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BENICARLÓ Et son Parador<br />

Benicarló: Des Territoires<br />

Marginaux Insoupçonnés<br />

D<br />

“...De toutes parts on<br />

Respire un air pur Et notre espèce<br />

Prolonge la vie avec Force… Le climat<br />

Est très différent même<br />

A de courtes distances...<br />

Cabanil<strong>le</strong>s. Siglo xviii<br />

es géographies ancestra<strong>le</strong>s et d’autres accidents historicobelliqueux<br />

ont engendré des territoires (« maestrazgos ») très<br />

différents : l’historique, l’anthropologique, <strong>le</strong> gastronomique, celui de<br />

Castellon ainsi que celui de Teruel… Le touristique même, suivant <strong>le</strong> point<br />

de vue toujours discutab<strong>le</strong> que l’historien, l’homme politique et même <strong>le</strong><br />

voyageur décideront d’adopter : Un « maestrazgo » aussi beau que rude,<br />

proche et protégé par <strong>le</strong>s déserts de Teruel ou <strong>le</strong>s cols de Morella ; et un<br />

autre Bas « maestrazgo », aux terres marines plus clémentes, situé dans<br />

des paysages bien différents plantés d’oliviers et d’amandiers.<br />

A moins de trente kilomètres du Parador gouverne Sant Mateu (saint<br />

Matthieu). El<strong>le</strong> doit son statut de capita<strong>le</strong> commercia<strong>le</strong>, politique et<br />

culturel<strong>le</strong> et son rô<strong>le</strong> tout aussi capital … à des mérites personnels comme<br />

nous allons immédiatement <strong>le</strong> vérifier. Des paysages extrêmes aux vies<br />

inhospitalières et aux séjours aimab<strong>le</strong>s : des romances marines sentant bon<br />

la f<strong>le</strong>ur d’oranger et <strong>le</strong>s amandiers en f<strong>le</strong>urs sur des montagnes et des<br />

rochers brisés. Des cultures de la terre d’argi<strong>le</strong> dans des grottes peintes<br />

d’hommes et d’animaux. Mirac<strong>le</strong>s abâtardis d’Ibères, de Romains, de<br />

Carthaginois et de Maures chrétiens ; de Chrétiens renégats. Opu<strong>le</strong>nts<br />

Templiers. Châteaux aux croix de pierre et ermitages de figuiers, d’oliviers<br />

et de norias.<br />

Refuges de papes falsificateurs excommuniés pour <strong>le</strong>ur arrogance ; de<br />

saints divinisés par des prodiges, des processions et des mirac<strong>le</strong>s. Guérillas<br />

de carlistes fâchés par <strong>le</strong>ur héritage, et guerres plus récentes entre de<br />

méchants vertueux et de gentils pécheurs. Ardents « maestrazgos » aux<br />

contrastes millénaires. Rudes « maestrazgos » aux épines flétries et aux<br />

douces déceptions : des hommes offensés, aimab<strong>le</strong>s et oubliés…<br />

Pour <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur qui se contente d’images, cel<strong>le</strong> de ces régions sera toujours<br />

conforme a ses voeux: plages remplies jusqu'a l’écoeurement de bikinis<br />

invisib<strong>le</strong>s jusqu’aux terres et aux montagnes parsemées de châteaux<br />

gisants d’histoires et de gothique flamboyants ou d’ermitages aux terres<br />

maraîchères. S’il est décidé, il trouvera de tout sur ces territoires qui ont un<br />

peu et beaucoup de Castellón et aussi un peu de Teruel. Depuis toujours,<br />

ces terres ont mérité <strong>le</strong>s regards et <strong>le</strong>s séjours gourmands de voyageurs<br />

illustres et de brillants passants.<br />

A la fin du XVIIIe sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> notab<strong>le</strong> Cabanil<strong>le</strong>s se mit à parcourir ces<br />

contrées qui deviendraient bientôt la propriété de l’Ordre de la Cheval<strong>le</strong>rie<br />

de Montesa et qu’il décrivit ainsi: « …ce sont des monts arides,<br />

généra<strong>le</strong>ment incultivab<strong>le</strong>s et réservés au pâturage ; <strong>le</strong> reste se partage en<br />

vallées et en plaines assez ferti<strong>le</strong>s, bien que privées d’irrigation. Partout on<br />

respire un air pur, et notre espèce prolonge la vie avec force. Le climat est<br />

très différent même à une courte distance : froid près de Peñagolosa et des<br />

monts de Cervera, Culla, Ares et Benafigos ; et au contraire tempéré et<br />

délicieux sur <strong>le</strong>s plaines de Benicarló, Vinaroz et Alcalá. Dans la plupart de<br />

ces vil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s vendanges sont riches et appréciées ; puis viennent la<br />

fabrication de l’hui<strong>le</strong> d’olive et la récolte des caroubes. Cette terre regorge<br />

de figues, de miel, de soie, de fruits délicats, de laine et de troupeaux… »<br />

BENICARLÓ ET SON PARADOR<br />

1


Quoi qu’il en soit, <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur ne doit pas se satisfaire de vaines rhétoriques; il<br />

doit pénétrer au plus profond des temps aujourd’hui présents sur ces<br />

géographies joliment inéga<strong>le</strong>s, immensément riches de <strong>le</strong>urs cultures, <strong>le</strong>urs<br />

arts et <strong>le</strong>urs paysages.<br />

Les vertes et arides brèches de Forcall ; <strong>le</strong>s a<strong>le</strong>ntours du pittoresque<br />

Benasal, commercial et estival ; et <strong>le</strong>s environs de la charmante Morella, où<br />

l’on peut chercher et trouver <strong>le</strong>s premiers grands-parents ibères de ces<br />

peup<strong>le</strong>s du <strong>le</strong>vant espagnol, de Teruel presque, que <strong>le</strong>s Romains appelaient<br />

