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Voir - Bribes

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466 RIRE<br />

Paul LÉAUTAUD / Journal littéraire / Mercure de France 1986<br />

« Vraiment, j’ai presque du regret de n’avoir pas fait du théâtre, quand je vois jouer du Molière. J’ai<br />

bien changé de ce que j’étais à vingt ans. Je n’aimais pas Molière. Je ne voyais que le théâtre tragique,<br />

romantique, les grands premiers rôles à tirades. Aujourd’hui, je trouve cela assommant, à éclater de rire,<br />

absolument opposé au caractère français, et qu’il n’y a de théâtre que le théâtre comique. Je suis sûr làdessus<br />

d’être dans le vrai. Il n’y a que le comique qui soit la représentation de la vie. »<br />

< 23 octobre 1910 I p.790 ><br />

« Je pensais ce soir, et je l’ai recherché, pour le plaisir d’en lire les mots, au mot de Chamfort : La plus<br />

perdue de toutes les journées est celle où on n’a pas ri. Quelle merveille, ce mot ! Que de choses il contient,<br />

il exprime. De quelle extrême sensibilité il est né ! Et combien de gens aujourd’hui connaissent Chamfort,<br />

— heureusement ! Et il n’y a pas même une plaque sur la maison dans laquelle il est mort ! Et les manuels<br />

littéraires font si petit cas de lui ! Je le répéterai une fois de plus : il est à mettre à côté, et à égalité, de La<br />

Rochefoucauld. »<br />

< 23 Juin 1942 III p.630 ><br />

« Je suis depuis longtemps en admiration pour cette pensée de Chamfort : La plus perdue de toutes les<br />

journées est celle où l’on n’a pas ri, si profonde, sous un certain sens, qu’il est bien probable qu’on doit<br />

l’entendre généralement, si amère, si désabusée, expression d’une ironie portée à son plus grand degré, le<br />

summum de la déception et de la misanthropie. »<br />

< 19 août 1950 III p.1866 ><br />

ALAIN / Les idées et les âges / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard<br />

1960<br />

« Le rire est directement contraire à cette forcenée attention à soi, qui est le fond du sérieux. Le rire secoue<br />

tout le corps comme un vêtement, laissant chaque partie s’ébattre à sa guise. Par essence le rire est un<br />

abandon de gouvernement, et le premier remède contre cet absurde gouvernement qui noue et paralyse.<br />

Le rire rétablit les échanges en déliant ; il aère, nettoie et repose. Quoi de mieux? Mais le rire a ceci de<br />

mauvais qu’il attaque le sérieux en son centre et menace de le détrôner. Et c’est un scandale, pour celui qui<br />

s’est fait de belles raisons d’être triste, que toutes ces raisons se perdent soudain par cette négation de toute<br />

attitude qu’est le rire. "Ne prétendez point" se ramène à ceci : "ne tendez point". Mais on veut prétendre.<br />

Ainsi le rire est comme une violence, et une tentative de vous faire sauter comme un nourrisson. Il faut<br />

toutes les précautions de l’art comique pour que le rire soit vainqueur. Mais aussi ce triomphe est beau. »<br />

< p.173 ><br />

André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951<br />

« L’art de dire finement les choses... Qu’ai-je affaire de paraître spirituel? L’épaisseur des grands comiques,<br />

des Cervantès, Molière, Rabelais. Leur rire est générosité. Celui qui sourit seulement se croit supérieur ; il<br />

se prête ; l’autre se donne. »<br />

< 16 juin 1932 p.1133 ><br />

Henri BERGSON / Le rire / Quadrige / PUF 1940<br />

« Il n’y a pas de comique en dehors de ce qui est humain. Un paysage pourra être beau, gracieux, sublime,<br />

insignifiant ou laid ; il ne sera jamais risible. On rira d’un animal, mais parce qu’on aura surpris chez lui une<br />

attitude d’homme ou une expression humaine. On rira d’un chapeau ; mais ce qu’on raille alors, ce n’est pas<br />

le morceau de feutre ou de paille, c’est la forme que des hommes lui ont donnée, c’est le caprice humain<br />

dont il a pris le moule. Comment un fait aussi important, dans sa simplicité, n’a-t-il pas fixé d’avantage<br />

l’attention des philosophes? Plusieurs ont défini l’homme "un animal qui sait rire". Ils auraient aussi bien<br />

pu le définir un animal qui fait rire, car si quelque animal y parvient, ou quelque objet inanimé, c’est par<br />

une ressemblance avec l’homme, par la marque que l’homme y imprime ou par l’usage que l’homme en<br />

fait. »<br />

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