Abcès cérébraux et empyèmes intracrâniens - Psychologie - M ...
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-485-A-10<br />
<strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong><br />
D Leys<br />
Introduction<br />
Résumé. – Les abcès <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> les <strong>empyèmes</strong> sont des suppurations focales intracrâniennes dues à une<br />
infection bactérienne. L’imagerie moderne par scanner ou imagerie par résonance magnétique a<br />
profondément modifié la prise en charge des suppurations intracrâniennes : le diagnostic est plus précoce, la<br />
précision topographique meilleure, la détermination des stades évolutifs plus aisée <strong>et</strong> la surveillance non<br />
invasive. De nombreux auteurs ont désormais adopté une attitude thérapeutique prioritairement médicale,<br />
réservant la chirurgie à quelques cas particuliers. La même attitude s’est ensuite appliquée aux <strong>empyèmes</strong>.<br />
© 2001 Editions Scientifiques <strong>et</strong> Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.<br />
Mots-clés : abcès cérébral, empyème sous-dural, empyème extradural, empyème intracrânien, encéphalite<br />
présuppurative.<br />
Les abcès <strong>cérébraux</strong> sont des suppurations focales dues à une<br />
infection bactérienne <strong>et</strong> développées au sein du parenchyme<br />
cérébral. Bien que ce terme ait été utilisé aussi dans les infections<br />
fungiques ou parasitaires, nous nous limitons aux infections<br />
bactériennes non tuberculeuses. Les <strong>empyèmes</strong> sont des collections<br />
suppurées, cloisonnées, extracérébrales (extra- ou sous-durales).<br />
L’imagerie moderne par scanner ou imagerie par résonance<br />
magnétique (IRM) a profondément modifié la prise en charge des<br />
suppurations intracrâniennes : le diagnostic est plus précoce, la<br />
précision topographique meilleure [16] , la détermination des stades<br />
évolutifs plus aisée <strong>et</strong> la surveillance non invasive [16, 18, 19, 23, 24, 30, 31, 36] .<br />
À l’avènement du scanner, quelques observations ont montré qu’il<br />
était possible de guérir des abcès <strong>cérébraux</strong> sans chirurgie chez des<br />
suj<strong>et</strong>s à haut risque, en cas de localisation en zone fonctionnelle <strong>et</strong><br />
dans les abcès multiples [12, 13, 16] . De nombreux auteurs ont désormais<br />
adopté une attitude thérapeutique prioritairement médicale<br />
[3, 12, 13, 16,<br />
18, 29, 30, 34, 35] , réservant la chirurgie à quelques cas particuliers. La<br />
même attitude s’est ensuite appliquée aux <strong>empyèmes</strong> [18, 20, 21, 22, 33] .<br />
Si des progrès considérables ont été effectués dans le courant des<br />
années 1980 avec l’apparition des techniques d’imagerie modernes,<br />
les suppurations intracrâniennes n’ont fait l’obj<strong>et</strong> que de peu de<br />
travaux au cours des 10 dernières années, sauf sous forme de cas<br />
cliniques isolés, apportant peu à la connaissance du problème, ou<br />
de cas survenant dans des états de baisse des défenses immunitaires.<br />
Épidémiologie<br />
Les abcès <strong>et</strong> les <strong>empyèmes</strong> sont plus fréquents dans le sexe<br />
masculin, avec un sex-ratio de l’ordre de trois hommes pour deux<br />
femmes [44] . Les abcès se rencontrent à tout âge, malgré une<br />
fréquence plus élevée avant 40 ans [44] , 25 % des cas survenant avant<br />
15 ans [27] . L’augmentation du nombre d’immunodéprimés <strong>et</strong> de leur<br />
Didier Leys : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef du service de neurologie <strong>et</strong> pathologie<br />
neurovasculaire, hôpital Roger Salengro, centre hospitalier <strong>et</strong> universitaire de Lille, 59037 Lille, France.<br />
espérance de vie depuis 10 ans, par infection par le virus de<br />
l’immunodéficience humaine (VIH) ou transplantation d’organe ou<br />
de moelle, a changé le profil des abcès <strong>cérébraux</strong>, au détriment des<br />
abcès d’origine oto-rhino-laryngologique (ORL), en n<strong>et</strong>te<br />
diminution [5] . Les abcès <strong>cérébraux</strong> chez ces patients posent un<br />
problème spécifique de diagnostic <strong>et</strong> de traitement. Les <strong>empyèmes</strong><br />
extraduraux représentent 15 % des suppurations focales<br />
[2, 20, 21, 22, 42]<br />
<strong>et</strong> touchent surtout des suj<strong>et</strong>s jeunes ou des enfants [17, 20, 21] .<br />
L’incidence des abcès <strong>cérébraux</strong> est estimée à quatre à cinq cas par<br />
an <strong>et</strong> par million d’habitants [1] . Dans un établissement hospitalier<br />
sud-africain, les <strong>empyèmes</strong> extraduraux représentèrent 1,6 % des<br />
suppurations intracrâniennes sur une période de 15 ans [25] .<br />
Anatomopathologie<br />
17-485-A-10<br />
Le parenchyme cérébral normal résiste aux infections, sauf s’il<br />
apparaît en son sein une zone d’ischémie <strong>et</strong> de nécrose. Les abcès<br />
<strong>cérébraux</strong> se développent principalement à la jonction entre<br />
substance blanche <strong>et</strong> substance grise, dans un territoire jonctionnel<br />
entre les territoires superficiels <strong>et</strong> profonds de l’artère cérébrale<br />
moyenne.<br />
ENCÉPHALITE PRÉSUPPURATIVE<br />
L’encéphalite présuppurative se caractérise par un centre nécrotique<br />
contenant des cellules inflammatoires <strong>et</strong> de nombreux germes,<br />
entouré d’une réaction inflammatoire faite de cellules<br />
macrophagiques <strong>et</strong> de fibroblastes, s’entourant de la formation d’un<br />
tissu de réticuline. Une infiltration périvasculaire de polynucléaires,<br />
de cellules mononucléées <strong>et</strong> de néovaisseaux se développe autour<br />
du centre nécrotique <strong>et</strong> de la région inflammatoire. Le cerveau sain<br />
est séparé de c<strong>et</strong>te encéphalite présuppurative par un œdème plus<br />
marqué en substance blanche.<br />
ABCÈS CÉRÉBRAL<br />
Au stade de l’abcès cérébral, la taille du centre nécrotique diminue,<br />
tandis que des fibroblastes <strong>et</strong> des cellules macrophagiques<br />
apparaissent à sa périphérie, entraînant la formation d’une capsule<br />
Toute référence à c<strong>et</strong> article doit porter la mention : Leys D. <strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong>. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques <strong>et</strong> Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-485-A-10,<br />
2001, 7 p.
