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MACHIAVÉLISME 301<br />

MACHIAVÉLISME<br />

MACHIAVEL / Le Prince / Le livre de poche / Librairie Générale Française 1983<br />

« Combien il est louable à un prince de respecter ses promesses et de vivre avec intégrité, non dans les<br />

fourberies, chacun le conçoit clairement. Cependant, l’histoire de notre temps enseigne que seuls ont accompli<br />

de grandes choses les princes qui ont fait peu de cas de leur parole et su adroitement endormir la<br />

cervelle des gens ; en fin de compte ils ont triomphé des honnêtes et des loyaux.<br />

Sachez donc qu’il existe deux manières de combattre : l’une par les lois, l’autre par la force. L’une est<br />

propre aux hommes, l’autre appartient aux bêtes ; mais comme très souvent la première ne suffit point, il<br />

faut recourir à la seconde. C’est pourquoi il importe qu’un prince sache user adroitement de l’homme et de<br />

la bête.<br />

[...]<br />

Si donc tu dois bien employer la bête, il te faut choisir le renard et le lion ; car le lion ne sait se défendre des<br />

lacets, ni le renard des loups. Tu seras renard pour connaître les pièges, et lion pour effrayer les loups. Ceux<br />

qui se bornent à vouloir être lions n’y entendent rien. C’est pourquoi un seigneur avisé ne peut, ne doit respecter<br />

sa parole si ce respect se retourne contre lui et que les motifs de sa promesse soient éteints. Si les<br />

hommes étaient tous gens de bien, mon précepte serait condamnable; mais comme ce sont tous de tristes<br />

sires et qu’ils n’observeraient par leurs propres promesses, tu n’as pas non plus à observer les tiennes. Et<br />

jamais un prince n’a manqué de raisons légitimes pour colorer son manque de foi. On pourrait alléguer des<br />

exemples innombrables dans le temps présent, montrer combien de traités, combien d’engagements sont<br />

partis en fumée par la déloyauté des princes ; et celui qui a su le mieux user du renard en a tiré les plus<br />

grands avantages. Toutefois, il est bon de déguiser adroitement ce caractère, d’être parfait simulateur et<br />

dissimulateur. Et les hommes ont tant de simplesse, ils se plient si servilement aux nécessités du moment<br />

que le trompeur trouvera toujours quelqu’un qui se laisse tromper. »<br />

< p.91-93 ><br />

« Le royaume de France est un des mieux gouvernés de notre temps ; on y trouve de nombreuses et excellentes<br />

institutions qui garantissent au roi liberté d’action et sécurité. La première est le parlement et ses<br />

prérogatives. L’ordonnateur de ce royaume, connaissant l’ambition et l’insolence des puissants, jugea bon<br />

de leur mettre dans la bouche quelque frein qui les bridât. D’autre part, sachant bien quelle crainte le peuple<br />

nourrissait contre les seigneurs féodaux et voulant le rassurer, il prit soin que cette besogne n’incombât pas<br />

au roi : il lui épargnait ainsi la rancune des grands. Il institua donc un tiers juge afin que, sans l’intervention<br />

du souverain, fussent frappés les orgueilleux et soutenus les humbles. Aucune mesure ne pouvait être plus<br />

sage, aucune ne pouvait mieux soutenir la cause du roi et du royaume. On en peut tirer une autre maxime :<br />

les princes doivent mettre sur le dos des autres les besognes désagréables, et se réserver à eux-mêmes les<br />

agréables. Et j’en conclus de nouveau qu’il doit certes faire cas des puissants, mais gagner la sympathie<br />

des faibles. »<br />

< p.99-100 ><br />

« C’est ici l’occasion de remarquer qu’on peut inspirer la haine aussi bien par les bonnes œuvres que par les<br />

mauvaises. C’est pourquoi, comme je l’ai dit plus haut, s’il veut maintenir son État, un prince doit souvent<br />

recourir à la méchanceté ; en effet, lorsque le groupe dont tu penses avoir besoin pour conserver ta place<br />

est corrompu (peuple, soldats ou nobles), tu te trouves obligé de suivre et de satisfaire ses goûts ; alors les<br />

bonnes œuvres sont les plus mauvaises. »<br />

< p.102-103 ><br />

« À coup sûr, les princes deviennent grands quand ils surmontent les difficultés et les embûches qu’on<br />

dresse sous leurs pas. Voilà pourquoi la fortune, pour grandir spécialement un prince nouveau (qui a plus<br />

besoin de prestige qu’un prince héréditaire), lui suscite des ennemis, inspire des conjurateurs, afin qu’il<br />

ait l’occasion d’en venir à bout ; ainsi, sur cette échelle que lui présentent ses adversaires, il peut monter<br />

plus haut. Aussi, certain estiment-ils qu’un prince habile, quand s’en présente l’occasion, doit subtilement<br />

nourrir contre lui-même quelques inimitiés afin que, les ayant matées, il sorte grandi de l’affaire. »<br />

< p.112-113 >

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