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382 PASSION<br />

VERCORS / Le Silence de la mer et autres œuvres / Omnibus 2002<br />

« La passion est une terrible destructrice. Elle détruit dans la tête de qui la loge tout ce qui n’est pas son<br />

idée fixe. Elle fait une effroyable consommation d’impulsions et de concepts dont elle nourrit son insatiable<br />

cancer. Et quand, par fortune bonne ou mauvaise, elle vient à disparaître (comblée ou consumée), elle laisse<br />

dans la maison de qui l’a nourrie une vacance dévastée, et son hôte privé de désirs, — hormis la soif de<br />

devenir esclave de nouveau. »<br />

< La Marche à l’étoile. p.151 ><br />

ALAIN / Mars ou la guerre jugée / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard<br />

1960<br />

« Il faut que j’explique encore de plus près l’idée essentielle de ce livre, qui est que ce sont les passions,<br />

et non les intérêts, qui mènent le monde. Et je suis surtout disposé à y revenir lorsque je pense à ces<br />

descriptions si incomplètes de la nature humaine qui ont cours maintenant, d’après lesquelles toutes nos<br />

actions s’expliqueraient par un intérêt personnel plus ou moins dissimulé. Si l’on prend les choses ainsi, il<br />

y a un tel contraste entre l’homme de ces livres et l’homme des tranchées, que l’on veut imaginer quelque<br />

miracle surhumain, par où revient l’idée toujours si puissante de la guerre décrétée surhumainement, et par<br />

conséquent inévitable. C’est pourquoi je ne pourrais jamais expliquer trop longuement le mécanisme des<br />

passions et ses redoutables effets. Il faut d’abord que vous sachiez que le dernier secret de la chose est dans<br />

le Traité des Passions, de Descartes, et est assez caché, malgré l’apparence. »<br />

< p.583 ><br />

« Méditez sur ce mot d’un avocat : "Les intérêts transigent toujours ; les passions ne transigent jamais." On<br />

peut vivre en paix vingt ans et plus, dans ces conflits d’intérêts, comme l’expérience l’a fait voir ; on peut<br />

donc y vivre toujours ; tout se tasse ; tout s’arrange. Il ne faut pas espérer ici une espèce de code qui aurait<br />

tout prévu. Il y a des procès, et ruineux pour tous, non par l’insuffisance du code, mais par les passions ; et<br />

il y a d’heureux arrangements, plus avantageux que les procès, dès que les intérêts jouent seuls. Détournez<br />

donc votre regard de ce vain étalage juridique, dangereux surtout par la fausse sécurité qu’il vous donnerait.<br />

Guettez les passions qui naissent, et que les tyrans conduisent si bien.<br />

[...]<br />

Pour moi j’ai toujours vu clair dans ces discours d’officiers et d’académiciens : "Cette jeunesse était lâche ;<br />

cette autre jeunesse vaut mieux." Songez aussi à cette littérature académicienne, qui, par des injures suivies<br />

à l’ennemi, allait à la même fin. Songez aux violences de la rue, et à ce chantage organisé par les royalistes.<br />

Cette vague de guerre a passé sur vous, vous entraînant, vous portant vers la catastrophe. Et vous étiez<br />

toujours, vous en êtes peut-être encore à chercher quelque tribunal arbitral qui réglerait les différends entre<br />

nations. Mais comprenez donc que nul ne se battrait pour un différend entre nations, au lieu que n’importe<br />

quel homme se battra pour prouver qu’il n’est pas un lâche. »<br />

< p.588-589 ><br />

ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956<br />

« Les grands esprits ne s’occupent qu’à vaincre les difficultés qui leur sont propres, et qu’ils trouvent dans<br />

le pli de leur humeur. Et seuls, par cela même, ils sont de bon secours. J’ai à sauver une certaine manière<br />

d’aimer, de haïr, de désirer, tout à fait animale, et qui m’est aussi adhérente que la couleur de mes yeux. J’ai<br />

à la sauver, non pas à la tuer. Dans l’avarice, qui est la moins généreuse des passions, il y a l’esprit d’ordre,<br />

qui est universel ; il y a le respect du travail, qui est universel ; la haine des heures perdues et des folles<br />

prodigalités, qui est universelle. Ces pensées, car ce sont des pensées, sauveront très bien l’avare s’il ose<br />

seulement être lui-même, et savoir ce qu’il veut. Autant à dire de l’ambitieux, s’il est vraiment ambitieux ;<br />

car il voudra une louange qui vaille, et ainsi honorera l’esprit libre, les différences, les résistances. Et<br />

l’amour ne cesse de se sauver par aimer encore mieux ce qu’il aime. D’où Descartes disait qu’il n’y a point<br />

de passions dont on ne puisse faire bon usage. »<br />

< 15 avril 1930 p.928 >

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