17-485-A-10 <strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong> Neurologie<br />
collagène dont l’épaisseur s’accroît progressivement. L’aspect<br />
d’infiltration périvasculaire est moins sévère que dans l’encéphalite<br />
présuppurative. À ce stade, les néovaisseaux ont leur<br />
développement maximal. L’œdème cérébral régresse <strong>et</strong> une gliose<br />
astrocytaire se développe en périphérie.<br />
EMPYÈME SOUS-DURAL<br />
Les <strong>empyèmes</strong> sous-duraux <strong>intracrâniens</strong> réalisent une collection<br />
suppurée extracérébrale située entre dure-mère <strong>et</strong> arachnoïde [2] .Il<br />
est rare que le processus infectieux s’étende directement par<br />
continuité à partir d’une sinusite ou d’une ostéite, formant<br />
progressivement une collection suppurée extradurale, puis sousdurale<br />
cloisonnée [17] : l’infection des veines sous-muqueuses,<br />
dépourvues de valvules, des cavités sinusiennes [11] se transm<strong>et</strong> de<br />
façon rétrograde aux veines sous-durales. C’est dans c<strong>et</strong> espace que<br />
se développe l’infection, alors qu’une réaction méningée tend à la<br />
limiter par la formation de dépôts de fibrine qui contribue à former<br />
des néomembranes [38] puis un encapsulement [2, 17, 20] .Encas<br />
d’intervention, on trouve fréquemment, au voisinage de l’empyème,<br />
une thrombose veineuse, un œdème ou une encéphalite.<br />
EMPYÈME EXTRADURAL<br />
Le mécanisme de développement est proche de celui de l’empyème<br />
sous-dural. L’empyème extradural est en général secondaire à une<br />
infection de l’oreille moyenne ou des sinus de la face [22, 42] , parfois à<br />
une intervention ORL ou neurochirurgicale. Des cas ont été décrits,<br />
avec drainage spontané de la collection par la porte d’entrée ORL [26] .<br />
Diagnostic positif<br />
CIRCONSTANCES DU DIAGNOSTIC<br />
<strong>Abcès</strong> <strong>et</strong> encéphalites présuppuratives<br />
Les manifestations cliniques dépendent de la taille, de la localisation<br />
<strong>et</strong> du nombre de lésions. Certains abcès frontaux peuvent rester<br />
« silencieux » pendant très longtemps <strong>et</strong> avoir un volume important<br />
lorsqu’ils s’expriment. Dans la plupart des cas, la symptomatologie<br />
existe depuis moins de 1 semaine lorsque le diagnostic est posé.<br />
Trois présentations cliniques peuvent être différenciées.<br />
Méningite purulente en apparence isolée<br />
La clinique perm<strong>et</strong> de suspecter l’existence d’un abcès devant une<br />
évolution traînante, malgré une antibiothérapie bien adaptée ou de<br />
discr<strong>et</strong>s signes de focalisation [30] .<br />
Le scanner cérébral révèle alors un p<strong>et</strong>it abcès, souvent<br />
paraventriculaire, secondaire à une dissémination hématogène. Il est<br />
probable que l’abcès est la lésion initiale <strong>et</strong> qu’il ait été responsable<br />
d’une dissémination méningée à l’occasion de son ouverture dans<br />
les voies d’écoulement du liquide céphalorachidien ou dans les<br />
espaces sous-arachnoïdiens. Ce dépistage ne modifie pas les<br />
modalités du traitement antibiotique, mais il oriente vers un<br />
mécanisme septicémique, <strong>et</strong> non pas vers une porte d’entrée locale<br />
ou locorégionale [3, 21] . Parfois, le scanner, recommandé devant toute<br />
méningite purulente autre qu’à méningocoque, révèle un p<strong>et</strong>it abcès<br />
paraventriculaire que ni l’évolution, ni la négativité de l’examen<br />
clinique ne laissaient supposer.<br />
Syndrome tumoral subaigu fébrile<br />
Le tableau clinique associe une hypertension intracrânienne, au<br />
premier plan chez l’enfant, un déficit neurologique focal<br />
d’installation <strong>et</strong> d’aggravation rapides, avec hémiplégie,<br />
hémianopsie latérale homonyme <strong>et</strong> déficits neuropsychologiques <strong>et</strong><br />
des crises épileptiques focales ou généralisées. C’est le scanner<br />
cérébral qui révèle l’abcès cérébral, en précise le siège, <strong>et</strong> le<br />
différencie d’une encéphalite présuppurative.<br />
2<br />
Syndrome tumoral isolé<br />
Le patient présente une symptomatologie évocatrice d’une tumeur<br />
cérébrale, associant en quelques semaines des crises épileptiques<br />
généralisées ou focalisées, un déficit neurologique focal s’aggravant<br />
progressivement, des signes d’hypertension intracrânienne, sans<br />
altération de l’état général, <strong>et</strong> pendant longtemps sans fièvre ni<br />
syndrome inflammatoire. Le scanner révèle alors une image ronde,<br />
unique, difficile à différencier d’un astrocytome ou une métastase<br />
kystique. Sauf cas particuliers, c’est une indication à une ponction<br />
diagnostique [30] .<br />
Déficit focal brutal<br />
Un abcès cérébral révélé par un déficit neurologique focal brutal a<br />
été rapporté. Une hypothèse plausible est celle d’une endocardite<br />
infectieuse, avec un abcès se développant précocement dans<br />
l’infarctus. L’autre hypothèse est celle d’une surinfection précoce à<br />
l’occasion d’une bactériémie d’un infarctus initial [40] .<br />
Empyèmes sous-duraux<br />
Les manifestations cliniques initiales d’un empyème sous-dural<br />
