John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion
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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion 78 et que ce dont nous, avons surtout besoin, c'est de nous tailler un manteau à la mesure de l'étoffe dont nous disposons, c'est-à-dire restreindre notre consommation, réduire notre train de vie, travailler plus et dépenser moins; et que c'est la seule façon de s'en sortir. Ce point de vue s'écarte, selon moi, de la réalité. Nous avons bien, assez d'étoffe, et manquons seulement du courage nécessaire pour nous tailler des manteaux. Je veux donc vous fournir des renseignements encourageants qui vous permettent de mieux vous rendre compte de la puissance économique de notre pays. Laissez-moi tout d'abord vous rappeler ce qu'il y a de plus évident. La masse de la population jouit de bien meilleures conditions d'existence qu'elle ne l'a jamais fait. Nous entretenons à ne rien faire, en leur assurant un niveau d'existence supérieur à celui des travailleurs de la plupart des pays étrangers, près d'un quart de la population ouvrière en état de travailler. Néanmoins notre richesse nationale s'accroît d'année en année. Tout en payant des salaires bien supérieurs aux salaires français et allemands, Par exemple, tout en entretenant un quart de la population à ne rien faire, tout en enrichissant sur une, large échelle notre équipement national de nouvelles maisons, de nouvelles routes, et de nouvelles installations électriques, nous conservons encore des réserves pour nos placements à l'étranger, plus importantes en 1929 que celles de tout autre pays y compris les États-Unis. Comment faisons-nous ? Si les pessimistes qui croient que nous sommes terriblement pauvres, gaspilleurs et improductifs avaient raison, ce serait évidemment impossible. Il faut que les pessimistes aient tort pour que nous y arrivions. Nous ne sommes pas à moitié aussi riches que nous le serions si nous savions mieux mener nos affaires et ne pas les embrouiller de la sorte. Mais nous ne sommes ni improductifs, ni pauvres, et ne vivons pas davantage, sur notre capital. Bien, au contraire. Notre travail et notre matériel produisent bien davantage que par le passé. Notre revenu national s'élève très rapidement. C'est pour, cela que nous pouvons nous en sortir. Laissez-moi vous citer quelques chiffres. En comparaison d'une date aussi rapprochée que 1924, la production calculée par tête d'habitant a probablement augmenté de 10 %. C'est-à-dire que nous pouvons produire la même somme de richesse avec 10 % de moins de main-d'œuvre. Par rapport à l'avant-guerre, l'augmentation de la production marque probablement 20 % par tête d'habitant. Sans tenir compte des modifications de la valeur de l'argent, le revenu national – encore en 1929 alors qu'il y avait déjà énormément de chômage – (il n'en est plus tout à fait ainsi aujourd'hui), augmentait vraisemblablement de £ 100.000.000 par an; et ceci pendant pas mal d'années. En même temps nous avons accompli en quelque sorte une véritable révolution en opérant une distribution infiniment plus équitable des revenus. Soyez donc assurés que nous souffrons des douleurs de croissance inhérentes à la jeunesse et non des rhumatismes de l'âge mûr. Nous ne parvenons point à faire un usage entier des ressources qui s'offrent à nous, nous ne parvenons pas à trouver un débouché pour l'accroissement de notre puissance et de notre énergie productrice. Ce n'est pas une raison pour rentrer nos cornes, il faut au contraire sortir de notre coquille.
