais est pourvue d'un "judas" qui permet une surveillance de l'extérieur. M’ayant délesté de mon rasoir, de mes lacets et de ma ceinture, l'infirmier, qui a perçu mon désarroi, me suggère de ne pas m'inquiéter. Il m'apprend ainsi que le docteur est coutumier du fait ; ses méthodes, pour le moins expéditives, lui servent à cerner l'individu (en l'occurrence le patient) qu'il a en face de lui. Il jauge de la sorte s'il a affaire à un simulateur ou bien si le diagnostic qu'on lui a soumis au préalable est justifié. Auquel cas, il n'hésite pas à le proposer pour la "réforme", même si, comme c'est précisément mon cas, le soldat a dépassé la durée de trois mois "sous les drapeaux". C'est une nuit blanche que je passe sur la paillasse améliorée de ma "chambre d'isolement". Comme il n'y a ni persiennes ni volets à ma fenêtre, je peux voir le jour envahir progressivement la pièce. Il doit être huit heures lorsque la porte s'ouvre brusquement, laissant entrer le commandant de Toffol et son infirmier qui me sert un quart de café fumant. Après s'être enquis de mon état, le docteur, beaucoup plus calme, me remet un calepin en m'invitant à écrire la raison pour laquelle, selon moi, j'ai été recommandé à lui. A ses dires, il me remettra "en liberté" sitôt ma "confession" rédigée. En d'autres termes, je ne pourrai réintégrer la chambre dans laquelle j'avais été admis initialement qu'une fois passé aux "aveux". Or rédiger des aveux en la matière n'équivaut à rien d'autre que de mentionner, noir sur blanc, que j'ai participé à des actes de malveillance. C'est-à-dire que j'encours le risque de me retrouver passible du tribunal militaire. N'est-ce pas là tomber de Charybde en Scylla ? Car, de toute évidence, se reconnaître coupable de dégradation de matériel militaire, par les temps qui courent (n'oublions pas que nous sommes en juin 1968...), ne peut attirer en aucune façon une - 101 -

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antiatomique, possédant du fait quatre étages souterrains sur lesquels s'empilent sept autres<br />

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C'est au cinquième niveau que le bureau des entrées me dirige, non sans avoir pris<br />

connaissance de l'ordonnance rédigée par le médecin de mon régiment. Là se trouve le service<br />

de psychiatrie du centre hospitalier, placé sous la haute autorité du médecin-commandant de<br />

Toffol, le bien nommé, si l'on se confine à la consonance du patronyme tout à fait de<br />

circonstance pour un médecin habilité à soigner des fous. L'infirmier-major, un sergent-chef en<br />

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de son supérieur. Cela ne fait que confirmer ce qu'ont pu me dire les "malades" avec lesquels je<br />

vais partager la chambre où je viens de déposer ma valise.<br />

Si son nom s'accommode bien avec sa fonction, je vais vite m'apercevoir que le<br />

physique du commandant de Toffol n'est pas précisément celui de l'emploi. Non pas qu'il faille<br />

posséder des mensurations particulières pour traiter médicalement du psychisme des gens, mais<br />

tout en lui respire la brutalité, ce qui n'est pas de nature à rassurer et à équilibrer des personnes<br />

qui en ont besoin. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, il donne plus à penser, sous un crâne<br />

parfaitement rasé, à un catcheur qu'à un médecin. Il doit largement dépasser le quintal sur la<br />

balance, si l'on se fie à la densité de sa corpulence que l'ample blouse blanche qu'il porte ne<br />

dissimule en rien.<br />

A peine entré dans son bureau, mes tympans se trouvent agressés par sa voix<br />

tonitruante qui m'ordonne de m'asseoir. Le bref silence qu'il met à profit pour prendre<br />

sommairement connaissance du dossier se trouve vite rompu : il m'invite, toujours sur le même<br />

ton, à m'expliquer sur la raison de mon hospitalisation. Comme je me montre peu bavard, d'une<br />

part pour exprimer une forme de résignation, et d'autre part, il faut bien le confesser, parce que<br />

je suis convaincu que m'épancher trop en détail sur la raison de mon admissibilité en ses<br />

services ne peut que me desservir, le docteur de Toffol reprend ses vociférations. La brièveté<br />

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