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ÉCOLOGIE 161<br />

Emil CIORAN / De l’inconvénient d’être né (1973) / Œuvres / Quarto Gallimard 1995<br />

« En permettant l’homme, la nature a commis beaucoup plus qu’une erreur de calcul : un attentat contre<br />

elle-même. »<br />

< p.1318 ><br />

François CAVANNA / La belle fille sur le tas d’ordures / L’Archipel (LdP9667) 1991<br />

« La forêt, partout on la rase, cette inutile, cette grande feignasse. Tiens, les Brésiliens : la fameuse forêt<br />

vierge amazonienne, "le poumon du monde", eh bien, ils sont en train de la supprimer. Et tu sais pourquoi?<br />

Pour cultiver massivement de la canne à sucre. Mais du sucre, on a déjà trop, on sait pas quoi en faire, on<br />

en crève, du sucre ! Oui, mais les Brésiliens, eux, ils en font de l’alcool. Pas de l’alcool pour boire, non, de<br />

l’alcool pour remplacer l’essence dans les voitures. Alors, là, je m’incline. Préférer la forêt à la bagnole,<br />

faudrait être maso, fou dingue dans sa tête. Et où ils iront avec leurs voitures, les Brésiliens? Oh, ils iront<br />

à l’hôtel de la Forêt, au camping des Trois Acajous Géants, dont les noms romantiques leur diront que, là,<br />

autrefois, à ce qu’on dit, il y avait une forêt.<br />

On la tolère encore un peu, la forêt, pour la hacher en pâte à papier ou la laminer en simili-massif. Le jour<br />

où la civilisation n’aura plus besoin de papier ni de maquiller le plastique en faux bois, adieu le dernier<br />

arbre !<br />

Oh, et puis, hein, qu’est-ce qu’on en a à foutre, de la forêt? Une grande dalle de ciment d’un pôle à l’autre,<br />

peinte en vert, si tu veux, pour nos rallyes et nos Tours de France, un peu d’eau sale pour nos planches à<br />

voile, des parasols pour picoler à l’ombre... Le bonheur. »<br />

< p.45-46 ><br />

Définition :<br />

« Le dictionnaire nous dit que l’écologie est l’étude des rapports existants entre les êtres vivants et leur<br />

milieu (en gros, ça doit être ça, j’écris en voltige, pas de dico sous la main). Mais c’était avant la survenue du<br />

"mouvement écologique". Depuis, le mot "écologie" a pris de l’ampleur et de l’ambition. Je crois pouvoir<br />

le définir en disant qu’il exprime l’inquiétude d’UN être vivant (l’homme civilisé) devant la dégradation<br />

accélérée de son propre milieu d’existence. Je pense que cette définition est suffisamment générale pour<br />

mettre tout le monde d’accord.<br />

Si maintenant on veut un peu affiner, par exemple poser les questions du "pourquoi", du "comment" et du<br />

"qu’est-ce qu’il faut faire?", ça diverge tout de suite. »<br />

<br />

« L’illusion écologique est un consolationnisme comme tous les systèmes fondés sur la donnée de base que<br />

l’homme veut avant tout vivre heureux dans un monde heureux et harmonieux. C’est le principe, proclamé<br />

et allant de soi, de toutes les utopies sociales, que ce soit les innombrables variétés du socialisme, de l’anarchie,<br />

du communisme... De l’écologie. Toutes entrevoient les lendemains radieux dans un avenir à portée<br />

de main, il suffit d’en mettre un bon coup, par la révolution ou par l’éducation des masses, pour que le bon<br />

sens et l’altruisme prennent enfin les commandes.<br />

Ce ne sont que des aide-à-vivre, des, comme je disais, consolationnismes, des, si vous préférez, euphorisants,<br />

qui, d’abord, rejettent le pessimisme insupportable et le remplacent par l’agréable espoir, ensuite<br />

placent cet espoir au bout d’un effort à accomplir, c’est à dire débouchent sur l’action. Espoir et action,<br />

c’est tout ce que demandent nos petites machineries intimes pour tuer l’angoisse ou, du moins, l’oublier.<br />

Toute utopie, tout système "généreux" a pour but - non avoué, mais bien réel - de faire oublier l’angoisse<br />

dite "existentielle" à ceux dont le psychisme n’est pas suffisamment polarisé sur cette autre illusion : l’ambition<br />

personnelle, le désir de "réussir sa vie", dans quelque domaine que ce soit et quelles que soient les<br />

motivations intimes, qui ne sont que des justifications modulées par le hasard (hasard de la distribution des<br />

gènes ou hasards des circonstances de la vie...) Dévouement, vengeance, arrivisme, volonté de puissance,<br />

art, cupidité, ascétisme pieux...ceux que l’une ou l’autre de ces passions anime n’ont pas besoin de consolationnisme.<br />

Leur drogue apaisante-stimulante, il la sécrète eux-même.<br />

L’écologie, comme toutes les utopies sociales, est une religion. Une religion sans dieu, mais une religion<br />

n’a pas forcément besoin d’un dieu. La foi suffit. Et aussi le dogme. »<br />

< p.105-106 >

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