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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion

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<strong>John</strong> <strong>Maynard</strong> <strong>Keynes</strong> (<strong>1931</strong>), <strong>Essais</strong> <strong>de</strong> <strong>persuasion</strong> 68<br />

affreux pétrin, nous étant trompés dans le contrôle délicat d'une machine dont<br />

nous ne comprenons pas le fonctionnement. Le résultat, c'est que nous voilà<br />

dans l'incapacité <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s richesses, pour un certain temps –peut-être<br />

pour longtemps.<br />

Je ne sais si je parviendrai à me faire, comprendre du lecteur d'une façon<br />

précise. Je risque d'en dire trop pour le profane, et pas assez pour le spécialiste.<br />

Car – bien que personne ne le croie –l'économie politique est une<br />

matière, technique et ardue. Elle est même en train <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir une science. Je<br />

ferai en tout cas <strong>de</strong> mon mieux et me verrai – j'en ai peur, – dans l'obligation<br />

<strong>de</strong> passer sous silence certains faits trop compliqués, mais indispensables à<br />

une parfaite compréhension <strong>de</strong>s événements contemporains.<br />

Tout d'abord il faut insister sur l'extrême violence <strong>de</strong> la crise. Dans les<br />

trois premiers pays industriels du mon<strong>de</strong> – les États-Unis, la Gran<strong>de</strong>-Bretagne<br />

et l'Allemagne – 10.000.000 <strong>de</strong> travailleurs en sont réduits à l'inaction. Il n'y a<br />

même pas une industrie importante, où que ce soit, qui fasse assez <strong>de</strong><br />

bénéfices pour lui permettre <strong>de</strong> se développer – ce qui constitue la marque du<br />

progrès. Et pendant ce temps, dans les pays <strong>de</strong> production, les matières<br />

premières, les produits <strong>de</strong> la mine ou <strong>de</strong> l'agriculture, et ceci s'applique à<br />

presque tous les articles essentiels, se ven<strong>de</strong>nt à un prix qui pour beaucoup ou<br />

pour la majorité <strong>de</strong>s producteurs, ne couvre pas le coût <strong>de</strong> production. En<br />

1921, lorsque les prix marquèrent une chute aussi violente, ils tombèrent d'un<br />

niveau atteint au cours d'une vague <strong>de</strong> hausse, prix auxquels les producteurs<br />

réalisaient <strong>de</strong>s bénéfices anormaux, mais il n'y a pas d'exemple dans l'histoire<br />

mo<strong>de</strong>rne d'une chute <strong>de</strong>s prix, partant d'un niveau normal, aussi considérable<br />

et aussi rapi<strong>de</strong> que celle qui s'est produite l'année <strong>de</strong>rnière. D'où l'ampleur <strong>de</strong><br />

la catastrophe.<br />

Le temps qui s'écoule avant que la production ne s'arrête et que le chômage<br />

atteigne son point culminant est, pour <strong>de</strong>s raisons multiples, beaucoup<br />

plus long dans le cas <strong>de</strong>s matières premières que dans celui <strong>de</strong>s produits<br />

manufacturés. Pour celles-là, dans l'ensemble, les entreprises <strong>de</strong> production<br />

sont moins vastes et moins bien organisées entre elles, moins aptes à faire<br />

prévaloir <strong>de</strong>s restrictions bien ordonnées; la durée <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> production<br />

est plus longue, surtout dans l'agriculture; les pertes que représente un arrêt<br />

temporaire <strong>de</strong> la production sont plus élevées; les hommes qui sont à la tête<br />

<strong>de</strong>s entreprises sont plus souvent leur propre employé, et s'accommo<strong>de</strong>nt plus<br />

volontiers d'une réduction <strong>de</strong>s revenus qu'ils tirent <strong>de</strong> leur travail; les problèmes<br />

sociaux que soulève le manque <strong>de</strong> travail sont plus graves pour <strong>de</strong>s<br />

communautés plus primitives; et les problèmes financiers qui découlent d'un<br />

arrêt <strong>de</strong> la production <strong>de</strong> matières premières sont plus sérieux dans le pays où<br />

cette production constitue pour ainsi dire la seule ressource <strong>de</strong> la population.<br />

Néanmoins nous nous rapprochons fort du moment où la production <strong>de</strong><br />

matières premières se trouvera presque aussi ralentie que celle <strong>de</strong>s produits<br />

fabriqués; et cela ne pourra manquer d'avoir une répercussion funeste sur<br />

l'industrie, étant donné que les producteurs <strong>de</strong> matières premières n'auront<br />

plus à ce moment les moyens d'acheter <strong>de</strong>s produits manufacturés; et alors<br />

nous nous trouverons dans un véritable cercle vicieux.<br />

Dans cette impasse, chaque producteur individuellement fon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s espoirs<br />

sur <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s qui pourraient servir un producteur ou une classe <strong>de</strong>

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