peuvent être difficilement différenciées de celles d’une sinusite ou<br />
d’une thrombose veineuse corticale.<br />
Le début est souvent progressif sur une quinzaine de jours. Les<br />
premiers signes sont des céphalées <strong>et</strong> une fièvre survenant alors<br />
qu’une antibiothérapie pour infection ORL est déjà prescrite dans la<br />
plupart des cas [20, 21] . Le début est souvent difficile à préciser, car les<br />
céphalées <strong>et</strong> la fièvre peuvent s’expliquer aussi par une sinusite,<br />
porte d’entrée la plus fréquente. Un œdème palpébral unilatéral<br />
peut aussi être observé [20, 31] .<br />
Sur ce tableau à bas bruit survient, après 1 ou 2 semaines, un déficit<br />
neurologique focal brutal ou rapide, accompagné de signes<br />
d’atteinte corticale : crises épileptiques focales ou généralisées <strong>et</strong><br />
troubles des fonctions supérieures [21] , hypertension intracrânienne<br />
avec un syndrome infectieux modéré. C<strong>et</strong>te aggravation brutale est<br />
généralement le témoin d’une thrombophlébite corticale.<br />
Empyèmes extraduraux<br />
Contrairement aux <strong>empyèmes</strong> sous-duraux, ils évoluent<br />
insidieusement, parfois même sans fièvre, leur symptomatologie se<br />
limitant à quelques céphalées <strong>et</strong> un minimum de signes<br />
neurologiques dans les suites d’une infection ou d’une chirurgie<br />
ORL. Les antibiotiques à faibles doses atténuent la symptomatologie<br />
<strong>et</strong> masquent la gravité de ces <strong>empyèmes</strong>, sans pour autant prévenir<br />
une décompensation rapide [22, 42] .<br />
IMAGERIE CÉRÉBRALE<br />
Une nouvelle approche diagnostique <strong>et</strong> évolutive a été permise par<br />
l’imagerie moderne : scanner, IRM, tomographie d’émission<br />
monophotonique ou de positons, spectroscopie [5] , perm<strong>et</strong>tant une<br />
approche non invasive. Dans la plupart des cas, le contexte clinique<br />
amène à réaliser un scanner cérébral avec injection intraveineuse de<br />
produit de contraste comme examen de dépistage des suppurations<br />
intracrâniennes. L’IRM, moins disponible en urgence, n’a pas<br />
totalement remplacé le scanner pour le diagnostic initial, mais<br />
devient l’examen de choix pour le suivi [10] . Elle n’expose pas au<br />
risque d’allergie, n’irradie pas, <strong>et</strong> est plus performante que le<br />
scanner pour les lésions de la fosse postérieure <strong>et</strong> les thromboses<br />
veineuses associées [10] .<br />
L’imagerie perm<strong>et</strong> de différencier le type de lésion focale.<br />
Encéphalite présuppurative<br />
Au stade précoce de l’encéphalite, le scanner révèle une zone<br />
d’hypodensité mal définie, étendue, avec un eff<strong>et</strong> de masse. Il peut<br />
exister une prise de contraste au sein de c<strong>et</strong>te hypodensité ou à sa<br />
périphérie. Lors de l’évolution de c<strong>et</strong>te encéphalite, un anneau de<br />
contraste apparaît autour d’une hypodensité <strong>et</strong> se renforce. Dans
Neurologie <strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong> 17-485-A-10<br />
1 Scanner cérébral avec contraste : abcès frontal droit avec œdème.<br />
une encéphalite présuppurative, il n’y a pas de prise de contraste<br />
arrondie périphérique, mais une prise de contraste plus diffuse au<br />
sein d’une zone hypodense, responsable d’un eff<strong>et</strong> de masse souvent<br />
très important en raison de l’œdème.<br />
<strong>Abcès</strong> cérébral<br />
L’abcès cérébral se manifeste par :<br />
– des signes directs : hypodensité dont la périphérie devient<br />
hyperdense après injection de produit de contraste iodé, donnant<br />
une image ronde hypodense, cerclée d’une paroi hyperdense <strong>et</strong><br />
entourée d’une zone hypodense d’œdème (fig 1) [16] ;<br />
– des signes indirects : refoulement des structures médianes <strong>et</strong> des<br />
ventricules latéraux, éventuellement dilatation ventriculaire dans les<br />
abcès du cervel<strong>et</strong> [16, 30] .<br />
L’imagerie précise la topographie <strong>et</strong> le nombre des abcès <strong>et</strong> perm<strong>et</strong><br />
de suivre l’évolution sous traitement : l’œdème régresse vite,<br />
l’anneau de prise de contraste s’épaissit <strong>et</strong> la taille de l’abcès<br />
diminue progressivement.<br />
Empyème sous-dural<br />
Le scanner cérébral révèle une hypodensité extracérébrale, en<br />
croissant ou en ellipse, entourée d’une prise de contraste<br />
périphérique correspondant à la paroi dont l’épaisseur est<br />
proportionnelle à l’ancienn<strong>et</strong>é de la lésion. L’eff<strong>et</strong> de masse est<br />
souvent plus important que ne le voudrait le volume de la lésion<br />
elle-même, en raison de l’œdème périlésionnel qui peut traduire une<br />
simple réaction à l’empyème, une encéphalite présuppurative de<br />
voisinage ou une thrombose veineuse corticale [21] . Parfois, l’IRM<br />
perm<strong>et</strong> une meilleure visualisation de l’empyème.<br />
Empyème extradural<br />
Ce diagnostic est permis par le scanner qui révèle une hypodensité<br />
extracérébrale comportant une prise de contraste périphérique<br />
