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338 MORALE<br />

« Je vis un jour dans un bois un essaim de vilains petits insectes, qui avaient entouré de leurs filets une jeune<br />

plante et suçaient ses pousses vertes avec un si laid caractère de parasitisme que cela faisait répugnance.<br />

J’eus un instant l’idée de les détruire. Puis je me dis : "Ce n’est pas leur faute s’ils sont laids ; c’est une<br />

façon de vivre". Il est d’un petit esprit, me disais-je de moraliser la nature et de lui imposer nos jugements.<br />

Mais maintenant je vois que j’eus tort ; j’aurais dû les tuer ; car la mission de l’homme dans la nature, c’est<br />

de réformer le laid et l’immoral. »<br />

< note 182 p.523 ><br />

Anatole FRANCE / Le Mannequin d’osier (1897) / Au tournant du siècle / Omnibus 2000<br />

« Nos idées morales ne sont pas le produit de la réflexion, mais la suite de l’usage. Comme à l’adoption<br />

de ces idées sont attachées des notes d’honneur et à leur répudiation des notes d’infamie, personne n’ose<br />

les remuer ouvertement. Elles sont admises sans examen par la communauté tout entière, indépendamment<br />

des croyances religieuses et des opinions philosophiques, et elles ne sont pas plus fortement soutenues par<br />

ceux qui s’astreignent à les mettre en pratique que par ceux qui n’y conforment pas leurs actes. L’origine<br />

de ces idées est seule en discussion. Tandis que les esprits qui se disent libres croient retrouver dans la<br />

nature les règles de leur conduite, les âmes pieuses tirent de la religion les règles de la leur, et ces règles<br />

se trouvent être les mêmes, à peu de chose près, non parce qu’elles sont universelles, à la fois divines et<br />

naturelles, comme on se plaît à le dire, mais, au contraire, parce qu’elles sont propres au temps et au lieu,<br />

tirées des mêmes habitudes, déduites des mêmes préjugés. Chaque époque a sa morale dominante, qui ne<br />

résulte ni de la religion ni de la philosophie, mais de l’habitude, seule force capable de réunir les hommes<br />

dans un même sentiment, car tout ce qui est sujet au raisonnement les divise ; et l’humanité ne subsiste qu’à<br />

la condition de ne point réfléchir sur ce qui est essentiel à son existence. La morale domine les croyances,<br />

qui sont sujettes à dispute, tandis qu’elle n’est jamais examinée. »<br />

< 17, p.235 ><br />

Anatole FRANCE / L’Île des Pingouins (1908) / Au tournant du siècle / Omnibus 2000<br />

« La loi morale [...] oblige les hommes qui sont des bêtes à vivre autrement que des bêtes, ce qui les<br />

contrarie sans doute, mais aussi les flatte et les rassure ; et, comme ils sont orgueilleux, poltrons et avides<br />

de joie, ils se soumettent volontiers à des contraintes dont ils tirent vanité et sur lesquelles ils fondent et<br />

leur sécurité présente et l’espoir de leur félicité future. Tel est le principe de toute morale... »<br />

< Livre II, 1, p.593 ><br />

Rémy de GOURMONT / Épilogues (2) / Mercure de France 1923<br />

« La morale est personnelle ; elle est dictée à chacun par sa propre sensibilité. Et qu’on ne dise pas : par<br />

sa propre conscience. La conscience morale n’est, le plus souvent, qu’un instrument acquis par l’habitude,<br />

imposé par l’autorité. N’ayant pas été fait spécialement pour nous, il ne sert qu’à nous troubler : c’est un<br />

grand hasard que les lunettes de mon voisin puissent convenir à mes yeux.<br />

La base de la morale des mœurs doit donc être la liberté ; et la législation des mœurs, le laisser faire. »<br />

< juillet 1900, p.164 ><br />

Charles BAUDELAIRE / Mon cœur mis à nu / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf<br />

Gallimard 1975<br />

« Tous les imbéciles de la Bourgeoisie qui prononcent sans cesse les mots : "immoral, immoralité, moralité<br />

dans l’art" et autres bêtises, me font penser à Louise Villedieu, putain à cinq francs, qui m’accompagnant<br />

une fois au Louvre, où elle n’était jamais allée, se mit à rougir, à se couvrir le visage, et me tirant à chaque<br />

instant par la manche, me demandait, devant les statues et les tableaux immortels, comment on pouvait<br />

étaler publiquement de pareilles indécences. »<br />

< p.707 ><br />

Charles BAUDELAIRE / Le Spleen de Paris / Œuvres complètes I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf<br />

Gallimard 1975<br />

« On n’est jamais excusable d’être méchant, mais il y a quelque mérite à savoir qu’on l’est ; et le plus<br />

irréparable des vices est de faire le mal par bêtise. »<br />

< p.324 >

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