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PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR : CHAPITRE 9 POINT DE VUE MÉDIAN : UNE POSITION PARTICULIÈREMENT AVANTAGEUSE Scott Taylor En tant qu’ancien soldat et fonctionnaire du ministère de la Défense nationale qui, depuis 17 ans, s’occupe de la revue Esprit de Corps, publiant des articles sur les militaires canadiens et écrivant des livres au sujet de l’état actuel des forces armées canadiennes, il ne serait pas tout à fait juste de prétendre que mes opinions des leaders militaires sont celles d’un observateur externe. Mais il est vrai que la revue Esprit de Corps a toujours fonctionné de façon indépendante sans aucune aide financière du Ministère, et que les commentaires éditoriaux qui y sont exprimés vont souvent à l’encontre des versions officielles fournies par les gros bonnets du Quartier général de la Défense nationale à Ottawa. Au début des années 1990, la revue a servi d’exutoire permettant aux dénonciateurs d’informer les principaux médias des accusations de corruption portées contre des leaders militaires. Grâce à la série d’enveloppes brunes qui nous a été livrée, l’incident somalien survenu en 1993 a dégénéré en un scandale majeur et débouché sur une enquête publique. C’est dans ce contexte que les grands journaux nationaux ont reconnu le rôle unique joué par cette petite revue indépendante. Parmi les diverses formules percutantes employées pour décrire Esprit de Corps, mentionnons « la voix des mécontents » (The Globe and Mail), « une arête dans la gorge des gros bonnets » (Toronto Star), « le fléau des généraux » (Readers Digest) et « l’armée d’un seul homme » (Toronto Sun). En public, les porte-parole militaires tentaient désespérément de dénigrer cette revue en prétextant que ce n’est rien de plus qu’un « fourre-tout » pour assouvir les frustrations de caporaux mécontents. Bien qu’effectivement, nos informations proviennent souvent de militaires touchés directement par les agissements dénoncés, je dois avouer, au risque de révéler les secrets du métier, que les révélations les plus dévastatrices nous ont été transmises par les généraux eux-mêmes. CHAPITRE 9 Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership militaire au Canada 153

154 CHAPITRE 9 PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR : D’ailleurs, cela m’a toujours étonné de voir que les critiques d’Esprit de Corps ne se sont jamais demandé par quel miracle nos informateurs, soi-disant des militaires du rang, ont pu mettre la main sur des documents de politique hautement classifiés et délicats. Et même au point culminant du scandale somalien, lorsque les autorités faisaient circuler parmi les Forces canadiennes des notes de service visant à discréditer la revue et que des généraux ordonnaient aux entrepreneurs faisant affaire avec la Défense de ne plus accorder de contrats publicitaires à Esprit de corps, d’autres officiers haut-gradés ont continué à venir à mon bureau après les heures de travail ou à me rencontrer clandestinement. Qu’il s’agisse de brigadiers, de majors-généraux ou même de lieutenants-généraux, tous nos informateurs ont dit que le refus de leurs supérieurs de dévoiler publiquement des problèmes cruciaux les avait obligés à transmettre les renseignements pertinents aux médias, par le biais d’Esprit de Corps. Une des façons les plus sûres pour nous d’obtenir des exemplaires des documents originaux (et donc de protéger nos sources de haut niveau) était de les réclamer en invoquant la Loi sur l’accès à l’information. Ce processus exigeait beaucoup de temps, et nous devions souvent concevoir des « appâts » pour leurrer les hauts-fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et leur faire croire qu’en réclamant ces informations, nous allions simplement « à la pêche ». Notre patience a fini par porter fruit. En effet, la transmission aux principaux médias de documents internes du Ministère au contenu dévastateur permettait d’étayer nos accusations de corruption, et les journalistes se sont mis à nous faire plus grandement confiance. La vaste collection de notes de service internes, de demandes de remboursement de frais de déplacement, de comptes de frais, etc., accumulée par notre revue a servi de fondement pour le succès de librairie paru en 1996, Tarnished Brass: Crime and Corruption in the Canadian Military, que j’ai rédigé avec la collaboration de Brian Nolan. Les principaux journaux avaient déjà dévoilé sous forme de nouvelles isolées plusieurs des scandales et des actes répréhensibles dénoncés dans Tarnished Brass, mais leur présentation synthétisée dans un recueil a eu pour effet de relancer la tempête médiatique. Les porte-parole de la Défense nationale ont eu beau dénigrer ce livre, le contenu de ce dernier a mérité l’appui d’une autorité tout à fait exceptionnelle. Dans Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership militaire au Canada

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CHAPITRE 9<br />

PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR :<br />

D’ailleurs, cela m’a toujours étonné de voir que les critiques d’Esprit de<br />

Corps ne se sont jamais demandé par quel miracle nos informateurs,<br />

soi-disant des militaires <strong>du</strong> rang, ont pu mettre la main sur des<br />

documents de politique hautement classifiés et délicats. Et même au<br />

point culminant <strong>du</strong> scandale somalien, lorsque les autorités faisaient<br />

circuler parmi les Forces canadiennes des notes de service visant à<br />

discréditer la revue et que des généraux ordonnaient aux entrepreneurs<br />

faisant affaire avec la Défense de ne plus accorder de contrats<br />

publicitaires à Esprit de corps, d’autres officiers haut-gradés ont continué<br />

à venir à mon bureau après les heures de travail ou à me rencontrer<br />

clandestinement. Qu’il s’agisse de brigadiers, de majors-généraux ou<br />

même de lieutenants-généraux, tous nos informateurs ont dit que<br />

le refus de leurs supérieurs de dévoiler publiquement des problèmes<br />

cruciaux les avait obligés à transmettre les renseignements pertinents<br />

aux médias, par le biais d’Esprit de Corps.<br />

Une des façons les plus sûres pour nous d’obtenir des exemplaires des<br />

documents originaux (et donc de protéger nos sources de haut niveau)<br />

était de les réclamer en invoquant la Loi sur l’accès à l’information. Ce<br />

processus exigeait beaucoup de temps, et nous devions souvent concevoir<br />

des « appâts » pour leurrer les hauts-fonctionnaires <strong>du</strong> ministère<br />

de la Défense nationale et leur faire croire qu’en réclamant ces informations,<br />

nous allions simplement « à la pêche ». Notre patience a fini<br />

par porter fruit. En effet, la transmission aux principaux médias de<br />

documents internes <strong>du</strong> Ministère au contenu dévastateur permettait<br />

d’étayer nos accusations de corruption, et les journalistes se sont mis à<br />

nous faire plus grandement confiance.<br />

La vaste collection de notes de service internes, de demandes de<br />

remboursement de <strong>fra</strong>is de déplacement, de comptes de <strong>fra</strong>is, etc.,<br />

accumulée par notre revue a servi de fondement pour le succès de<br />

librairie paru en 1996, Tarnished Brass: Crime and Corruption in the<br />

Canadian Military, que j’ai rédigé avec la collaboration de Brian Nolan.<br />

Les principaux journaux avaient déjà dévoilé sous forme de nouvelles<br />

isolées plusieurs des scandales et des actes répréhensibles dénoncés dans<br />

Tarnished Brass, mais leur présentation synthétisée dans un recueil a eu<br />

pour effet de relancer la tempête médiatique. Les porte-parole de la<br />

Défense nationale ont eu beau dénigrer ce livre, le contenu de ce<br />

dernier a mérité l’appui d’une autorité tout à fait exceptionnelle. Dans<br />

Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership<br />

militaire au <strong>Canada</strong>

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