intense <strong>et</strong> épaisse qui correspond à la dure-mère hypervascularisée<br />
<strong>et</strong> refoulée.<br />
AUTRES ARGUMENTS DIAGNOSTIQUES<br />
Arguments cliniques<br />
Le meilleur argument clinique est l’existence d’une porte d’entrée.<br />
La fièvre <strong>et</strong> l’altération de l’état général sont d’autres bons<br />
arguments, mais inconstants car la plupart des patients ont déjà reçu<br />
une antibiothérapie qui atténue les signes.<br />
Arguments biologiques<br />
Seulement la moitié des patients présentant un abcès cérébral ont<br />
une hyperleucocytose ou une élévation, souvent modérée, de la<br />
vitesse de sédimentation. La confirmation bactériologique est parfois<br />
apportée par les hémocultures ou le prélèvement de la porte<br />
d’entrée. La ponction lombaire est déconseillée lorsque l’on suspecte<br />
un abcès cérébral ou un empyème sous-dural. Elle peut aggraver<br />
l’état du patient si l’œdème est important. Elle révélerait une<br />
hypercytose faite de polynucléaires neutrophiles non altérés, avec<br />
une hyperprotéinorachie, sans hypoglycorachie, la culture<br />
demeurant stérile.<br />
Bactériologie<br />
Dans les travaux les plus anciens, le germe le plus fréquemment<br />
rencontré était le staphylocoque doré. Actuellement, plus de 50 %<br />
des cas se révèlent être à pus stérile <strong>et</strong> quelques-uns sont<br />
polymicrobiens. Les germes les plus fréquents de nos jours sont le<br />
streptocoque [2, 8, 17, 20, 21] , les entérocoques <strong>et</strong> les germes anaérobies [45] .<br />
Les infections à Peptococcus, Fusobacterium, Clostridium, Propionibacterium,<br />
sont des causes importantes d’abcès <strong>cérébraux</strong>. Il s’agit<br />
plus rarement de staphylocoque doré [2] , d’Escherichia coli [8] ,<br />
d’Haemophilus influenzae [11] ,dePasteurella multocida [41] <strong>et</strong> d’Actinomyces<br />
israelii [24] , de peptostreptocoques, de bactéroïdes,<br />
d’entérobactéries dont Pseudomonas aeruginosa <strong>et</strong> du staphylocoque<br />
doré.<br />
Dans les abcès postopératoires, le Proteus est le plus fréquent, suivi<br />
d’Escherichia coli, de Klebsiella, d’Enterobacter, de Pseudomonas<br />
aeruginosa, d’Acin<strong>et</strong>obacter, dePasteurella multocida. Des abcès ou des<br />
<strong>empyèmes</strong> à Salmonella ont été décrits de façon exceptionnelle [14] .<br />
En revanche, Haemophilus influenzae <strong>et</strong> Neisseria meningitidis, causes<br />
fréquentes de méningites bactériennes, sont exceptionnels dans les<br />
abcès <strong>cérébraux</strong>. Les méningoencéphalites listériennes ont une<br />
localisation bulboprotubérantielle classique <strong>et</strong> peuvent évoluer en<br />
abcès du tronc cérébral [29] . L’immunosuppression est un facteur<br />
favorisant classique mais pas obligatoire de listériose.<br />
Diagnostic différentiel<br />
En l’absence d’arguments pour une cause infectieuse, la discussion<br />
se focalise sur la nature d’une image ronde au scanner. En fonction<br />
du contexte, on peut proposer, soit une ponction à visée<br />
diagnostique, soit une antibiothérapie avec surveillance<br />
scanographique.<br />
DEVANT UN SYNDROME NEUROLOGIQUE SURVENANT<br />
DANS UN CONTEXTE INFECTIEUX<br />
Thromboses veineuses cérébrales<br />
Le tableau clinique d’une encéphalite présuppurative, d’un abcès<br />
cérébral <strong>et</strong> d’un empyème sous-dural peut être confondu avec<br />
certaines thromboses veineuses cérébrales. C’est l’imagerie qui<br />
perm<strong>et</strong> le diagnostic, en m<strong>et</strong>tant en évidence la suppuration<br />
intracrânienne. L’IRM perm<strong>et</strong> d’écarter la thrombose d’un gros<br />
sinus. Une thrombose limitée de veine corticale peut échapper à une<br />
IRM.<br />
Encéphalite herpétique<br />
Dans l’encéphalite herpétique, l’atteinte temporale interne est<br />
souvent bilatérale <strong>et</strong> s’accompagne parfois d’un eff<strong>et</strong> de masse, mais<br />
3
17-485-A-10 <strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong> Neurologie<br />
sans prise de contraste. L’IRM perm<strong>et</strong> souvent de rectifier le<br />
diagnostic devant la bilatéralité habituelle des lésions de<br />
l’encéphalite herpétique. La composition du liquide céphalorachidien<br />
<strong>et</strong> la polymerase chain reaction (PCR) apportent au<br />
diagnostic des éléments déterminants.<br />
Collections intracérébrales non suppurées<br />
La présentation clinique <strong>et</strong> les données de l’imagerie dans la<br />
toxoplasmose cérébrale peuvent être identiques à celles des abcès à<br />
pyogènes. Le terrain est toutefois celui d’une infection à VIH le plus<br />
souvent. Dans ce cas, il peut être difficile de différencier un abcès<br />
cérébral à pyogènes d’un tuberculome ou d’un abcès à<br />
toxoplasme [1] . Dans ce contexte, un traitement de la toxoplasmose<br />
peut s’imposer en première intention, car environ 40 % des patients<br />
infectés par le VIH développent une infection toxoplasmique [1] .<br />
Toutefois, l’absence de régression après 2 semaines de traitement<br />
doit faire pratiquer une biopsie.<br />
DEVANT UN SYNDROME NEUROLOGIQUE<br />
SANS CONTEXTE INFECTIEUX<br />
Dans les formes tumorales pures, un astrocytome kystique ou une<br />
