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Voir - Bribes

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MORT 349<br />

« Nous parlions ce soir, Valette et moi, de ce mouvement de gratter leur drap avec les mains qu’ont tous les<br />

moribonds, ou presque tous. Je lui disais que les animaux font de même, au moins les chiens et les chats,<br />

dont j’ai vu mourir un grand nombre. Un chien, un chat, à la minute de la mort, s’ils sont sur le sol d’un<br />

jardin, grattent le sol de leurs pattes de devant, s’ils sont sur le sol d’un jardin, grattent le parquet, s’ils<br />

sont sur un lit, grattent l’étoffe sur laquelle ils sont. Que signifie ce geste, ce mouvement, qu’ont ainsi les<br />

humains et les animaux? Il a sûrement la même origine animale, purement instinctive. »<br />

< 23 mai 1927 I p.1955 ><br />

Paul LÉAUTAUD / Passe-temps / Œuvres / Mercure de France 1988<br />

« Le chagrin pour les morts est une niaiserie. Une illusion également. C’est sur nous-mêmes que nous<br />

pleurons, sur le vide ou la privation qu’ils nous laissent. Eux, ils sont morts, c’est-à-dire : ils ne sont plus<br />

rien. Pleurer sur eux ne rime à rien. »<br />

< p.218 ><br />

Paul LÉAUTAUD / Propos d’un jour / Œuvres / Mercure de France 1988<br />

« Quel dommage que la mort soit d’abord le non-être, et ensuite le répugnant phénomène physique qu’elle<br />

est ! Enfermé tranquillement, douillettement, dans cette boîte, sans besoins, sans soucis, sans désirs, dans<br />

un éternel farniente, une rêverie sans fin, à se représenter tous ces imbéciles qui s’agitent au-dessus? Ce<br />

serait délicieux ! »<br />

< p.371 ><br />

ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956<br />

« C’était dans le haut du village, d’où l’on aperçoit la mer à travers les ormeaux et les pommiers. Au vieux<br />

marin que je rencontrai, je fis la politesse de dire que je me sentais bien dans cet air-là, et c’était vrai. Mais<br />

lui reprit cette idée comme un homme qui cause, et qui laisse là le reste. Sa manière était de me quitter<br />

en tournant la tête vers moi, et puis de revenir, comme ayant encore une dernière chose à dire. "Vous êtes<br />

donc, me dit-il, comme ce sacristain de Paris, si fâché de s’en retourner, et qui disait qu’avec cet iode dans<br />

les poumons, cet iode de la mer, on se sent rajeuni." Ici quelque remous écarta l’homme ; puis il revint, tout<br />

confident : "Il me disait qu’on ne peut mourir ici ; je lui répondis qu’on meurt partout." Nouvelle feinte de<br />

départ, mais le conteur regardait ici et là, comme pour chercher des témoins. Toute la scène allait jouer sur<br />

ce mouvement de partir et de revenir. Ce fut bref. "Vous savez ce que disait le terrien ; il disait au marin :<br />

"Où donc sont morts tes grands-parents et tes parents?" — "Ils sont morts en mer, dit le marin." — "Et<br />

tu oses t’embarquer! dit le terrien." Une fausse sortie. Là-dessus le marin hausse les épaules et va s’en<br />

aller ; mais il revient et demande : "Et toi, terrien, où sont donc morts tes grands-parents et tes parents?" Le<br />

terrien répond qu’ils sont morts dans leur lit "Et, dit le marin, tu oses te coucher !" II s’en alla, cette fois,<br />

sans autre commentaire. »<br />

< 1 octobre 1935 p.1282 ><br />

Sacha GUITRY / Si j’ai bonne mémoire / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993<br />

« Nous avions un parent pour lequel mon père avait peu d’amitié. Le pauvre homme mourut un jour —<br />

et nous l’avons accompagné jusqu’à sa dernière demeure qui était extrêmement éloignée de la précédente.<br />

Il avait fallu se lever de grand matin, il faisait extrêmement chaud et nous marchions depuis bientôt une<br />

heure, lorsque mon père se tourna vers moi et me dit, à voix basse, d’une inexprimable manière :<br />

— Je commence à le regretter ! »<br />

< p.360 ><br />

Sacha GUITRY / Mes Médecins / Cinquante ans d’occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993<br />

« Il n’y a pas de belle mort. Il y en a qui sont belles à raconter — mais, celles-là, ce sont les morts des<br />

autres.<br />

Combien de fois l’ai-je entendue cette phrase :<br />

— Je voudrais mourir d’un seul coup sans souffrir et sans avoir connu les infirmités de l’extrême vieillesse.<br />

Eh ! Bien, moi, je voudrais mourir le plus tard possible — non seulement de vieillesse, mais encore avec<br />

une lenteur infinie, car n’ayant jamais eu le temps de vivre, je voudrais bien avoir du moins le temps de<br />

mourir. Oui, je réclame une mort lente et toutes les infirmités possibles. Il me faudra bien cela pour que je

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