« I<strong>le</strong>rcavones » lorsqu’ils passèrent par ici il y au moins plus de vingt-cinq<br />

sièc<strong>le</strong>s. Ils vivaient dans des maisons en pisé aux toits recouverts de<br />

branchages, peintes avec de la terre rouge et ocre. Ils étaient bergers, potiers<br />

et guerriers et ils enterraient <strong>le</strong>urs morts ornés d’amu<strong>le</strong>ttes protectrices et de<br />

bijoux en bronze. Ils se nourrissaient de cerfs et de chevreuils qu’ils<br />

chassaient pour en tanner <strong>le</strong>s peaux et, déjà, ils savaient garder en<br />

troupeaux <strong>le</strong>urs chèvres et <strong>le</strong>urs moutons.<br />

De Tortueux Passés Aux<br />

Futurs Heureux<br />

’après l’avis d’experts chevronnés, tous ces environs sont nés sur<br />

D des colonies ibériques ancestra<strong>le</strong>s: à « La Tossa » et au « Puig<br />

de Nau », vers <strong>le</strong>s Ve et VIe sièc<strong>le</strong>s avant notre ère. Ces endroits étaient<br />

entourés d’une murail<strong>le</strong>, comme pourra en partie <strong>le</strong> vérifier <strong>le</strong> visiteur sur<br />

<strong>le</strong>s pourtours de la vil<strong>le</strong>.<br />

Le « Puig de la Nau » baptise une modeste mais orgueil<strong>le</strong>use montagne<br />

se dressant autant qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong> peut vers <strong>le</strong> nord, proche du lit du ravin<br />

d’Aguaoliva, limite claire et naturel<strong>le</strong> de Vinaroz et Benicarló. A<br />

proximité, vers l’orient, on conserve des restes et des vestiges des tous<br />

premiers habitants.<br />

Cette première colonie avait des rues au tracé horizontal ; certaines étaient<br />

adaptées au tracé de la montagne et d’autres grimpaient vers la murail<strong>le</strong>.<br />

Quelques murs imperturbab<strong>le</strong>s de ces orgueil<strong>le</strong>ux urbanismes passés<br />

survivent encore.<br />

Depuis trente ans, des fouil<strong>le</strong>s successives mettent à nu ces terrains et font<br />

apparaître une intéressante succession d’habitats datant de la fin de l’âge<br />

du bronze : du VIIIe au Ve sièc<strong>le</strong> avant notre ère. C’est à l’aube du IVe<br />

sièc<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s cultures ibériques de Puig de la Nau jouiront de plus grandes<br />

sp<strong>le</strong>ndeurs ; on conserve miracu<strong>le</strong>usement de nombreux vestiges pour la<br />

plus grande admiration du visiteur curieux.<br />

Les restes archéologiques révélant des contacts ferti<strong>le</strong>s avec des peup<strong>le</strong>s<br />

méditerranéens comme <strong>le</strong>s Phéniciens, <strong>le</strong>s Puniques et <strong>le</strong>s Grecs est encore<br />

plus nombreux.<br />

Il y a même des restes encore plus anciens qui obligent à établir de claires<br />

similitudes avec <strong>le</strong>s habitats protohistoriques des « campos de Urnas »<br />

(<strong>le</strong>s champs d’urnes) correspondant à la fin de l’Age du bronze du <strong>le</strong>vant<br />

espagnol.<br />

C’est à partir du VIe sièc<strong>le</strong> av. J.-C. que débarqueront <strong>le</strong>s navires grecs<br />

apportant marchandises, techniques, technologies, langues, idéologies,<br />

croyances et autres ferti<strong>le</strong>s mythologies… Concrètement, Ampurias put se<br />

vanter d’un enviab<strong>le</strong> commerce exportateur de manufactures, comme la<br />

céramique si particulière d’Atica, dont <strong>le</strong> « Puig de la Nau » montre e<br />

d’importants exemp<strong>le</strong>s comme celui du Peintre de Pentesi<strong>le</strong>a (el Pintor de<br />

Pentesi<strong>le</strong>a).<br />

Le Puig de Benicarló<br />

C<br />

e Parador est installé sur une confortab<strong>le</strong> plaine côtière au<br />

climat doux, à proximité de Vinarós, Benicarló et Peñíscola.<br />

Terres et mers agréab<strong>le</strong>s s’il en est. Ces parages sont protégés par l’aimab<strong>le</strong><br />

montagne. L’î<strong>le</strong> du Puig de la Nau s’élève à un peu plus de 160 mètres audessus<br />

du niveau de la mer.<br />

Ces hauteurs crétacées furent dominées par l’ermitage des Saint-Martyrs<br />

(ermita de los Santos Mártires) vers <strong>le</strong> XIXe sièc<strong>le</strong>. Juste en dessous on<br />

conserve encore des restes des pierres, taillées ou non, nécessaires à la<br />

construction du port de Benicarló, curieux village ibérique très bien<br />

conservé dont la va<strong>le</strong>ur est exceptionnel<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s curieux et <strong>le</strong>s<br />

chercheurs taciturnes de ces cultures ibériques.<br />

Les savants évaluent au nombre de mil<strong>le</strong> cinq cent <strong>le</strong>s habitants qui<br />

vivaient là, dans trois cents maisons.<br />

Malgré <strong>le</strong>s excavations dévastatrices pratiquées dans ces carrières, on<br />

conserve encore environ vingt maisons et enceintes qui donnent au visiteur<br />

une petite idée de ce qu’était ce village.<br />

La reconnaissance historique accordera au village de « Puig de Benicarló<br />

»une très grande importance.<br />

Conspirations, Complots et<br />

Autres Accords<br />

H<br />

istoriquement, tous <strong>le</strong>s Paradors ont connu des histoires<br />

curieuses et même terrifiantes. On en trouve d’innombrab<strong>le</strong>s<br />

exemp<strong>le</strong>s et témoins ; au grand plaisir ou à la grande tristesse de ses<br />

notab<strong>le</strong>s clients. Nous en trouvons d’innombrab<strong>le</strong>s exemp<strong>le</strong>s et témoins,<br />

