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PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR : perpétue depuis plusieurs générations. Elle persiste quel que soit le gouvernement au pouvoir. Elle se manifeste non seulement par de beaux discours pour rassurer systématiquement la population à l’effet que « tout va bien », quelles que soient les contraintes dues aux compressions imposées par le gouvernement ou aux ingérences politiques qui entachent le processus d’approvisionnement ou encore à d’autres comportements similaires, mais aussi en ce qui concerne le soutien public de mesures, de décisions et de missions de toute évidence injustifiées. On peut affirmer par contre que les militaires ont le devoir de servir l’État sans égard aux décisions que ce dernier prend, mais l’histoire et le bon sens montrent que cela est faux. À des moments de grandes tensions, les dirigeants militaires ont posé des gestes politiques afin de remplir leur mission, ou ont défendu avec vigueur leurs opinions auprès des autorités gouvernementales. Ainsi, face à la grave pénurie de soldats constatée à l’automne 1944, les leaders militaires ont quasiment obligé le premier ministre à revenir sur son opposition à l’envoi outre-mer de soldats recrutés en vertu de la Loi sur la mobilisation des ressources nationales. Pendant la crise des missiles cubains en 1962, les forces armées ont décidé d’elles-mêmes de se mettre en état de haute alerte devant la menace nucléaire alors que le premier ministre de l’époque s’était mobilisé dans l’inaction. Au moment de l’unification dans les années 1960, de nombreux leaders militaires ont démissionné plutôt que d’accepter ce qui était de leur avis une politique fondamentalement malavisée. Admettons que ce sont là des cas extrêmes, mais les chefs militaires canadiens seraient certainement capables de dialoguer publiquement avec le gouvernement autrement qu’en menaçant de fermer des bases dans des circonscriptions clés ou de « démanteler l’escadrille des Snowbirds » (l’équipe d’acrobaties aériennes des Forces canadiennes). D’emblée, on considère que les militaires doivent, face à la société, assurer une responsabilité illimitée. En dernier ressort, les militaires doivent être prêts à faire l’ultime sacrifice dans l’exercice de leurs fonctions. Toutefois, au Canada, il n’y a pas de processus systématique qui permettrait aux militaires de contraindre le gouvernement à respecter ses obligations en échange de cette responsabilité illimitée. Exprimé en termes simples, cela signifie qu’aucun contrat social ne lie CHAPITRE 3 Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership militaire au Canada 57

58 CHAPITRE 3 PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR : les militaires au gouvernement, et vice versa. Si le gouvernement décide de lancer des missions pour des raisons essentiellement frivoles ou allant à l’encontre de ses propres principes, ou dangereuses et impliquant des conséquences déraisonnables pour le pays, ou s’il choisit d’imposer un modèle d’équipement non voulu ou de rabaisser les normes d’habitation des militaires, les membres des Forces canadiennes n’ont aucune possibilité légale de s’y objecter, sauf en démissionnant. Mais il n’est pas facile au plan personnel de quitter les forces armées, et si ce recours extrême devait se répandre à un niveau épidémique, il en résulterait un affaiblissement réel des capacités militaires. Il faudra donc trouver d’autres voies que l’obéissance aveugle ou l’acceptation naïve. Or, l’ensemble du leadership militaire canadien refuse de chercher ces nouvelles voies. Pourtant, faute d’agir dans ce sens, les hauts-gradés auront beau réfléchir avec lucidité sur des questions comme la transformation, ou la soi-disant « révolution dans les affaires militaires », ou mettre de l’avant de meilleurs programmes de formation des leaders, leurs efforts resteront vains. On a vu récemment, à maintes occasions, des leaders militaires canadiens applaudir de façon partisane des mesures gouvernementales, mais un des meilleurs exemples est assurément la réponse officielle des Forces canadiennes à la suite du budget fédéral de février 2005, où le gouvernement annonçait l’injection d’une somme supplémentaire de 12 milliards de dollars dans les dépenses militaires pendant la période de 2005 à 2010. Cet engagement financier n’était guère plus qu’une promesse électorale; on promettait d’ajouter environ un demi-milliard de dollars en argent neuf pour l’exercice 2005-2006, et à peu près le même montant pour 2006-2007. En fait, le ministère de la Défense nationale ne recevra pas les fonds promis avant 2007-2008 au plus tôt. Et même là, il n’y a aucune garantie que l’argent sera réellement disponible ou que le gouvernement actuel survivra jusqu’à cette échéance. Les gouvernements du Canada établissent leur budget annuellement; les prévisions d’une année donnée peuvent disparaître l’année suivante. C’est la dure réalité. Pourtant, le ministère de la Défense nationale et le haut commandement des Forces canadiennes ont tous les deux réagi officiellement avec une certaine jubilation. Les autorités militaires ont accepté, assimilé puis retransmis à la population canadienne, comme si c’était un fait Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership militaire au Canada

