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PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR : autres, ce n’est pas à eux que vous vous adressez mais à son auditoire, dont le public que vous-même visez. Par exemple à Sarajevo, sous la lumière intense des projecteurs des médias, je donnais parfois des réponses dans l’intention d’atténuer l’inquiétude qu’éprouvaient les familles demeurées au pays pour la sécurité de leurs proches dans le théâtre des opérations. Je parle ici d’un auditoire réparti dans une trentaine de pays à part le Canada. À d’autres occasions, j’envoyais un message clair à l’ONU en général et au Conseil de sécurité en particulier sur un problème donné – habituellement un problème que les responsables concernés avaient négligé d’admettre dans les communications officielles. Je recommande fortement que, avant chaque interview, vous fermiez les yeux un instant et que vous vous demandiez : « Quel est mon auditoire? » Quand vous aurez trouvé la réponse, ne l’oubliez pas pendant le déroulement de l’entrevue. À la règle d’or précédente, s’apparente la nécessité de s’adresser aux médias et à votre auditoire dans un langage qui est à la portée des civils et d’éviter la grandiloquence. Les civils ne comprennent même pas les termes militaires les plus élémentaires, entre autres la désignation des grades. La grande majorité des gens me donnent encore le titre de « major » parce qu’ils pensent que le grade de major est supérieur à celui de général, (je connais un bon nombre de majors qui acquiescent probablement à cette idée), si bien que j’ai renoncé à tenter de donner des explications. Pendant la campagne du Kosovo, j’ai écrit une cinquantaine d’articles sur tous les aspects du conflit. L’un d’eux a mérité plus de commentaires favorables que tous les autres articles réunis. J’y décrivais simplement comment et pourquoi une armée est organisée en groupes C de trois – trois sections dans un peloton, trois pelotons dans une compagnie, etc., pour les besoins de la manoeuvre. J’y décrivais également les grades correspondant à chaque palier de commandement. C’était comme donner le cours « ÉAO [École des aspirants-officiers] – Organisation de l’armée pour débutants ». « Merci beaucoup, je n’ai jamais vraiment compris comment une armée fonctionnait » : voilà quel était le commentaire typique. Tenez pour acquis que votre auditoire ne connaît presque rien de l’organisation militaire. Si votre auditoire compte aussi des soldats, ils comprendront pourquoi vous vous exprimez « en civil ». APPENDICE Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership militaire au Canada 283

284 APPENDICE C PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR : « Ce n’est pas le problème qui vous attire des ennuis, c’est la façon dont vous le gérez » : c’est peut-être un cliché trop souvent utilisé, mais il s’est révélé on ne peut plus vrai au cours des dix dernières années. Comme j’ai moi-même été accusé d’être à la solde des Serbes et d’avoir violé et assassiné un bon nombre d’adolescents bosniaques, je pense que vous pourriez dire que j’ai une certaine expérience de la gestion des catastrophes éventuelles. Le seul moyen d’éviter des accusations de dissimulation ou de culpabilité avant que tous les faits ne soient connus est de dire tout ce que vous savez et de ne pas cacher la vérité par omission ou manipulation. Vous n’avez presque pas besoin d’un apport substantiel de la part d’autres personnes pour vous aider à déterminer ce que vous devez faire. Pendant que votre état major examine la façon d’aborder le problème, vous feriez mieux de vous y attaquer de plein front. En conclusion, il est impossible d’éviter ici et là des faux pas dans vos rapports avec les médias – même si vous n’êtes pas la personne en faute. Je me rappelle un ex-ministre de la Défense nationale (un séparatiste non déclaré à l’époque) qui m’a frotté les oreilles parce que j’avais recommandé une intervention excluant les États-Unis aux premiers jours de la guerre de Bosnie, alors que je comparaissais comme témoin devant le Sénat des États-Unis. J’ai répondu : « Eh bien! Monsieur le Ministre, il se trouve que c’est là la politique de votre gouvernement! » Le ministre a répliqué : « Je le sais, mais nous pourrions changer d’idée et c’est à ce moment que l’Opposition vous citera comme une autorité en la matière! » À une autre occasion, le chef d’état-major de la Défense était mécontent de moi à cause de quelque chose que j’aurais dit, selon un réseau national, lorsque j’étais à Saskatoon le soir précédent son appel téléphonique. Lorsque j’ai expliqué que je n’étais jamais allé à Saskatoon et que je n’avais fait aucune déclaration la veille, il a répondu : « Cela n’a pas d’importance; la CBC a dit que vous étiez là et que les mots cités sont les vôtres ». Si vous utilisez les médias, ils vous donneront occasionnellement un coup de dent, mais les avantages, pour vos soldats, en valent la peine. Selon moi, la plus grande satisfaction que puisse obtenir un leader militaire (autre que celle d’atteindre l’objectif de son commandement sans subir de pertes) est la reconnaissance que lui montrent ses subordonnés pour les avoir soutenus, particulièrement lorsque les choses vont mal et qu’il semble que tout le monde soit contre eux. Il y a bien des façons Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership militaire au Canada