dans tous, ou presque.<br />

BENICARLÓ ET SON PARADOR<br />

2


Celui-ci – ni définitif ni définissab<strong>le</strong> – fut aussi <strong>le</strong> témoin de certaines<br />

réunions très énigmatiques, bien qu’occasionnel<strong>le</strong>s, de situations<br />

surprenantes si on <strong>le</strong>s regarde d’un point de vue actuel…<br />

Il faut que <strong>le</strong> visiteur sache et apprécie, même si sa curiosité doit en<br />

souffrir ou <strong>le</strong> regretter, que ces lieux de séjour ont vécu<br />

exceptionnel<strong>le</strong>ment des circonstances crucia<strong>le</strong>s qui auraient pu faire ou<br />

défaire l’histoire d’Espagne :<br />

Comme lorsqu’une partie du soulèvement franquiste convoqua dans cet<br />

établissement une réunion d’urgence ; ces militaires dirigés par Milan del<br />

Bosch, qui iront jusqu’à sortir <strong>le</strong>s tanks dans <strong>le</strong>s rues, jusqu’à terroriser <strong>le</strong>s<br />

civils et <strong>le</strong>s civilisés. Immédiatement, la rébellion sera contenue et annulée<br />

par <strong>le</strong> monarque Juan Carlos Ier lui-même.<br />

Ces lieux de séjours furent aussi <strong>le</strong>s témoins exceptionnels de graves<br />

décisions que <strong>le</strong> président de la République don Manuel Azaña allait<br />

consigner par écrit depuis ces parages de Benicarló, comme un testament<br />

à la suite de ladite « veillée de Benicarló » : cela reste un document<br />

historico-politique essentiel pour l’Espagne contemporaine…<br />

Le Benicarló d’aujourd’hui, plagiste et heureux– où <strong>le</strong> voyageur avisé<br />

choisira peut-être <strong>le</strong> confort du Parador – présente <strong>le</strong>s traits singuliers<br />

d’une colonie ibère, dont <strong>le</strong>s pierres ont été utilisées pour comb<strong>le</strong>r <strong>le</strong> port,<br />

il n’y a pas si longtemps. Sur <strong>le</strong>s trois cents habitations que <strong>le</strong> village a<br />

comptées, il en reste une vingtaine qui tiennent à peine debout; hameçons,<br />

éping<strong>le</strong>s à nourrice, moulins à mains pour faire la farine, restes de métiers<br />

à tisser… Le musée de préhistoire et d’histoire de la vil<strong>le</strong> abrite l’une des<br />

col<strong>le</strong>ctions sur la culture ibérique parmi <strong>le</strong>s plus importantes de toute la<br />

péninsu<strong>le</strong>.<br />

Lorsque <strong>le</strong>s légions romaines arrivèrent sur ces terres, el<strong>le</strong>s trouvèrent des<br />

guerriers insoumis : deux cents ans avant notre ère ou même avant,<br />

Indibil et Mandonio luttèrent avec et contre <strong>le</strong>s Carthaginois et <strong>le</strong>s<br />

Romains. A la fin, <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s insoumis furent égorgés. La Via Augusta<br />

traversait <strong>le</strong> « maestrazgo », peut-être par <strong>le</strong> long de la côte. Les épaisses<br />

voies secondaires se firent routes il y a seu<strong>le</strong>ment deux sièc<strong>le</strong>s. On<br />

conserve une borne de Trajan à Traiguera, <strong>le</strong> remarquab<strong>le</strong> arc de Cabanes<br />

sur la plaine haute (la Plana Alta) et de nombreuses et précieuses<br />

trouvail<strong>le</strong>s parsemées ici ou là au cours des sept sièc<strong>le</strong>s de <strong>le</strong>ur présence.<br />

Le « maestrazgo » fut maure pendant l’espace<br />

d’un millénaire et aujourd’hui encore il ne<br />

renonce pas à ses savoirs musulmans. Ce peup<strong>le</strong><br />

répartit cultures et sp<strong>le</strong>ndeurs ; légendes, gènes,<br />

casbahs et raffinements alors luxuriants. Mais surtout,<br />

c’est ici même qu’il inventa comment faire venir<br />

surgir l’eau de ce qui alors n’était qu’un dessert:<br />

la noria est l’engin miracu<strong>le</strong>ux des vergers qui<br />

étonnèrent tant l’insigne Cabanil<strong>le</strong>s : « …<strong>le</strong><br />

sol ingrat et presque stéri<strong>le</strong> se transforme en<br />

vergers produisant tout ce que désire <strong>le</strong><br />

propriétaire, sans autre eau que cel<strong>le</strong> que l’on<br />

sort de puits assez profonds à la force des<br />

chevaux… ». Les chroniqueurs du XVIe sièc<strong>le</strong><br />

racontent aussi qu’il y avait à Benicarló « plus de quatre cents<br />

norias de puits d’eau. Et au moins autant à Vinaros… », et el<strong>le</strong>s ont<br />

fonctionné jusqu’à il y a moins d’un sièc<strong>le</strong>. Ces « sénias » irriguent<br />

encore <strong>le</strong> langage quotidien : « Qui té sénia i dona, no té hora bona ».<br />

Le Cid:<br />

Une Opposition Fulgurante<br />

E<br />

u cours du premier millénaire, <strong>le</strong> Cid constitua une opposition<br />

fulgurante et libératrice, ambitieux « campeador » (guerrier)<br />

sur <strong>le</strong>s terres de Burriana et de Morella, d’après <strong>le</strong>s recherches de<br />

Menéndez Pidal et comme on <strong>le</strong> chante dans certaines romances : « Il a<br />

conquis toutes <strong>le</strong>s terres de Burriana ». Après des tentatives véniel<strong>le</strong>s mais<br />

persistantes, arrive un Aragonais obsédé par <strong>le</strong>s croix et <strong>le</strong>s conquêtes.<br />