métastase kystique peuvent être discutés. Une ponction à but<br />
diagnostique est généralement indiquée mais, selon l’état du patient,<br />
un traitement d’épreuve peut être préféré.<br />
Diagnostic étiologique<br />
Le scanner cérébral apporte des arguments indirects en faveur d’une<br />
porte d’entrée : des abcès <strong>cérébraux</strong> profonds paraventriculaires ou<br />
multiples orientent vers un processus hématogène, à point de départ<br />
pulmonaire ou cardiaque, tandis qu’un abcès frontal unique oriente<br />
vers une porte d’entrée sinusienne <strong>et</strong> un abcès cérébelleux ou<br />
temporal oriente vers une otomastoïdite [30] .<br />
CAUSES LOCALES<br />
Les abcès s’observent plutôt lorsqu’il existe un corps étranger. Les<br />
traumatismes crâniens par balle ne sont pas responsables d’abcès,<br />
car le corps étranger est rendu stérile par la température. Il peut<br />
s’agir d’une ostéite des os du crâne [31] , ou d’une lésion posttraumatique<br />
[28] , ou d’un halo de traction transcrânienne [15] . Les<br />
infections du scalp, les surinfections de vol<strong>et</strong>, les plaies<br />
craniocérébrales, les ostéites <strong>et</strong> ostéomyélites du crâne peuvent se<br />
compliquer d’abcès <strong>cérébraux</strong> ou d’<strong>empyèmes</strong>. La responsabilité des<br />
infections dentaires est certainement surestimée.<br />
CAUSES RÉGIONALES<br />
Certains abcès <strong>cérébraux</strong> ou <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong> peuvent être<br />
liés à l’extension directe à partir du foyer infectieux de la collection<br />
suppurée. La porte d’entrée la plus fréquente dans ce cas est une<br />
infection de l’oreille moyenne, généralement une otite chronique ou<br />
des sinus de la face [44] . Les abcès autogènes sont habituellement<br />
localisés dans le lobe temporal homolatéral ou dans l’hémisphère<br />
cérébelleux homolatéral. Les abcès liés à des infections des sinus de<br />
la face sont habituellement frontaux. L’extension du processus<br />
infectieux à partir de l’oreille moyenne peut se faire directement à<br />
travers le tegmen tympani. L’infection peut aussi se propager par le<br />
biais d’une thrombophlébite septique de veines temporales<br />
corticales.<br />
Les infections de la cavité sinusienne sont responsables de 10 à 15 %<br />
des abcès <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> de la majorité des <strong>empyèmes</strong> sous-duraux.<br />
L’infection peut s’étendre vers l’encéphale par des veines drainant<br />
les cavités sinusiennes <strong>et</strong> pénétrant en intracrânien. L’infection du<br />
sinus frontal peut s’étendre directement vers le lobe frontal. Les<br />
infections des autres cavités sinusiennes de la face sont plus<br />
rarement responsables d’abcès <strong>cérébraux</strong>. C<strong>et</strong>te porte d’entrée est la<br />
4<br />
cause d’abcès frontaux ou parfois temporaux profonds au cours de<br />
sinusites <strong>et</strong>hmoïdales. Une sinusite sphénoïdale peut être<br />
responsable d’abcès frontal ou temporal, voire hypophysaire.<br />
Ces causes régionales peuvent entraîner des abcès <strong>cérébraux</strong> ou des<br />
<strong>empyèmes</strong>. La porte d’entrée des <strong>empyèmes</strong> est toujours<br />
locorégionale : infection des sinus de la face [2, 31, 33] , infection<br />
otologique [2] . La porte d’entrée est, dans la majorité des cas, une<br />
infection des sinus de la face, beaucoup plus rarement une infection<br />
otologique, une ostéite, ou parfois même un traumatisme ouvert [2,<br />
17, 20, 21] . Des cas d’abcès faisant suite à un acte de chirurgie dentaire<br />
ont aussi exceptionnellement été décrits [32] .<br />
CAUSES GÉNÉRALES<br />
Les abcès <strong>cérébraux</strong> métastatiques par dissémination hématogène<br />
sont fréquemment multiples <strong>et</strong> se développent le plus souvent à la<br />
jonction substance grise-substance blanche, là où le débit sanguin<br />
cérébral est le plus bas. Ces abcès représentent 20 à 35 % des abcès<br />
<strong>cérébraux</strong>. Les <strong>empyèmes</strong> sous-duraux ne sont jamais liés à ce<br />
mécanisme. La répartition topographique des abcès dépendant du<br />
débit sanguin cérébral, la plupart se développent dans le territoire<br />
de l’artère cérébrale moyenne, en particulier le lobe pariétal, plus<br />
rarement le cervel<strong>et</strong> ou le tronc cérébral.<br />
Causes pulmonaires<br />
Les infections pleuropulmonaires (abcès pulmonaires, pleurésies<br />
purulentes, bronchectasies) sont la source de la plupart des abcès<br />
<strong>cérébraux</strong> hématogènes [27] .<br />
Causes cardiaques<br />
Les cardiopathies congénitales cyanogènes (tétralogie de Fallot,<br />
transposition des gros vaisseaux) peuvent être responsables d’abcès<br />
<strong>cérébraux</strong> par suppression du filtre pulmonaire. Elles représentent<br />
une majorité des causes des abcès <strong>cérébraux</strong> chez l’enfant. Les abcès<br />
<strong>cérébraux</strong> peuvent représenter également une complication des<br />
endocardites infectieuses [4] .<br />
Shunts droite-gauche<br />
Il peut exister des signes cliniques de shunts droite-gauche dus à<br />