John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion 79 C'est dans l'activité, la richesse et l'esprit d'entreprise individuel et national que se trouve le remède. 2. – Le rapport. sur tes économies (15 août 1931). Retour à la table des matières Le rapport du Comité chargé d'enquêter sur les économies, peut être examiné à différents points de vue. C'est un document des plus précieux car il nous met en demeure de prendre une décision dans un sens ou dans un autre sur certains problèmes pratiques. Il nous invite à nous prononcer sur le point de savoir si c'est ou non notre intention de consacrer la Déflation en appliquant aux salaires et traitements anglais les réductions qu'ont subies les prix internationaux, mais si telle est notre intention, il serait absurde de croire que la réforme peut se limiter aux professeurs et aux agents de la police. Le rapport va trop loin ou pas assez. Mais ce n'est pas la question que je voudrais traiter ici. Je voudrais m'en tenir à un des aspects de ce rapport auquel il semble qu'on ne se soit pas suffisamment attaché. Rien ne dénote que le Comité ait songé le moins du monde aux répercussions possibles des réformes qu'il propose, sur le chômage et le revenu de l'impôt. Il préconise une réduction du pouvoir d'achat des citoyens anglais qui entraînerait d'une part, une diminution de leurs revenus et d'autre part, une suppression de travail appliquée à certains ouvriers qui ne chôment pas encore. Les auteurs de ce rapport ne donnent aucune raison de supposer que cette réduction du pouvoir d'achat se trouverait compensée par des bénéfices d'un autre ordre; car l'idée qui les guide, c'est que le Gouvernement devrait profiter des économies qu'ils préconisent, non pour diminuer les impôts, mais pour réduire ses emprunts. Peu-être ont-ils derrière la tête, une idée vague qu'il existe une somme invariable de capital destinée à l'emprunt qui ne saurait être soustraite à des placements, et que si le Gouvernement emprunte moins, une plus grande part de cette somme ira forcément sous forme d'emprunts, à l'industrie privée. Mais cette idée ne résiste pas à la réflexion, pour peu qu'on l'analyse en termes concrets et définis. La proposition ne comporte même pas les avantages que pourrait présenter pour notre balance commerciale une réduction des salaires industriels. Car rien dans cette proposition ne vise à une réduction du coût de la production; bien au contraire, elle tend à l'accroître, en élevant la part du chef d'entreprise, dans les assurances sociales.
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C'est dans l'activité, la richesse et l'esprit d'entreprise individuel et national<br />
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2. – Le rapport. sur tes économies<br />
(15 août <strong>1931</strong>).<br />
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Le rapport du Comité chargé d'enquêter sur les économies, peut être<br />
examiné à différents points <strong>de</strong> vue. C'est un document <strong>de</strong>s plus précieux car il<br />
nous met en <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> prendre une décision dans un sens ou dans un autre<br />
sur certains problèmes pratiques. Il nous invite à nous prononcer sur le point<br />
<strong>de</strong> savoir si c'est ou non notre intention <strong>de</strong> consacrer la Déflation en<br />
appliquant aux salaires et traitements anglais les réductions qu'ont subies les<br />
prix internationaux, mais si telle est notre intention, il serait absur<strong>de</strong> <strong>de</strong> croire<br />
que la réforme peut se limiter aux professeurs et aux agents <strong>de</strong> la police. Le<br />
rapport va trop loin ou pas assez. Mais ce n'est pas la question que je voudrais<br />
traiter ici. Je voudrais m'en tenir à un <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> ce rapport auquel il<br />
semble qu'on ne se soit pas suffisamment attaché.<br />
Rien ne dénote que le Comité ait songé le moins du mon<strong>de</strong> aux répercussions<br />
possibles <strong>de</strong>s réformes qu'il propose, sur le chômage et le revenu <strong>de</strong><br />
l'impôt. Il préconise une réduction du pouvoir d'achat <strong>de</strong>s citoyens anglais qui<br />
entraînerait d'une part, une diminution <strong>de</strong> leurs revenus et d'autre part, une<br />
suppression <strong>de</strong> travail appliquée à certains ouvriers qui ne chôment pas<br />
encore. Les auteurs <strong>de</strong> ce rapport ne donnent aucune raison <strong>de</strong> supposer que<br />
cette réduction du pouvoir d'achat se trouverait compensée par <strong>de</strong>s bénéfices<br />
d'un autre ordre; car l'idée qui les gui<strong>de</strong>, c'est que le Gouvernement <strong>de</strong>vrait<br />
profiter <strong>de</strong>s économies qu'ils préconisent, non pour diminuer les impôts, mais<br />
pour réduire ses emprunts. Peu-être ont-ils <strong>de</strong>rrière la tête, une idée vague qu'il<br />
existe une somme invariable <strong>de</strong> capital <strong>de</strong>stinée à l'emprunt qui ne saurait être<br />
soustraite à <strong>de</strong>s placements, et que si le Gouvernement emprunte moins, une<br />
plus gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> cette somme ira forcément sous forme d'emprunts, à<br />
l'industrie privée. Mais cette idée ne résiste pas à la réflexion, pour peu qu'on<br />
l'analyse en termes concrets et définis.<br />
La proposition ne comporte même pas les avantages que pourrait présenter<br />
pour notre balance commerciale une réduction <strong>de</strong>s salaires industriels. Car<br />
rien dans cette proposition ne vise à une réduction du coût <strong>de</strong> la production;<br />
bien au contraire, elle tend à l'accroître, en élevant la part du chef d'entreprise,<br />
dans les assurances sociales.