Jaime Ier sera <strong>le</strong> roi « conquérant » de Burriana, puis de tout <strong>le</strong> reste,<br />

dans la troisième partie du XIIIe sièc<strong>le</strong>. Certaines mauvaises langues<br />

affirment que seul, il n’aurait pu accomplir ce mirac<strong>le</strong> et qu’il aurait reçu<br />

l’aide et l’argent des Templiers, de croisés et de riches chevaliers, et<br />

d’évêques puissants accordant bul<strong>le</strong>s et argent, propre et étranger.<br />

Très vite, <strong>le</strong>s chevaliers visionnaires, <strong>le</strong>s moines et <strong>le</strong>s guerriers obtiendront<br />

un énorme pouvoir économique et politique protégé sous la protection des<br />

papes, des monarques et des fidè<strong>le</strong>s à la fortune généreuse. Au XIIIe sièc<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong> Temp<strong>le</strong> sera une corporation multinationa<strong>le</strong> pionnière et pas si pieuse.<br />

L’ordre possédait plus de vingt mil<strong>le</strong> membres permanents et une rente<br />

annuel<strong>le</strong> de plus de cinquante millions de francs. Ils étaient <strong>le</strong>s mécènes et<br />

<strong>le</strong>s banquiers de monarques et de pontifes. C’était une Eglise et un Etat<br />

parallè<strong>le</strong>s à l’intérieur de l’Eglise et de l’Etat. L’ordre posséda jusqu’à<br />

trente-six châteaux et avait <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> total sur <strong>le</strong> stratégique marché du<br />

sel à travers <strong>le</strong>s salines de Peñíscola et de Burriana.<br />

L’envie et la jalousie allaient en finir avec ce pouvoir démesuré : au XVIe<br />

sièc<strong>le</strong>, l’ordre fut dissout de manière fulminante à la demande et sur <strong>le</strong>s<br />

prières que des monarchies inquiètes adressèrent au pontife romain. Les<br />

mauvaises langues accusèrent <strong>le</strong>s frères d’hérésie et de pratiquer d’étranges<br />

rites agnostiques et hermétiques, mais <strong>le</strong> problème ne fut pas résolu pour<br />

autant. Le roi Jaime II, en accord avec <strong>le</strong> pape, forma l’ordre de Montesa,<br />

qui fut dotés d’un grand nombre de terres <strong>le</strong>s rendant fidè<strong>le</strong>s à vie ainsi<br />

que <strong>le</strong>urs avoirs. Le « maestrazgo » était alors un sp<strong>le</strong>ndide domaine,<br />

respecté et honoré par <strong>le</strong>s rois et <strong>le</strong>s pontifes. Philipe II aura<br />

même la distinction de « Gran Maestre ».<br />

Dès lors, <strong>le</strong>s rois déléguèrent <strong>le</strong> gouvernement de Montesa aux lieutenants<br />

généraux. Les délégués royaux avaient <strong>le</strong>ur cour à Sant Mateu, et tels des<br />

vice-rois, « ils étaient reçus sous un dais au son des cloches… ». De cette<br />

époque durab<strong>le</strong> et heureuse, Sant Mateu conserve des exemp<strong>le</strong>s<br />

remarquab<strong>le</strong>s dont il peut tirer fierté: l’église archipresbytéra<strong>le</strong>, une ?uvre<br />

gothique singulière ; la mairie (ayuntamiento) aux accents mudéjares ; la<br />

maison des Buriel (casa de los Buriel), éga<strong>le</strong>ment gothique.<br />

BENICARLÓ ET SON PARADOR<br />

3


Et une multitude de merveil<strong>le</strong>s de la renaissance : <strong>le</strong> palais plateresque<br />

des marquis de Villores, l’ermitage de la Vierge des Anges (ermita de la<br />

Virgen de los Ánge<strong>le</strong>s), la Tour du Colombier (la Torre del Palomar)… et<br />

même un précieux calice gothique offert par <strong>le</strong> pape Luna, qui alluma ces<br />

régions d’une ferveur spectaculaire avec de l’encens et des mirac<strong>le</strong>s, au<br />

XIVe sièc<strong>le</strong> et durant une bonne partie du sièc<strong>le</strong> qui allait suivre.<br />

Les liens profonds qui unissaient <strong>le</strong>s croyants avec <strong>le</strong> pouvoir<br />

provoquèrent un schisme avec <strong>le</strong> pape en occident, à la singulière<br />

invocation de toutes ces terres et du Saint Siège, au château de Peñíscola.<br />

Pedro de Luna fut nommé l’infaillib<strong>le</strong> Benoît XIII. Il abreuva ces âmes<br />

d’illusions et de ferveurs renouvelées, d’abord avec Vicente Ferrer, saint<br />

perpétuel et prodigieux, sur ces chemins et sur bien d’autres. Le voyageur<br />

pourra entendre que c’est à Morella même qu’eut lieu la scène<br />

miracu<strong>le</strong>use ou la mère ayant fait rôtir son bébé <strong>le</strong> servit comme un plat<br />

exquis au saint qui <strong>le</strong> ressuscita. Il démasqua <strong>le</strong> diab<strong>le</strong> usurpateur plus<br />

d’une fois et fit jaillir de la source de Traiguera une eau infinie et sainte,<br />

que <strong>le</strong> marcheur fera bien de goûter…<br />

Le pape hétérodoxe installa son siège missionnaire et courtisan à Sant<br />

Mateu et exerça la charge de « Gran Maestre de Montesa ». Toutes <strong>le</strong>s<br />

vil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s hameaux et <strong>le</strong>s châteaux de ces « maestrazgos » appartenaient<br />

à l’Etat pontifical.<br />

On finit enfin par faire la lumière sur ces agissements: Pedro de Luna finit<br />

ses jours au château de Peñíscola, déclaré antipape et banni pour hérésie<br />

et sorcel<strong>le</strong>rie, même s’il fut toujours soutenu par la ferveur de ses ouail<strong>le</strong>s.<br />

Il entra même dans l’histoire grâce au bénéfice réconfortant du doute<br />

qu’un historien amer lui octroya : «…personne ne pourra découvrir une<br />

seu<strong>le</strong> erreur dans son argumentation, ni une indignité dans sa<br />

conscience… »<br />

Avec <strong>le</strong> temps et <strong>le</strong>s démocraties modernes, <strong>le</strong>s affaires de l’ordre de<br />