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APPENDICE C<br />

PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR :<br />

« Ce n’est pas le problème qui vous attire des ennuis, c’est la façon dont<br />

vous le gérez » : c’est peut-être un cliché trop souvent utilisé, mais il s’est<br />

révélé on ne peut plus vrai au cours des dix dernières années. Comme<br />

j’ai moi-même été accusé d’être à la solde des Serbes et d’avoir violé et<br />

assassiné un bon nombre d’adolescents bosniaques, je pense que vous<br />

pourriez dire que j’ai une certaine expérience de la gestion des catastrophes<br />

éventuelles. Le seul moyen d’éviter des accusations de dissimulation<br />

ou de culpabilité avant que tous les faits ne soient connus est de<br />

dire tout ce que vous savez et de ne pas cacher la vérité par omission ou<br />

manipulation. Vous n’avez presque pas besoin d’un apport substantiel de<br />

la part d’autres personnes pour vous aider à déterminer ce que vous<br />

devez faire. Pendant que votre état major examine la façon d’aborder le<br />

problème, vous feriez mieux de vous y attaquer de plein front.<br />

En conclusion, il est impossible d’éviter ici et là des faux pas dans vos<br />

rapports avec les médias – même si vous n’êtes pas la personne en faute.<br />

Je me rappelle un ex-ministre de la Défense nationale (un séparatiste<br />

non déclaré à l’époque) qui m’a frotté les oreilles parce que j’avais<br />

recommandé une intervention excluant les États-Unis aux premiers<br />

jours de la guerre de Bosnie, alors que je comparaissais comme témoin<br />

devant le Sénat des États-Unis. J’ai répon<strong>du</strong> : « Eh bien! Monsieur le<br />

Ministre, il se trouve que c’est là la politique de votre <strong>gouvernement</strong>! »<br />

Le ministre a répliqué : « Je le sais, mais nous pourrions changer d’idée<br />

et c’est à ce moment que l’Opposition vous citera comme une autorité<br />

en la matière! » À une autre occasion, le chef d’état-major de la Défense<br />

était mécontent de moi à cause de quelque chose que j’aurais dit, selon<br />

un réseau national, lorsque j’étais à Saskatoon le soir précédent son<br />

appel téléphonique. Lorsque j’ai expliqué que je n’étais jamais allé à<br />

Saskatoon et que je n’avais fait aucune déclaration la veille, il a répon<strong>du</strong><br />

: « Cela n’a pas d’importance; la CBC a dit que vous étiez là et que<br />

les mots cités sont les vôtres ». Si vous utilisez les médias, ils vous donneront<br />

occasionnellement un coup de dent, mais les avantages, pour vos<br />

soldats, en valent la peine.<br />

Selon moi, la plus grande satisfaction que puisse obtenir un leader militaire<br />

(autre que celle d’atteindre l’objectif de son commandement sans<br />

subir de pertes) est la reconnaissance que lui montrent ses subordonnés<br />

pour les avoir soutenus, particulièrement lorsque les choses vont mal et<br />

qu’il semble que tout le monde soit contre eux. Il y a bien des façons<br />

Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership<br />

militaire au <strong>Canada</strong>

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