l’hypoxie chronique : dyspnée, asthénie, cyanose, hippocratisme<br />
digital, polyglobulie avec céphalées. Le shunt droite-gauche<br />
supprime le filtre microbien pulmonaire physiologique, perm<strong>et</strong>tant<br />
à toute infection cutanée d’être responsable d’un abcès cérébral.<br />
Fistules artérioveineuses pulmonaires<br />
La survenue d’abcès <strong>cérébraux</strong> peut être révélatrice d’une fistule<br />
artérioveineuse pulmonaire inaperçue dans la radiographie standard<br />
de thorax [19] . Il peut s’agir d’une fistule isolée ou entrant dans le<br />
cadre d’une maladie de Rendu-Osler : c<strong>et</strong>te affection, de<br />
transmission autosomique dominante, se caractérise par des<br />
télangiectasies du visage <strong>et</strong> des muqueuses (lèvres, langue, face<br />
interne des joues <strong>et</strong> muqueuse nasale) responsables d’épistaxis.<br />
Hormis les angiomes <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> médullaires, la plupart des<br />
complications neurologiques de la maladie de Rendu-Osler sont<br />
secondaires à une fistule artérioveineuse pulmonaire : embolie<br />
cruorique, embolie gazeuse se révélant par une hémoptisie suivie<br />
d’une hémiplégie, embolie paradoxale <strong>et</strong> abcès <strong>cérébraux</strong> [3, 19] .<br />
Lorsque l’abcès cérébral survient, la maladie de Rendu-Osler n’est<br />
pas toujours connue [3, 19] . Les antécédents familiaux, la notion<br />
d’épistaxis, d’abcès <strong>cérébraux</strong>, d’abcès récidivants, ou simplement<br />
d’abcès de cause inconnue, doivent faire rechercher un angiome<br />
pulmonaire par un scanner thoracique [3, 19, 37] . Le traitement<br />
chirurgical ou radiologique évite les récidives [3, 19, 37] .<br />
Autres shunts droite-gauche<br />
Comme tout shunt droite-gauche, des anomalies du r<strong>et</strong>our veineux<br />
cave, isolées ou non, peuvent favoriser un abcès cérébral. Nous
Neurologie <strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong> 17-485-A-10<br />
avons rapporté une observation où le shunt droite-gauche était lié à<br />
l’existence de deux veines caves supérieures, dont l’une, de p<strong>et</strong>ite<br />
taille, se j<strong>et</strong>ait dans l’oreill<strong>et</strong>te gauche [23] .<br />
États septicémiques divers<br />
Les abcès septicémiques sont plus rarement dus à une infection<br />
cutanée, urinaire, abdominale, pelvienne, dentaire, amygdalienne.<br />
Des cas anecdotiques d’abcès <strong>cérébraux</strong> se développant dans un<br />
foyer d’infarctus ou d’hémorragie cérébrale chez des patients ayant<br />
présenté une infection systémique dans les semaines qui suivent leur<br />
accident vasculaire ont été décrits. La particularité de ces<br />
observations est que, en raison de l’accident récent, le diagnostic<br />
d’abcès peut être rendu difficile <strong>et</strong> le traitement tardif. La rupture de<br />
la barrière hématoencéphalique pourrait expliquer la faible<br />
résistance du cerveau à une bactériémie [6] .<br />
Infection VIH<br />
L’épidémie d’infection à VIH, qui a débuté dans le courant des<br />
années 1980, a fait apparaître la toxoplasmose comme une cause<br />
fréquente d’abcès <strong>cérébraux</strong>. Les images scanographiques ne sont<br />
pas différentes de celles observées dans les abcès à pyogènes, mais<br />
il s’agit le plus souvent d’images multiples. Le terrain<br />
immunodéprimé doit amener à évoquer ce diagnostic en première<br />
intention. Les recommandations pour la prise en charge des lésions<br />
intracrâniennes dans l’infection à VIH ont changé, alors que<br />
l’incidence de la toxoplasmose cérébrale a diminué avec l’utilisation<br />
prophylactique de l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole [5] .<br />
CAUSES INDÉTERMINÉES<br />
La cause des abcès <strong>cérébraux</strong> reste indéterminée dans certains cas.<br />
Traitement<br />
Le traitement optimal d’un abcès cérébral requiert une<br />
reconnaissance précoce sur des critères cliniques <strong>et</strong> une confirmation<br />
par une imagerie appropriée [7] .<br />
TRAITEMENT MÉDICAL<br />
Le scanner a profondément modifié les modalités de diagnostic, de<br />
traitement <strong>et</strong> de surveillance des suppurations intracrâniennes. Pour<br />
la plupart des auteurs, le traitement chirurgical des abcès <strong>cérébraux</strong><br />
était la règle il y a une vingtaine d’années. Dès l’avènement du<br />
scanner, un traitement médical exclusif fut tenté chez certains<br />
malades à haut risque [12] , ou porteurs d’abcès multiples [35] ou dont<br />
la localisation empêchait la chirurgie [34] . Dans ces cas sélectionnés, il<br />
fut montré qu’un traitement médical exclusif perm<strong>et</strong>tait souvent une<br />
guérison rapide sans séquelle [12, 30, 35] . C’est pour c<strong>et</strong>te raison que la<br />
priorité fut rapidement donnée au traitement médical [3, 30, 34] . L’idée<br />
ancienne selon laquelle un abcès ou un empyème n’est pas sensible<br />
aux antibiotiques était donc fausse.<br />
Certains abcès de gros volume, bien tolérés, ont aussi guéri sous<br />
traitement médical exclusif : une évolution favorable pendant la<br />
première semaine de traitement autorise donc à ne pas pratiquer de<br />