Montesa tombèrent dans <strong>le</strong> puits spoliateur de la désamortisation. Le<br />

domaine brillant et tout-puissant deviendra une corporation honoris<br />

causa. Alphonse XIII sera encore « Gran Maestre » et administrateur à<br />

vie de l’ordre, mais la République mettra fin aux bel<strong>le</strong>s épopées de<br />

chevaliers si protecteurs.<br />

Au sièc<strong>le</strong> dernier, ces montagnes seront encore <strong>le</strong> théâtre moderne<br />

d’exploits guerriers et carlistes pendant une cinquantaine d’années. Le<br />

général Cabrera fut <strong>le</strong> redouté « Tigre de tout <strong>le</strong> Maestrazgo », lieutenant<br />

général d’Aragon, de Va<strong>le</strong>nce et de Murcie, retranché à Cantavieja, et <strong>le</strong>s<br />

fermiers « masoveros » <strong>le</strong>s plus endurcis se souviennent encore des<br />

guérillas vaines des « maquis » , dans ces beaux recoins avides et ferti<strong>le</strong>s.<br />

Des Tab<strong>le</strong>s Exquises,<br />

Simp<strong>le</strong>s et Abondantes<br />

L<br />

e <strong>le</strong>cteur, jamais tout à fait rassasié, <strong>le</strong> sait ou <strong>le</strong> suppose: il<br />

trouvera dans ces « maestrazgos » des tab<strong>le</strong>s variées à des prix<br />

raffinés ou de savoureux plats simp<strong>le</strong>s et abondants : des poissons<br />

excel<strong>le</strong>nts et des fruits de mer de Peñíscola, de Benicarló, de Vinarós… ;<br />

ou, plus dans <strong>le</strong>s terres, des délices de viandes et de fruit ou de légumes.<br />

« L’olla » (la cassero<strong>le</strong>) est un rite obligé et parcimonieusement accompli,<br />

<strong>le</strong> résultat d’une habi<strong>le</strong> composition de viandes d’agneau, de veau, de<br />

lard… accompagnées de riz et de légumes. La « carn d’olla » et <strong>le</strong> «<br />

putxero » en sont des variantes excel<strong>le</strong>ntes.<br />

La paella est pluriel<strong>le</strong> et de factures particulières : avec des côte<strong>le</strong>ttes de<br />

porc et un peu de pou<strong>le</strong>t et de lapin ; à base de légumes, de poissons et de<br />

fruits de mer. Un peu de tout, tout ensemb<strong>le</strong> en respectab<strong>le</strong> compagnie.<br />

A n’importe quel<strong>le</strong> heure et entre <strong>le</strong>s repas, des olives (aceitunas). Seu<strong>le</strong>s<br />

ou en salade. Vertes, vio<strong>le</strong>ttes et noires… Assaisonnées, en<br />

accompagnement d’autres plats…<br />

Dans n’importe quel<strong>le</strong> vil<strong>le</strong> de la côte, des fruits de mer, des grillades, des<br />

« zarzuelas » (un plat de poisson et de coquillages en sauce) et des<br />

fritures de poissons. « All i pebre » (ail et poivre) de lotte (rape) ou de<br />

riz, souvent sous forme de bouillons (caldos). Préparés de manières très<br />

diverses, des « salmonetes » (rougets), des « <strong>le</strong>nguados » (so<strong>le</strong>), des «<br />

doradas » (daurades), des « lubinas » (loups de mer), des « sepias »<br />

(seiches), des « pulpos » (poulpes), des calamars, des « caraco<strong>le</strong>s »<br />

(escargots)… et <strong>le</strong>s gourmandies typiques de cel<strong>le</strong> que l’on appel<strong>le</strong> avec<br />

raison la « costa de los langostinos » (la côte des crevettes). Les « dáti<strong>le</strong>s<br />

» (dattes de mer) sont un mets presque exclusif à ces plages.<br />

Les montagnes proposent des plats à fort caractère. Le « tombet » est un<br />

plat riche à base de<br />

pommes de terre<br />

et de viande d’agneau,<br />

de pou<strong>le</strong>t et de lapin,<br />

agrémenté d’escargots blancs et d’amandes. La « sopa de pastores<br />

humildes reconstituyente, con pan, aceite y ajo y aromas intensos de<br />

tomillo » (la soupe reconstituante d’humb<strong>le</strong>s bergers, avec du pain, de<br />

l’hui<strong>le</strong> et de l’ail et des arômes intenses de thym). La « sangre con cebolla<br />

» (<strong>le</strong> sang aux oignons) est un rite pour palais initiés. Les « habas a<br />

tumbos » (fèves) sont une surprise demandant du savoir-faire et un<br />

sursaut de côte<strong>le</strong>ttes (costillas), de saucisses (longanizas) et de boudins<br />

(morcillas).<br />

BENICARLÓ ET SON PARADOR<br />

4


Le visiteur découvrira faci<strong>le</strong>ment de nombreux autres plats : « el<br />

escabeche con conejo » (lapin à l’escabèche), <strong>le</strong>s « habichuelas estofadas<br />

