25.06.2013 Views

Voir - Bribes

Voir - Bribes

Voir - Bribes

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

78 BONHEUR<br />

Paul WATZLAWICK / Faites vous-même votre malheur / Seuil 1984<br />

« Il est plus que temps de mettre au rancart les contes de bonne femme qui voudraient nous faire croire que<br />

la chance, le bonheur et la satisfaction sont tout ce qu’il convient de désirer dans l’existence. Il y a trop<br />

longtemps que l’on nous dit -et que nous croyons naïvement - que la poursuite du bonheur débouche sur le<br />

bonheur.<br />

[...]<br />

La littérature mondiale aurait dû suffire à éveiller nos soupçons. Désastre, tragédie, catastrophe, crime,<br />

péché, démence, danger - voilà la matière première de toutes les grandes créations littéraires. L’Enfer de<br />

Dante est beaucoup plus ingénieux que son Paradis. IlenvademêmeduParadis perdu de Milton, à<br />

côté duquel son Paradis retrouvé est assez insipide. Le premier Faust nous tire des larmes, le second des<br />

bâillements.<br />

Inutile de nous raconter des histoires : que serions-nous, et où en serions-nous, sans notre malheur? J’espère<br />

que l’on me passera la vulgarité de l’expression car elle est littéralement vraie : nous en avons salement<br />

besoin. »<br />

< p.10-11 ><br />

« Comme le lecteur le sait probablement déjà, la devise officieuse du puritanisme est : "Fais ce que tu<br />

voudras, à condition de n’en tirer aucun plaisir." Et il existe effectivement des gens qui jugent indécent de<br />

prendre plaisir à quoi que ce soit dans un monde tel que celui où nous vivons aujourd’hui. Et, certes, il<br />

devient difficile de jouir ne serait-ce que d’un verre d’eau à l’instant où l’on sait qu’un demi-million de<br />

civils innocents sont en train de mourir de soif dans la moitié occidentale de Beyrouth. Mais, à supposer<br />

même que le bonheur mondial soit pour demain, les pessimistes calvinistes auraient encore des raisons<br />

d’espérer. Ils pourraient toujours avoir recours à la recette de Laing en reprochant à leurs interlocuteurs<br />

innocemment heureux : "Comment oses-tu t’amuser alors que le Christ est mort sur la croix pour ton salut?<br />

Tu crois qu’il s’amusait, lui? " Le reste n’est plus que silence gêné. »<br />

< p.80-81 ><br />

Georges PERROS / En vue d’un éloge de la paresse - Lettre préface / Le Passeur 1995<br />

« Les hommes recherchent furieusement le plaisir, mais ne se croiraient pas complets, dignes de vivre, s’ils<br />

ne payaient leur tribut à la souffrance. Donc il faut souffrir. La plupart s’en tirent fort bien avec les ennuis<br />

quotidiens. Pour celle-ci, c’est le ménage, la queue, la vaisselle, le retour d’âge, pour celui-ci, le bureau, le<br />

manque de tabac, la brièveté des vacances, le mal de dents. D’autres supplient quelques bonnes âmes de<br />

leur taper dessus, se nourrissent d’ennuis présumés, et ne sont pleinement satisfait que lorsque le monde<br />

entier semble acharner à les perdre. Comme s’il était nécessaire de lever le petit doigt pour avancer un tel<br />

résultat. Mais il en est qui ont lu quelque peu, qui ont une vague idée de la souffrance "poétique", et pour<br />

ceux-là quelques subtilités s’imposent. Ils trouveront à qui parler, et souffrance à leur mesure, en se jetant<br />

à corps perdu dans les femmes. Là, c’est gagner d’avance. Ils sautent sur cette possibilité de tragique avec<br />

frénésie. On s’assure quelques jours de profond chagrin. Il ne peut se faire qu’un scénario bien conditionné<br />

ne déroule pas irrévocablement sa bobine jusqu’au terme de l’histoire. Quel plaisir de se donner des airs<br />

de Christ parce qu’elle n’est pas venue au rendez-vous ! De rentrer pleurer entre nos quatre murs familiers<br />

qui en perdent leurs fades couleurs. Est-ce beau ! Est-ce assez "humain". »<br />

< p.47-48 ><br />

Emil CIORAN / De l’inconvénient d’être né (1973) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995<br />

« Le paradis n’était pas supportable, sinon le premier homme s’en serait accommodé ; ce monde ne l’est<br />

pas davantage, puisqu’on y regrette le paradis ou l’on en escompte un autre. Que faire? où aller? Ne faisons<br />

rien et n’allons nulle part, tout simplement. »<br />

< p.1278 ><br />

François CAVANNA / La belle fille sur le tas d’ordures / L’Archipel (LdP9667) 1991<br />

« L’"homme" - je veux dire je, tu, il, nous tous - croit vouloir le bonheur. Il croit cela parce qu’il ne l’a pas.<br />

Il en rêve comme l’assoiffé rêve d’oasis. Il se connaît fort mal lui-même. En fait, ce qu’il veut, peut-être<br />

pas consciemment, mais en tous cas ce qu’il recherche, ce vers quoi toute sa conduite tend éperdument,<br />

c’est exactement le contraire. Il veut risquer et vaincre, il veut avoir peur et dominer sa peur, il veut être

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!