ponction [30] dans certains cas sélectionnés.<br />
Antibiothérapie<br />
Le traitement des abcès <strong>cérébraux</strong> nécessite une antibiothérapie la<br />
plus précoce possible, à fortes doses <strong>et</strong> pendant plusieurs semaines,<br />
<strong>et</strong> éventuellement une ponction [30, 34] . Le choix de l’antibiotique<br />
repose sur les données bactériologiques <strong>et</strong> l’antibiogramme. Très<br />
souvent, le germe n’est pas isolé ou la connaissance du germe n’est<br />
apportée que plusieurs jours après la mise en route du traitement.<br />
Le choix initial d’antibiotiques dépend alors des circonstances<br />
cliniques <strong>et</strong> de la première orientation : en l’absence de germe<br />
identifié, elle associe une bêtalactamine intraveineuse (ampicilline<br />
200 mg/kg/j ou ceftriaxone 2à3g/j), péfloxacine (800 mg/j) <strong>et</strong><br />
métronidazole (1,5 g/j) ; l’association triméthoprime (320 mg)sulfaméthoxazole<br />
(1 200 mg) peut remplacer la péfloxacine. Les<br />
Américains préfèrent l’association d’une céphalosporine de troisième<br />
génération (ceftriaxone ou céfotaxime) <strong>et</strong> de thiophénicol<br />
(1g intraveineux toutes les 6 heures). Pour les pneumocoques<br />
résistants, la ceftriaxone ou la vancomycine sont les traitements de<br />
choix [1] . Pour les bacilles à Gram négatif, les céphalosporines de<br />
troisième génération sont aussi le traitement de choix, associées le<br />
plus souvent à un aminoside. Pour les streptocoques B, l’ampicilline<br />
est le traitement de première intention. Les Listeria sont sensibles à<br />
l’ampicilline, mais l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole est<br />
une alternative acceptable. Dans les abcès à staphylocoque, la<br />
flucloxacilline ou la vancomycine sont recommandées. L’imagerie<br />
cérébrale doit être répétée tous les 3à4jours, jusqu’à ce qu’un début<br />
d’amélioration se manifeste. Le traitement médical, exclusif ou non,<br />
doit être poursuivi par voie parentérale, puis per os lorsque le<br />
patient peut s’alimenter, pendant au moins 6 semaines, jusqu’à<br />
obtention des critères de guérison : apyrexie, état neurologique<br />
stable, hémogramme <strong>et</strong> vitesse de sédimentation normaux, imagerie<br />
normale ou stabilisée, porte d’entrée traitée. Le pronostic a été<br />
n<strong>et</strong>tement amélioré sur le plan vital <strong>et</strong> fonctionnel par c<strong>et</strong>te attitude<br />
prioritairement médicale [18] , grâce à la diminution des épilepsies <strong>et</strong><br />
la fréquence des séquelles neurologiques après chirurgie [19] .<br />
Antiœdémateux<br />
Les corticoïdes diminueraient la pénétration des antibiotiques.<br />
Pendant les 48 premières heures, le Mannitolt est donc préférable.<br />
Autres traitements<br />
Les anticonvulsivants sont indiqués en cas d’état de mal épileptique<br />
<strong>et</strong> l’héparine en cas de thrombose veineuse.<br />
Porte d’entrée<br />
TRAITEMENT CHIRURGICAL<br />
La porte d’entrée doit être traitée en urgence s’il s’agit d’un foyer<br />
infectieux iatrogène ou traumatique pour enlever le matériel<br />
septique. Cela ne doit néanmoins pas différer le traitement médical.<br />
Le traitement de la porte d’entrée, dans les autres circonstances, peut<br />
parfois être différé [30] .<br />
Suppuration intracrânienne<br />
<strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong><br />
• Technique<br />
Lorsque le traitement chirurgical reste indiqué, il ne faut plus<br />
pratiquer l’exérèse, source de dissémination bactérienne <strong>et</strong> de<br />
cicatrice épileptogène [3, 12, 13, 19, 21, 30, 34, 36] , mais une simple ponction<br />
n’évacuant qu’une partie du pus afin d’éviter une hémorragie au<br />
sein de l’abcès. Ces ponctions peuvent être itératives <strong>et</strong> guidées par<br />
l’imagerie [39] .<br />
• Indications de la chirurgie<br />
– En urgence lorsque le volume de l’abcès est tel qu’il entraîne à lui<br />
seul une hypertension intracrânienne menaçante, car une légère<br />
aggravation de l’état clinique est fréquente dans les 48 premières<br />
heures. Quand l’abcès est volumineux <strong>et</strong> l’hypertension<br />
intracrânienne sévère, la ponction perm<strong>et</strong> le r<strong>et</strong>our à une taille<br />
compatible avec un traitement médical [21] . Une hypertension<br />
intracrânienne sévère due à un volumineux œdème entourant un<br />
p<strong>et</strong>it abcès ne justifie en revanche pas le recours à la chirurgie qui<br />
pourrait même être source d’aggravation [30] .<br />
– Dans les volumineux abcès cérébelleux qui peuvent obstruer<br />
brutalement les voies d’écoulement du liquide céphalorachidien [30] .<br />
5
17-485-A-10 <strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong> Neurologie<br />
– En l’absence de certitude diagnostique lorsque la lésion est<br />
superficielle <strong>et</strong> le patient en bon état général. Si la lésion est p<strong>et</strong>ite,<br />
profonde, ou en zone fonctionnelle, un traitement antibiotique<br />
d’épreuve court peut être préférable [30] .<br />
– Si la taille de l’abcès augmente malgré le traitement médical bien<br />
conduit [21] .<br />