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CHAPITRE 3<br />

PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR :<br />

les militaires au <strong>gouvernement</strong>, et vice versa. Si le <strong>gouvernement</strong> décide<br />

de lancer des missions pour des raisons essentiellement frivoles ou allant<br />

à l’encontre de ses propres principes, ou dangereuses et impliquant des<br />

conséquences déraisonnables pour le pays, ou s’il choisit d’imposer un<br />

modèle d’équipement non voulu ou de rabaisser les normes d’habitation<br />

des militaires, les membres des Forces canadiennes n’ont aucune<br />

possibilité légale de s’y objecter, sauf en démissionnant. Mais il n’est pas<br />

facile au plan personnel de quitter les forces armées, et si ce recours<br />

extrême devait se répandre à un niveau épidémique, il en résulterait un<br />

affaiblissement réel des capacités militaires. Il faudra donc trouver<br />

d’autres voies que l’obéissance aveugle ou l’acceptation naïve. Or,<br />

l’ensemble <strong>du</strong> leadership militaire canadien refuse de chercher ces<br />

nouvelles voies. Pourtant, faute d’agir dans ce sens, les hauts-gradés<br />

auront beau réfléchir avec lucidité sur des questions comme la transformation,<br />

ou la soi-disant « révolution dans les affaires militaires »,<br />

ou mettre de l’avant de meilleurs programmes de formation des leaders,<br />

leurs efforts resteront vains.<br />

On a vu récemment, à maintes occasions, des leaders militaires<br />

canadiens applaudir de façon partisane des mesures <strong>gouvernement</strong>ales,<br />

mais un des meilleurs exemples est assurément la réponse officielle des<br />

Forces canadiennes à la suite <strong>du</strong> budget fédéral de février <strong>2005</strong>, où le<br />

<strong>gouvernement</strong> annonçait l’injection d’une somme supplémentaire de<br />

12 milliards de dollars dans les dépenses militaires pendant la période de<br />

<strong>2005</strong> à 2010. Cet engagement financier n’était guère plus qu’une<br />

promesse électorale; on promettait d’ajouter environ un demi-milliard<br />

de dollars en argent neuf pour l’exercice <strong>2005</strong>-2006, et à peu près le<br />

même montant pour 2006-2007. En fait, le ministère de la Défense<br />

nationale ne recevra pas les fonds promis avant 2007-2008 au plus tôt.<br />

Et même là, il n’y a aucune garantie que l’argent sera réellement<br />

disponible ou que le <strong>gouvernement</strong> actuel survivra jusqu’à cette<br />

échéance. Les <strong>gouvernement</strong>s <strong>du</strong> <strong>Canada</strong> établissent leur budget<br />

annuellement; les prévisions d’une année donnée peuvent disparaître<br />

l’année suivante. C’est la <strong>du</strong>re réalité.<br />

Pourtant, le ministère de la Défense nationale et le haut commandement<br />

des Forces canadiennes ont tous les deux réagi officiellement avec<br />

une certaine jubilation. Les autorités militaires ont accepté, assimilé<br />

puis retransmis à la population canadienne, comme si c’était un fait<br />

Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership<br />

militaire au <strong>Canada</strong>

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