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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion

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<strong>John</strong> <strong>Maynard</strong> <strong>Keynes</strong> (<strong>1931</strong>), <strong>Essais</strong> <strong>de</strong> <strong>persuasion</strong> 72<br />

Pourquoi y a-t-il dans l'ensemble insuffisance <strong>de</strong> production d'articles <strong>de</strong><br />

fabrication sur le marché ? Pour plusieurs raisons qui s'enchevêtrent à mon<br />

avis. Tout d'abord, il faut s'en prendre à l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s prêteurs – car l'argent<br />

prêté entre pour une large part dans la production <strong>de</strong>s articles <strong>de</strong> fabrication.<br />

L'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s emprunteurs est en gran<strong>de</strong> partie responsable <strong>de</strong> l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

prêteurs.<br />

Pour <strong>de</strong> nombreuses raisons, les prêteurs <strong>de</strong>mandaient et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />

encore <strong>de</strong>s conditions plus élevées pour leur argent que ne peuvent en offrir<br />

les nouvelles entreprises. Tout d'abord le fait qu'une entreprise pouvait verser<br />

<strong>de</strong>s intérêts fort élevés pendant un certain temps après la guerre, alors qu'on<br />

réparait les dommages <strong>de</strong> guerre, a habitué les prêteurs à <strong>de</strong>s intérêts beaucoup<br />

plus élevés que ceux d'avant-guerre. En second lieu, l'existence<br />

d'emprunts politiques <strong>de</strong>stinés à remplir certaines obligations <strong>de</strong>s traités, d'emprunts<br />

bancaires <strong>de</strong>stinés à consoli<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s standards or récemment rétablis,<br />

d'emprunts <strong>de</strong> spéculations pour jouer à la hausse à la Bourse, et enfin<br />

d'emprunts <strong>de</strong> secours, pour couvrir les pertes résultant <strong>de</strong> la chute <strong>de</strong>s prix,<br />

contractés pour ainsi dire à n'importe quel taux, a permis jusqu'à présent aux<br />

prêteurs d'obtenir <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> ces différentes classes d'emprunteurs <strong>de</strong>s taux<br />

plus élevés que ceux que peuvent supporter <strong>de</strong> véritables entreprises nouvelles<br />

commerciales ou industrielles. Enfin, en troisième lieu, l'état d'instabilité qui<br />

règne dans le mon<strong>de</strong>, et l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s placements nationaux ont considérablement<br />

limité le nombre <strong>de</strong>, pays où l'on puisse trouver <strong>de</strong> nombreux prêteurs<br />

disposés à consentir <strong>de</strong>s prêts à <strong>de</strong>s taux raisonnables. Une large partie du<br />

globe, pour une raison ou une autre, n'a plus la confiance <strong>de</strong>s prêteurs, si bien<br />

qu'ils exigent <strong>de</strong> telles rémunérations pour couvrir leurs risques qu'elles<br />

étouffent toute possibilité nouvelle d'entreprise. Au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières<br />

années, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s principales nations créditrices du mon<strong>de</strong>, la France et les<br />

États-Unis, ont presque complètement retiré leur argent du marché international<br />

en matière d'emprunts à long terme.<br />

Pendant ce temps l'attitu<strong>de</strong> presque aussi réfractaire <strong>de</strong>s emprunteurs est<br />

venue aggraver celle <strong>de</strong>s prêteurs. Car la chute <strong>de</strong>s prix a été désastreuse pour<br />

ceux qui ont emprunté, et quiconque a différé <strong>de</strong> nouveaux travaux, a gagné à<br />

cet ajournement. De plus les risques qui effraient les prêteurs, effraient<br />

également les emprunteurs. La vaste échelle sur laquelle furent menées aux<br />

États-Unis <strong>de</strong> nombreuses affaires nouvelles au cours <strong>de</strong>s cinq <strong>de</strong>rnières<br />

années a fini par épuiser pour un certain temps – au moins tant que durera<br />

cette atmosphère <strong>de</strong> dépression commerciale – les possibilités avantageuses <strong>de</strong><br />

nouveaux développements. Dès la fin <strong>de</strong> 1929, les nouvelles entreprises<br />

nécessitant <strong>de</strong> gros capitaux, se trouvaient déjà handicapées dans le mon<strong>de</strong>, en<br />

<strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s États-Unis. Le coup le plus sensible leur a été porté par l'effondrement<br />

<strong>de</strong> placements nouveaux aux États-Unis même, qui s'élèvent<br />

aujourd'hui à 20% ou 30% <strong>de</strong> moins qu'en 1928. Ainsi dans certains pays, les<br />

débouchés pour <strong>de</strong> nouveaux placements avantageux sont plus limités qu'auparavant,<br />

tandis que dans d'autres ces placements comportent plus <strong>de</strong> risques.<br />

Ainsi s'est formé un abîme entre les idées <strong>de</strong>s prêteurs et les idées <strong>de</strong>s<br />

emprunteurs sur le rôle et le rapport véritable <strong>de</strong> nouveaux placements <strong>de</strong><br />

capitaux; le résultat, c'est que les réserves <strong>de</strong>s prêteurs servent à financer les

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