La chirurgie doit être la moins invasive possible <strong>et</strong> aidée<br />
éventuellement de la stéréotaxie [39] .<br />
Empyèmes sous-duraux<br />
Classiquement, le traitement des <strong>empyèmes</strong> sous-duraux<br />
<strong>intracrâniens</strong> nécessite l’évacuation chirurgicale d’urgence par un<br />
large vol<strong>et</strong> [2] . Le pronostic reste cependant grevé d’une mortalité de<br />
30 % [2, 17] <strong>et</strong> de fréquentes séquelles [38] . L’expérience du traitement<br />
médical exclusif des abcès <strong>cérébraux</strong> a permis d’envisager le<br />
traitement médical des <strong>empyèmes</strong> [20, 21, 33] . Les modalités de<br />
traitement médical <strong>et</strong> de surveillance sont les mêmes que pour les<br />
abcès, mais le recours aux anticonvulsivants est plus souvent<br />
nécessaire. Cela a permis un plus grand nombre de guérisons sans<br />
séquelle épileptique [21] .<br />
Il est en eff<strong>et</strong> exceptionnel que la gravité du tableau neurologique<br />
soit directement en rapport avec le volume de l’empyème [2, 20, 21] .<br />
C<strong>et</strong> élément fondamental oppose <strong>empyèmes</strong> <strong>et</strong> abcès [30] . Le volume<br />
d’un abcès cérébral peut nécessiter une ponction évacuatrice en<br />
urgence. Cela n’est jamais le cas dans les <strong>empyèmes</strong> : dans la<br />
majorité des observations, le trouble de vigilance est en rapport avec<br />
l’œdème cérébral, l’état de mal convulsif, la thrombophlébite, <strong>et</strong><br />
exceptionnellement, le volume de l’empyème. S’il peut être indiqué<br />
de ponctionner en urgence les abcès <strong>cérébraux</strong> [30] , c<strong>et</strong>te attitude n’est<br />
pas justifiée de façon systématique dans les <strong>empyèmes</strong> sous-duraux.<br />
Dans certaines observations, les patients s’amélioraient sous<br />
traitement médical, alors que le volume de l’empyème augmentait<br />
encore [21] : cela témoigne de l’absence de parallélisme entre le<br />
volume de l’empyème <strong>et</strong> la gravité clinique.<br />
Opérer uniquement pour isoler le germe n’est pas justifié car<br />
l’intervention n’augmente pas toujours les chances d’isolement du<br />
germe [30] . En fait, en dehors de la pathologie iatrogène où l’on<br />
observe souvent des résistances bactériennes, il n’est pas toujours<br />
nécessaire d’isoler le germe [21] .<br />
Empyèmes extraduraux<br />
Si des auteurs préconisent l’intervention chirurgicale en urgence<br />
dans les <strong>empyèmes</strong> extraduraux [42] , nous avons rapporté une<br />
observation démontrant qu’il était également possible de guérir un<br />
empyème extradural par le seul traitement médical.<br />
6<br />
Évolution<br />
ÉVOLUTION FAVORABLE<br />
Avant les antibiotiques, la mortalité était de 90 % [43] . Actuellement,<br />
l’évolution est favorable. Ce progrès est dû aux antibiotiques, à une<br />
technique chirurgicale moins agressive <strong>et</strong> à un diagnostic plus<br />
précoce. Les facteurs de bon pronostic sont l’âge, un diagnostic<br />
précoce, une antibiothérapie adaptée, l’unicité de l’abcès, le p<strong>et</strong>it<br />
volume, une localisation autre qu’au cervel<strong>et</strong> ou au tronc cérébral,<br />
une vigilance normale.<br />
COMPLICATIONS<br />
Dans tous les cas, l’état neurologique peut s’aggraver brutalement,<br />
par un engagement cérébelleux ou une ouverture dans les<br />
ventricules ou les espaces sous-arachnoïdiens. L’hémorragie<br />
spontanée dans l’abcès est rare, mais elle peut se rencontrer après<br />
une ponction évacuatrice.<br />
SÉQUELLES<br />
Séquelles cliniques<br />
La persistance d’un déficit neurologique focal, une hydrocéphalie<br />
communicante <strong>et</strong> une épilepsie, sont les trois séquelles les plus<br />
fréquentes. Des statistiques jamaïcaines récentes font encore état<br />
d’une mortalité de 20 % <strong>et</strong> de 21 % d’épilepsie séquellaire chez les<br />
survivants [9] .<br />
Séquelles radiologiques<br />
Il arrive que des patients chez qui sont réunis les critères de guérison<br />
après une antibiothérapie prolongée gardent une image ronde<br />
cerclée au scanner, sans eff<strong>et</strong> de masse. L’arrêt de l’antibiothérapie<br />
ne s’accompagne pas pour autant de récidive [30] . Il n’y a pas de<br />
critère scanographique formel de la guérison de c<strong>et</strong> abcès.<br />
Néanmoins, il faut exiger l’absence d’eff<strong>et</strong> de masse <strong>et</strong> d’œdème<br />
avoisinant.<br />
Conclusion<br />
Depuis l’introduction des antibiotiques, la gravité des abcès <strong>et</strong> des<br />
<strong>empyèmes</strong> a diminué. Le scanner, puis l’IRM perm<strong>et</strong>tent un diagnostic<br />
plus précoce, une meilleure orientation étiologique <strong>et</strong> une surveillance<br />
de l’évolution des lésions sous traitement. Cela perm<strong>et</strong> de traiter la<br />
plupart des suppurations intracrâniennes, sans recours à la chirurgie,<br />
<strong>et</strong> de diminuer le risque de séquelles épileptiques.
Neurologie <strong>Abcès</strong> <strong>cérébraux</strong> <strong>et</strong> <strong>empyèmes</strong> <strong>intracrâniens</strong> 17-485-A-10<br />
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