» (haricots à l’étouffée), <strong>le</strong>s « cecinas » et « jamones » (viande séchée et<br />

jambon). Les fromages de brebis (ovejas) de Sant Mateu.<br />

Et en automne, il pourra faire un festin de « tordos » (grives), chassés<br />

d’une manière ingénieuse, fascinante et maligne, pour <strong>le</strong> plus grand plaisir<br />

des palais peu encombrés de scrupu<strong>le</strong>s écologiques. Les desserts sont<br />

infinis, résultat de mélanges artisanaux de raisin (uvas), de figues (higos),<br />

de miel et d’amandes (almendras)…<br />

Sant Mateu est la patrie, petite et presque exclusive de vins à la saveur<br />

unique et délicieuse, bien qu’ils ne soient pas si abondants qu’au temps<br />

d’un illustre marcheur anglais, il y a de cela plus d’un sièc<strong>le</strong>: « Benicarlo<br />

est réputée pour ses vins. On <strong>le</strong>s mélange avec d’autres vins moins forts<br />

pour en faire du Bordeaux et l’envoyer en Ang<strong>le</strong>terre… » Après la stupide<br />

expulsion des maures, <strong>le</strong> comportement des chrétiens fraîchement<br />

christianises vit l’obligation et la propagation d’un nouvel<strong>le</strong> tradition<br />

culinaire.<br />

Le lard devint, dans cette partie de la péninsu<strong>le</strong> comme dans beaucoup<br />

d’autres, un signe évident de chrétienté ; <strong>le</strong> porc trouva sa place dans <strong>le</strong>s<br />

gastronomies, même <strong>le</strong>s plus modestes.<br />

On allait préparer de nombreuses compositions à base de marinades<br />

(adobos), divers plats composés de saucisses, de côte<strong>le</strong>ttes, de chorizos, de<br />

lard (tocino), d’abord frits puis conservés dans l’hui<strong>le</strong> d’olive ou peut-être<br />

dans de la graisse de porc (manteca).<br />

Aujourd’hui encore la « caldereta de pastor » est fréquente sur ces «<br />

maestrazgos ». Tout y est bon, la seu<strong>le</strong> condition étant de cuisiner dans<br />

une cassero<strong>le</strong> en terre à feu très <strong>le</strong>nt et d’intégrer quelques morceaux<br />

d’agneau, des herbes – cel<strong>le</strong>s que l’on trouvera – et bien sûr d’utiliser des<br />

braises de bûches de la montagne. Si <strong>le</strong> voyageur veut découvrir d’autres<br />

compositions culinaires, il peut chercher des plats plus singuliers aux<br />

résultats toujours savants et surprenants : comme <strong>le</strong>s escargots aux<br />

amandes (caraco<strong>le</strong>s con almendras) de Benasal ; la perdrix en escabèche<br />

(perdiz en escabeche) ou n’importe quel<strong>le</strong> « olla » de Forcall. A Morella,<br />

il pourra goûter à l’agneau de lait (ternasco), de l’agneau grillé farci et<br />

arrosé de cognac; aux « pastissets de requesón » (des petits gâteaux au<br />

fromage)…<br />

Le plus sûr étant de se laisser guider par <strong>le</strong>s conseils du Parador : vous ne<br />

serez pas déçu.<br />

Recettes Secrétes<br />

C<br />

ans presque tous <strong>le</strong>s environs, avec l’accord ou la tolérance des<br />

autorités compétentes, on chasse et on capture de petits volati<strong>le</strong>s,<br />

des oiseaux aussi, attirés seu<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong>s fruits, qui abondent par ici et<br />

ceci ne lèse en rien la nature. Par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s « zorza<strong>le</strong>s » (grives), très<br />

présents par ici.<br />

« Zorza<strong>le</strong>s con trufas » (grives aux truffes)<br />

L’élaboration est simp<strong>le</strong> et <strong>le</strong> résultat surprenant :<br />

Une fois <strong>le</strong>s grives plumées, <strong>le</strong>s faire revenir dans l’hui<strong>le</strong> d’olive. Ajouter du<br />

thym, du romarin et <strong>le</strong> jus de cuisson de l’oiseau et de la queue.<br />

Mettre au four pendant environ cinq minutes…<br />

Récupérer <strong>le</strong> jus.<br />

Remplir <strong>le</strong> plat avec la sauce et ajouter <strong>le</strong>s truffes.<br />

« Flan de alcachofas » (flan aux artichauts)<br />

Bien cuire artichauts avant de <strong>le</strong>s triturer écraser ; caraméliser <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s à<br />

flan.<br />

Battre et mélanger <strong>le</strong>s ?ufs et cent grammes de sucre et du lait que l’on aura<br />

fait bouillir…<br />

Faire cuire au bain-marie environ une demi-heure.<br />

Faire fondre <strong>le</strong> beurre avec un peu de farine.<br />

Présenter <strong>le</strong> flan avec une sauce aux mandarines et n’importe quel fruit<br />

caramélisé.<br />

Pour Les Yeux Curieux<br />

(pour des excursions)<br />

P<br />

resque tous ces paysages provoquent des sensations inattendues à<br />

cause des nombreux reliefs a<strong>le</strong>ntours, et des temps passés riches<br />

en arômes, en cou<strong>le</strong>urs, en usages… Des histoires et des traditions aussi<br />

enracinées ou plus encore que <strong>le</strong>s racines des oliviers ou des amandiers :<br />

peut-être sont-el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s éternel<strong>le</strong>s et indestructib<strong>le</strong>s pousses d’un passé jamais<br />

oublié.<br />

Nous devons rendre un hommage rituel et justifié à Sant Mateu, la capita<strong>le</strong> :<br />

comment el<strong>le</strong> a su et comment el<strong>le</strong> a pu avoir l’honneur pas toujours<br />

gratifiant d’être la capita<strong>le</strong> historique de ces « maestrazgos ». Depuis<br />

l’automne des temps, el<strong>le</strong> trouve sa place au milieu de paysages envieux et<br />

avides. El<strong>le</strong> est la proie convoitée pour ses contrées de fréquentes invasions<br />

venues des terres ou de la mer.<br />

Le village puis la vil<strong>le</strong> ont été couronnés par « Nuestra Señora de Montesa<br />

» (Notre-dame de Montesa), vers <strong>le</strong> XIVe sièc<strong>le</strong> ; el<strong>le</strong> montra longtemps une<br />

polychromie superbe dont el<strong>le</strong> profita, polychromie aujourd’hui effacée par<br />

la mémoire des temps oublieux. Mais el<strong>le</strong> est et sera<br />

toujours à la croisée<br />

miraculée et<br />

miracu<strong>le</strong>use des<br />

voies romaines<br />

Cesaraugusta<br />

et Augusta<br />

qui se<br />

croisent, s’entrecroisent dans<br />

une dense toi<strong>le</strong> d’araignées prodiguant autant aux envahis qu’aux<br />

envahisseurs des bénéfices réciproques. Bénéfices très souvent économiques,<br />

et aussi culturels… Tous à l’ombre d’une tolérance mutuel<strong>le</strong>, bien que<br />

parfois diffici<strong>le</strong>.<br />

Pendant <strong>le</strong> Haut Moyen Age, certains peup<strong>le</strong>s mozarabes rôderont déjà sur<br />

ces terres, fidè<strong>le</strong>s d’un temp<strong>le</strong> déjà dédié à Sant Mateu…<br />

