Voir D2-176-2005-fra.pdf - Publications du gouvernement du Canada

Voir D2-176-2005-fra.pdf - Publications du gouvernement du Canada Voir D2-176-2005-fra.pdf - Publications du gouvernement du Canada

publications.gc.ca
from publications.gc.ca More from this publisher
25.06.2013 Views

PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR : Le jeune adolescent venait d’être privé d’une carrière brillante à coup sûr, mais la politique stipulait qu’une personne ainsi blessée ne méritait même pas un dédommagement. Nous avons eu quelques conversations téléphoniques peu après l’accident, pendant que Martin gisait sur son lit d’hôpital, arrivant à supporter la douleur affreuse uniquement grâce à la morphine. Il a dit qu’il demeurait loyal envers l’armée qu’il chérissait, mais il s’est rendu à l’évidence de la dure réalité de ses capacités physiques réduites. À une occasion où je l’ai appelé, il était de bien meilleure humeur. Le major-général Bruce Jeffries, à l’époque commandant du Secteur de l’Ouest de la Force terrestre, venait de lui rendre visite. Les paroles entendues au cours de cette conversation privée avaient réconforté Martin. L’aspect le plus révélateur à propos de ce genre de visite, un devoir moral pour tous les leaders militaires, ce sont les remarques de Martin à l’effet que Jeffries « me regardait droit dans les yeux » et « n’était pas pressé de partir ». Au fait, Jeffries s’est mérité le titre de commandant de la « brigade Gatorade » quand il a transposé sa politique de « pas d’alcool lors des manoeuvres » de la Base des Forces canadiennes à Petawawa jusqu’en Bosnie puis à Edmonton. Comme on pouvait s’y attendre, il y a eu des grincements de dents et des grognements parmi les rangs. Tout ce que j’en pense, c’est que ce genre de politique aurait été de mise la fois où j’ai survolé les steppes d’Ukraine à bord d’un avion militaire. J’étais assise à côté du pilote dans le cockpit lorsqu’on lui a tendu une bouteille de vodka à 45 p. 100 d’alcool. Il en a bu une gorgée, puis plusieurs autres gorgées avant de m’offrir la bouteille. J’ai enfreint ma propre règle qui m’interdit de boire durant le travail et je l’ai imité, seulement parce que je ne voulais ressentir aucune douleur au moment de l’écrasement prévisible. 8 Néanmoins, on ne peut que s’interroger sur les raisons pour lesquelles les leaders ont tellement tardé avant de corriger une injustice aussi flagrante pour les soldats devenus handicapés en accomplissant leur devoir. S’ils craignaient que les Canadiens ne voient d’un mauvais oeil le versement d’indemnités à des soldats mutilés, c’est qu’ils se trompaient honteusement sur toute la ligne. Tout au long de sa lutte frustrante et souvent démoralisante, Henwood, toujours gentilhomme, a maintenu le cap en demeurant résolu, n’ayant pas peur de combattre pour une juste cause, pour lui-même et pour le bénéfice des autres. CHAPITRE Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership militaire au Canada 133

134 CHAPITRE 8 PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR : Si ces qualités ne sont pas la marque distinctive des bons leaders militaires, qu’est-ce que ça prend alors? Cependant, les Canadiens ne sont pas tous des gentilshommes. Dans l’ensemble de mes contacts avec des militaires, je n’ai jamais rencontré de type en uniforme qui s’est conduit de façon aussi ignorante et grotesque qu’un ambassadeur canadien en Bosnie. Alors que les soldats canadiens s’éreintaient et suaient à aider la population locale, ce personnage, avec son attitude de supériorité, menait la grande vie à Sarajevo, et ne se montrait guère diplomate à ce sujet. Au cours d’un souper, un journaliste étranger lui a demandé ce qu’il souhaiterait faire pour se divertir à Sarajevo. Il y avait à la table des résidants locaux qui avaient perdu leurs biens, des êtres chers et des amis et qui avaient survécu à un véritable enfer. Monsieur l’Ambassadeur a répondu qu’il aimerait jouer au tennis, mais qu’il ignorait s’il restait des courts laissés intacts par les bombardements. Une journaliste bosniaque du nom de Nina, qui avait souffert de terribles pertes durant la guerre, a répliqué qu’on avait transformé les courts de tennis en cimetière. Rejetant la tête en arrière, l’ambassadeur a ricané en disant d’une voix flûtée : « Eh bien, je suppose que je ne jouerai pas au tennis ». Après avoir entendu cette réflexion cynique, Nina avait les larmes aux yeux. J’ai eu honte d’être Canadienne. Je n’ai jamais rencontré de soldat qui m’ait fait aussi honte. Cet ambassadeur n’avait certainement pas la trempe d’un leader. Pendant plusieurs décennies, les experts qui tentaient de relever les caractéristiques du leadership ont rédigé des documents de fond sur le sujet. On s’entend généralement sur le fait qu’il existe des interactions complexes entre le leader, les subordonnés et la situation. Exprimé en termes simples, les leaders définissent des tâches et placent les subordonnés dans des situations données, comme les missions de maintien de la paix et d’établissement de la paix pour lesquelles on déploie des militaires canadiens. Mais dans quelle mesure cela se fait-il au détriment des braves soldats obéissants et dévoués que les leaders envoient en mission aussi volontiers? De nombreux militaires canadiens ont été soumis à de dures épreuves simplement parce que les leaders, installés confortablement chez eux et en toute sécurité dans leurs bureaux, ne se souciaient pas de la situation sort de ces militaires ou, Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership militaire au Canada

