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Voir - Bribes

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GUERRE 223<br />

présentement entre votre honneur et la vie des autres." Cette pensée irrite au premier moment ; je la crois<br />

pourtant capable d’apaiser, chez ceux qui ne mettent point leur vie au jeu. Je compte ici, pour apaiser<br />

l’honneur, sur l’honneur même. »<br />

< p.608-609 ><br />

« Il y a un certain esprit religieux, qui n’est pas le meilleur, et qui s’accorde avec la guerre par le dessous,<br />

comme on peut voir chez bon nombre d’officiers que je prends pour sincères. D’abord cette idée que<br />

l’homme n’est pas bon, et, en conséquence, que l’épreuve la plus dure est encore méritée. Aussi l’idée que,<br />

selon l’impénétrable justice de Dieu, l’innocent paie pour le coupable. Enfin cette idée aussi que notre pays,<br />

léger et impie depuis tant d’années, devait un grand sacrifice. Sombre mystique de la guerre, qui s’accorde<br />

avec l’ennui, la fatigue et la tristesse de l’âge. »<br />

< p.632 ><br />

« Pour ou contre la guerre. Il s’agit de juger ; j’entends de décider au lieu d’attendre les preuves. Situation<br />

singulière ; si tu décides pour la guerre, les preuves abondent, et ta propre décision en ajoute encore une ;<br />

jusqu’à l’effet, qui te rendra enfin glorieux comme un docteur en politique. "Je l’avais bien prévu." Eh oui.<br />

Vous étiez milliers à l’avoir prévu ; et c’est parce que vous l’avez prévu que c’est arrivé.<br />

Contre ce vertige d’esprit, ne cherches point de preuves. Tant qu’un homme libre n’a pas prononcé contre la<br />

guerre, il n’y a pas de preuve. Mais toi, si tu juges contre, ce sera une forte preuve. Ne t’aides donc point de<br />

preuves, et marches sans béquilles. Décides d’après ton gouvernement intérieur et souverainement. C’est<br />

ainsi qu’il faut faire, dès qu’il s’agit non de ce qui est, mais de ce qui doit être. »<br />

< p.677 ><br />

« Vous n’avez pas rêvé, non ; vous avez bien lu que la croix de guerre fut solennellement donnée à un<br />

pigeon, selon les phrases consacrées : "A assuré la liaison entre l’infanterie et l’artillerie malgré un bombardement<br />

violent." Cela, si on l’examine, dépasse ce que les plus hardis comiques ont osés. Mais on<br />

n’examine point ; tout est sacré, l’oiseau, la phrase et le personnage. Tu commences par rire du pigeon,<br />

de la phrase et du personnage ; mais, le personnage et la phrase, tu t’aperçois qu’il est défendu d’en rire.<br />

Des milliers de pigeons t’entraîneraient à te moquer de trop de choses. On décore des villes. On décore un<br />

officier parce que son abri s’est écroulé sur lui. On qualifie d’intrépides et de fidèles des troupes dont on<br />

sait qu’elles s’enfuient aussi bien qu’elles attaquaient, dès que les gradés sont tués. Que restera-t-il, si tu<br />

commences à ne pas croire? Tu aperçois d’un regard cet immense édifice, qui vacille par ton doute. Aussi<br />

ton rire s’arrête net et fait place à un sérieux incroyable, qui me gagne moi-même. »<br />

< p.685-686 ><br />

ALAIN / Propos I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1956<br />

« Les guerres sont peut-être premièrement un remède à l’ennui ; on expliquerait ainsi que ceux qui sont les<br />

plus disposés à accepter la guerre, sinon à la vouloir, sont souvent ceux qui ont le plus à perdre. La crainte<br />

de mourir est une pensée d’oisif, aussitôt effacée par une action pressante, si dangereuse qu’elle soit. Une<br />

bataille est sans doute une des circonstances où l’on pense le moins à la mort. D’où ce paradoxe : mieux on<br />

remplit sa vie, moins on craint de la perdre. »<br />

< 29 janvier 1909 p.50 ><br />

« [...] le pur système de la force se détruit dès qu’il s’avoue. Toutes les puissances furent trahies dans<br />

l’histoire ; on les trahit dès qu’on les croit faibles ; dès qu’elles le sont, la trahison est faite. Voyez la chute<br />

de Napoléon ou la mort de Wallenstein. Ces capitaines comptaient encore sur l’amitié ; ils avaient bien tort.<br />

La force tue tout ce qui n’est pas elle. Chacun gouverne alors pour soi-même autant qu’il peut. Toutefois<br />

c’est une morale qu’on ne s’est jamais avisé d’enseigner aux enfants. Peut-on enseigner, de la part du tyran,<br />

que chacun a le droit de tuer le tyran, pourvu qu’il y arrive? »<br />

< 20 juillet 1935 p.1277 ><br />

ALAIN / Propos II / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1970<br />

« Dans cette terrible guerre moderne, il n’y a plus cette sélection des anciens combats, où souvent l’homme<br />

vigoureux, intrépide, maître de lui-même avait quelques chances de revenir. Ainsi, dans L’Iliade, il paraît<br />

naturel que les plus forts et les plus courageux soient invincibles, ou tout au moins durent plus longtemps<br />

que les autres. Ulysse revient dans sa patrie. Mais, dans nos guerres, lorsqu’il s’agit d’enlever une position

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