Sant Mateu, alors connue comme Benifarquet, conserve et respecte encore<br />

quelques exemp<strong>le</strong>s rares mais remarquab<strong>le</strong>s de l’ancienne casbah, tout près<br />

de l’actuel<strong>le</strong> église de San Pedro (ig<strong>le</strong>sia de San Pedro).<br />

Presque en même temps que sa conquête par Jaime Ier (au début du XIIIe<br />

sièc<strong>le</strong>), el<strong>le</strong> se rend à l’ordre des Hospitaliers : la vil<strong>le</strong> reprend son nom<br />

d’origine mozarabe.<br />

Alors Sant Mateu intègre l’ordre de Montesa… Ses domaines atteignent<br />

d’amp<strong>le</strong>s et stratégiques géographies: depuis Amposta, au nord, jusqu’aux<br />

suds castillans… Et aussi vers l’est, à l’intérieur de Morella : c’est plus ou<br />

moins ainsi et avec de subti<strong>le</strong>s stratégies et stratagèmes qu’el<strong>le</strong> parviendra se<br />

rassemb<strong>le</strong>r et former un prospère centre commercial, artisanal et<br />

BENICARLÓ ET SON PARADOR<br />

5


d’é<strong>le</strong>vage… El<strong>le</strong> parvient à atteindre un prestige notab<strong>le</strong> sur tous <strong>le</strong>s<br />

marchés européens et sur d’autres encore plus éloignés : <strong>le</strong>s laines de ces «<br />

maestrazgos » seront filées, affinées et rendues célèbres sur <strong>le</strong>s métiers à<br />

tisser florentins. Si bien qu’un dicton dit : «…sans la laine de Sant Mateu<br />

<strong>le</strong>s métiers à tisser des Médicis se seraient tus… » On dit, on suppose et on<br />

affirme même que ces arrière-boutiques spéculatives étaient gouvernées par<br />

des Juifs, même si c’était un peup<strong>le</strong> et un voisinage créateur de prospérité<br />

pour la grande partie de ces Ibérias : on sait aussi que pendant très<br />

longtemps <strong>le</strong>s rois, <strong>le</strong>s princes et <strong>le</strong>s évêques et une pléiade d’aristocrates et<br />

autres arrivistes empruntaient à l’usure aux coffres juives pour rembourser<br />

des dettes, petites mais nombreuses, et conserver <strong>le</strong>urs manières, <strong>le</strong>urs modes<br />

et <strong>le</strong>urs habitudes prétendument courtisanes, ou tout au moins « hidalgas<br />

»…<br />

Une plaque installée dans la rue juive au bord du palais Borrull <strong>le</strong> rappel<strong>le</strong>.<br />

Pendant <strong>le</strong> Bas Moyen Age, à quatre reprises <strong>le</strong>s « Cortes » généra<strong>le</strong>s du<br />

royaume furent convoquées ici. La vil<strong>le</strong> reçut aussi l’illustre visite de San<br />

Francisco Ferrer qui prêcha ses vérités en opposition aux perverses<br />

ignorances loca<strong>le</strong>s. Certains des plus récalcitrants brû<strong>le</strong>ront pour toujours<br />

sur <strong>le</strong> bûché purificateur.<br />

L’église archipresbytéra<strong>le</strong> mérite bien plus qu’un coup d’?il. C’est un temp<strong>le</strong><br />

aux essences et aux substances de cathédra<strong>le</strong> ; de naissance et de conception<br />

romanes. El<strong>le</strong> exhibe un portail remarquab<strong>le</strong> aux arcs progressifs, dégradés.<br />

Un des chapiteaux est bibliquement illustré par la tête coupée de saint Jean-<br />

Baptiste déposée sur un plateau. Son intérieur dut être témoin, au milieu du<br />

XVe sièc<strong>le</strong>, de l’événement suivant : Clément VIII, successeur du pape Luna,<br />

démissionna de ses pouvoirs et de ses attributs papaux.<br />

Le schisme de l’Eglise occidenta<strong>le</strong> avorte ainsi définitivement. Aux a<strong>le</strong>ntours<br />

s’élève un superbe donjon à vocation et action guerrières aux insolites<br />

dimensions : sa hauteur est supérieure à 30 mètres et son périmètre a des<br />

mesures similaires ; <strong>le</strong> tracé octogonal symbolisait la régénération spirituel<strong>le</strong><br />

: la forme du huit voulait être un intermédiaire entre <strong>le</strong> carré et <strong>le</strong> cerc<strong>le</strong>. La<br />

surprenante vil<strong>le</strong> et <strong>le</strong> voisinage durent reconnaître, et peut-être partager <strong>le</strong>s<br />

idées et <strong>le</strong>s rites hétérodoxes « cathares », conséquence de la fuite de la<br />

croisade albigeoise qui, au XIIIe, sièc<strong>le</strong> traversa <strong>le</strong>s Pyrénées à la recherche<br />

d’aide et de refuge.<br />

Il y a encore davantage à voir et à prendre en considération: <strong>le</strong> tracé de la<br />

vil<strong>le</strong> fait <strong>le</strong> tour d’une intéressante place centra<strong>le</strong> du XVIe sièc<strong>le</strong> aux curieux<br />

portiques, avec deux uniques accès dans <strong>le</strong>s ang<strong>le</strong>s, indispensab<strong>le</strong>s pour<br />

accéder directement au donjon et ainsi permettre <strong>le</strong> retranchement et l'abri<br />

des habitants. Le milieu de la place accueillait un marché ainsi qu’un<br />

hôpital pour <strong>le</strong>s voyageurs arrivant ici depuis <strong>le</strong> nord catalan…<br />