134<br />

CHAPITRE 8<br />

PERSPECTIVES DE L’EXTÉRIEUR :<br />

Si ces qualités ne sont pas la marque distinctive des bons leaders<br />

militaires, qu’est-ce que ça prend alors?<br />

Cependant, les Canadiens ne sont pas tous des gentilshommes. Dans<br />

l’ensemble de mes contacts avec des militaires, je n’ai jamais rencontré<br />

de type en uniforme qui s’est con<strong>du</strong>it de façon aussi ignorante et<br />

grotesque qu’un ambassadeur canadien en Bosnie. Alors que les soldats<br />

canadiens s’éreintaient et suaient à aider la population locale, ce<br />

personnage, avec son attitude de supériorité, menait la grande vie à<br />

Sarajevo, et ne se montrait guère diplomate à ce sujet. Au cours d’un<br />

souper, un journaliste étranger lui a demandé ce qu’il souhaiterait faire<br />

pour se divertir à Sarajevo. Il y avait à la table des résidants locaux qui<br />

avaient per<strong>du</strong> leurs biens, des êtres chers et des amis et qui avaient<br />

survécu à un véritable enfer. Monsieur l’Ambassadeur a répon<strong>du</strong> qu’il<br />

aimerait jouer au tennis, mais qu’il ignorait s’il restait des courts laissés<br />

intacts par les bombardements.<br />

Une journaliste bosniaque <strong>du</strong> nom de Nina, qui avait souffert de<br />

terribles pertes <strong>du</strong>rant la guerre, a répliqué qu’on avait transformé les<br />

courts de tennis en cimetière. Rejetant la tête en arrière, l’ambassadeur<br />

a ricané en disant d’une voix flûtée : « Eh bien, je suppose que je ne<br />

jouerai pas au tennis ». Après avoir enten<strong>du</strong> cette réflexion cynique,<br />

Nina avait les larmes aux yeux. J’ai eu honte d’être Canadienne. Je n’ai<br />

jamais rencontré de soldat qui m’ait fait aussi honte.<br />

Cet ambassadeur n’avait certainement pas la trempe d’un leader.<br />

Pendant plusieurs décennies, les experts qui tentaient de relever les<br />

caractéristiques <strong>du</strong> leadership ont rédigé des documents de fond sur le<br />

sujet. On s’entend généralement sur le fait qu’il existe des interactions<br />

complexes entre le leader, les subordonnés et la situation. Exprimé<br />

en termes simples, les leaders définissent des tâches et placent les<br />

subordonnés dans des situations données, comme les missions de<br />

maintien de la paix et d’établissement de la paix pour lesquelles on<br />

déploie des militaires canadiens. Mais dans quelle mesure cela se fait-il<br />

au détriment des braves soldats obéissants et dévoués que les leaders<br />

envoient en mission aussi volontiers? De nombreux militaires canadiens<br />

ont été soumis à de <strong>du</strong>res épreuves simplement parce que les leaders,<br />

installés confortablement chez eux et en toute sécurité dans leurs<br />

bureaux, ne se souciaient pas de la situation sort de ces militaires ou,<br />

Opinions de journalistes et d’analystes de la Défense sur le leadership<br />

militaire au <strong>Canada</strong>

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!