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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion

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<strong>John</strong> <strong>Maynard</strong> <strong>Keynes</strong> (<strong>1931</strong>), <strong>Essais</strong> <strong>de</strong> <strong>persuasion</strong> 87<br />

20 et 30 % et la marge la plus pru<strong>de</strong>nte ne dépasse pas 50 %. Aussi, à condition<br />

que la baisse en valeur monétaire <strong>de</strong>s biens n'excè<strong>de</strong> pas ces chiffres<br />

conventionnels, la Banque ne se trouve-t-elle pas affectée <strong>de</strong> façon excessive;<br />

d'une part, elle doit <strong>de</strong> l'argent à ses déposants, qui lui est dû à elle d'autre<br />

part, et peu lui importe ce que vaut exactement cet argent. Mais réfléchissez à<br />

ce qui arrive lorsque la baisse <strong>de</strong> la valeur monétaire <strong>de</strong>s biens, excè<strong>de</strong> à bref<br />

délai les chiffres <strong>de</strong> la marge conventionnelle, et que ceci s'applique à une<br />

gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s biens sur lesquels on a emprunté <strong>de</strong> l'argent. Les conséquences<br />

graves qui en découlent pour les Banques sont évi<strong>de</strong>ntes. Heureusement<br />

il y a là une éventualité <strong>de</strong>s plus rares, et même unique. Car cela ne<br />

s'était jamais passé au cours <strong>de</strong>s temps mo<strong>de</strong>rnes avant <strong>1931</strong>. Il y a eu <strong>de</strong><br />

grands mouvements <strong>de</strong> hausse sur la valeur monétaire <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong>s pays qui<br />

ont pratiqué une longue Inflation. Mais quelles qu'aient pu être les conséquences<br />

fâcheuses <strong>de</strong> pareils événements en d'autres domaines, ils ne compromettaient<br />

en rien la position <strong>de</strong>s Banques; car ils ne faisaient qu'accroître le<br />

total <strong>de</strong> leurs marges. Il y eut une grosse vague <strong>de</strong> baisse en 1921 mais qui eut<br />

pour point <strong>de</strong> départ un niveau <strong>de</strong> valeur exceptionnellement élevé, qui ne<br />

s'était maintenu que quelques mois ou quelques semaines, <strong>de</strong> sorte qu'une<br />

faible partie seulement <strong>de</strong>s emprunts bancaires s'était basée sur ce niveau et<br />

que ce niveau n'avait pas eu le temps <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s cours fixes. Jamais auparavant<br />

on n'avait encore assisté à pareille débâcle sur toutes les valeurs<br />

monétaires <strong>de</strong> biens réels, que celle qui se produit <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans. Et au<br />

cours <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers mois (il y a si peu <strong>de</strong> temps, que les banquiers euxmêmes<br />

ne s'en sont pour ainsi dire pas aperçus), la baisse a fini par dépasser<br />

en plusieurs cas la marge conventionnelle. Selon l'expression du marché, la<br />

marge a fondu. Le détail <strong>de</strong> tout ceci doit échapper forcément au profane,<br />

jusqu'à ce qu'un événement particulier – un événement qui peut revêtir une<br />

forme tout à fait acci<strong>de</strong>ntelle – surgisse, qui précipite les événements. Car tant<br />

qu'une Banque est en état d'attendre tranquille ment <strong>de</strong>s temps meilleurs et <strong>de</strong><br />

ne point se préoccuper du fait que la garantie <strong>de</strong> ses emprunts n'est plus aussi<br />

soli<strong>de</strong> qu'elle l'était au moment où ceux-ci furent contractés, rien ne transpire à<br />

la surface et il' n'y a pas <strong>de</strong> raison <strong>de</strong> s'affoler. Néanmoins, déjà à ce point, la<br />

situation latente risque d'avoir <strong>de</strong> très mauvais effets sur les affaires nouvelles.<br />

Car les Banques sachant que la plupart <strong>de</strong> leurs crédits se trouvent « gelés » et<br />

comportent plus <strong>de</strong> risques latents qu'il n'est souhaitable, cherchent avec<br />

anxiété à conserver liqui<strong>de</strong>s les réserves qui leur restent, et à les mettre autant<br />

qu'il se peut à l'abri <strong>de</strong> tous risques nouveaux. Ceci a toutes sortes <strong>de</strong>, répercussions<br />

muettes et invisibles, sur les entreprises nouvelles. Car il s'ensuit que<br />

les banques se montrent moins prêtes qu'elles ne le seraient en temps normaux<br />

à financer n'importe quel projet qui peut entraîner l'immobilisation <strong>de</strong> leurs<br />

capitaux.<br />

Pour apprécier à partir <strong>de</strong> quel <strong>de</strong>gré le facteur sur lequel j'attire votre<br />

attention prend <strong>de</strong> l'importance, il nous faut examiner comment se comportent<br />

les prix <strong>de</strong>s différentes espèces <strong>de</strong> biens, tout d'abord les principales matières<br />

premières et les produits alimentaires qui font l'objet d'un commerce international.<br />

Ils jouent un rôle important pour les banques car les stocks <strong>de</strong> ces<br />

marchandises, qu'ils soient en magasin ou en transit, qu'ils soient à <strong>de</strong>mi<br />

manufacturés ou entièrement manufacturés et pas encore vendus, sont pour<br />

une large part financés par les banques. Au cours <strong>de</strong>s dix-huit mois <strong>de</strong>rniers,<br />

les prix <strong>de</strong> ces marchandises ont baissé en moyenne d'environ 25 %. Mais c'est<br />

là une moyenne et les banques ne peuvent établir <strong>de</strong> moyenne entre les

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