Les « presons » (prisons) se trouvaient dans la rue Cort ; el<strong>le</strong>s étaient une<br />

reproduction d’un ensemb<strong>le</strong> d’oubliettes aux locataires permanents entre <strong>le</strong>s<br />

XIVe et XVe sièc<strong>le</strong>s ; et ce que l’on appelait <strong>le</strong> cachot du Démon : la<br />

légende raconte que <strong>le</strong>s tourments appliqués étaient tels que l’inculpé<br />

parvenait à voir Satanas personnifié, au point qu’il demandait la mort plutôt<br />

que d’avoir à supporter de tel<strong>le</strong>s souffrances. La Sainte Inquisition<br />

appliquait de sévères tortures comme la chaise à pics, <strong>le</strong> poulain, la goutte<br />

d’eau, la fracture de membres à l’aide de coups précis…<br />

L’enceinte lugubre, savamment restaurée et reproduite autant que possib<strong>le</strong><br />

est aujourd’hui <strong>le</strong> musée des prisons médiéva<strong>le</strong>s (Museo de las Cárce<strong>le</strong>s<br />

Medieva<strong>le</strong>s)…<br />

S’il <strong>le</strong> peut <strong>le</strong> pè<strong>le</strong>rin pourra s’intéresser aux environs : par exemp<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> «<br />

Sanctuario de la Mare de Deu dels Àngels » (sanctuaire de la Mère de Dieu<br />

des Anges), la patronne de la vil<strong>le</strong>. L’ensemb<strong>le</strong> est du XVIe sièc<strong>le</strong> et se<br />

nourrit de précédents ésotériques. L’endroit était <strong>le</strong> rendez-vous fréquent de<br />

rites païens. Et la légende affirme avec force que la première image de la<br />

Vierge noire disparut mystérieusement au début du XXe sièc<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> fut<br />

remplacée par une statue sculptée en pierre blanche. Et, de plus, <strong>le</strong> prodige<br />

eut lieu : après un terrib<strong>le</strong> incendie pendant la guerre Civi<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s flammes<br />

ravagèrent complètement <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> à l’exception de la nouvel<strong>le</strong> image de «<br />

la Mare de Deu » qui resta et reste impassib<strong>le</strong>.<br />

L’événement miracu<strong>le</strong>ux se doub<strong>le</strong> d’une autre découverte insolite : des<br />

géologues éclairés assurent que sous <strong>le</strong>s ciments de l’enceinte sacrée, courent<br />

des eaux miracu<strong>le</strong>uses étonnamment curatives…<br />

La curiosité du visiteur sera sans doute assouvie : s’il se penche aux fenêtres<br />

de ce prodigieux sanctuaire il pourra voir une quinzaine de villages des trois<br />

provinces : Teruel, Castellón et Tarragone. Ce n’est pas rien, mais il y a<br />

encore davantage : juste à côté se trouve l’ermitage de Saint-Christophe<br />

(ermita de San Cristóbal), construit au milieu du XIVe sièc<strong>le</strong>. Il est embelli<br />

par la présence d’oliviers tel<strong>le</strong>ment centenaires que certains comptent deux<br />

mil<strong>le</strong> longues années. Sant Mateu jouit d’une autre bénédiction : comme<br />

cel<strong>le</strong> de l’eau, qui jaillit en sources multip<strong>le</strong>s et généreuses, certaines<br />

construites par d’ingénieux ingénieurs romains, en plus d’ermitages<br />

nombreux et sacrés propices aux réf<strong>le</strong>xions et aux prières mystiques.<br />

Au cours de sa promenade, qui sera plus agréab<strong>le</strong> si el<strong>le</strong> est improvisée, <strong>le</strong><br />

voyageur aura de bonnes surprises concernant l’artisanat et l’art : faits des<br />

traditions païennes et de pieuses légendes. Su la gastronomies et d’autres<br />

nombreux plaisirs.<br />

En matière d’art, il trouvera quelques exemp<strong>le</strong>s mozarabes et romans. Le<br />

gothique civil et religieux est bien plus nombreux et magnifique : gothique<br />

du Temp<strong>le</strong> aux a<strong>le</strong>ntours de Morella ; aragonais dans l’église de Tronchón ;<br />

mudéjar à Ares del Maestre. Renaissance à Ig<strong>le</strong>suela, Mirambal et Benasal.<br />

On trouve de nombreux et très bons exemp<strong>le</strong>s du baroque à Catí, à Lucena<br />

et à Morella en particulier, où se trouve un ensemb<strong>le</strong> d’un intérêt<br />

indiscutab<strong>le</strong>. C’est un rendez-vous obligé.<br />

Le « maestrazgo » est <strong>le</strong> paradis des châteaux, des forteresses construites<br />

par l’Ordre Montesa : à Benasal, Ares, Cervera, Cantavieja…<br />

Dans tous <strong>le</strong>s cas, il ne faut pas hésiter à consulter <strong>le</strong> Parador lui-même, où<br />

l’on trouvera la meil<strong>le</strong>ure et l’information la plus précise sur <strong>le</strong>s sites et <strong>le</strong>s<br />

routes que tous <strong>le</strong>s clients aimeraient visiter.<br />

Parador de Benicarló<br />

Avda. Papa Luna, 5. 12580 Benicarló (Castellón/Castelló)<br />

Tel.: 964 47 01 00 - Fax: 964 47 09 34<br />

e-mail: benicarlo@parador.es<br />

Centra<strong>le</strong> de Reservations<br />

Requena, 3. 28013 Madrid (España)<br />

Tel.: 902 547 979 - Fax: 902 525 432<br />

www.parador.es / e-mail: reservas@parador.es<br />

wap.parador.es/wap/<br />

Textos: Miguel García Sánchez Dibujos: Fernando Aznar<br />

BENICARLÓ ET SON PARADOR<br />

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