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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion

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<strong>John</strong> <strong>Maynard</strong> <strong>Keynes</strong> (<strong>1931</strong>), <strong>Essais</strong> <strong>de</strong> <strong>persuasion</strong> 59<br />

pour passer du plus sérieux au plus léger, pourraient doter une famille sur trois<br />

d'une automobile ou constituer un capital suffisant pour permettre à la<br />

population entière d'aller pour rien au cinéma jusque dans la nuit <strong>de</strong>s temps.<br />

Mais le gaspillage ne s'arrête pas là. Il y a les pertes que subissent les<br />

chômeurs eux-mêmes, écart entre leur in<strong>de</strong>mnité et leur salaire complet, et<br />

surtout perte d'énergie et <strong>de</strong> ressort moral. Il y a pertes <strong>de</strong> bénéfices pour les<br />

chefs d'entreprises et pertes <strong>de</strong> contributions pour le Chancelier <strong>de</strong> l'Échiquier.<br />

Il y a la perte incalculable qui résulte du retard apporté pendant toute une<br />

déca<strong>de</strong> au progrès économique du pays tout entier.<br />

Le recensement <strong>de</strong> la production en 1924 faisait ressortir le chiffre <strong>de</strong> 220<br />

livres comme représentant la valeur moyenne du produit du travail d'un<br />

ouvrier anglais. Si l'on prend ce chiffre pour base, on peut dire que les pertes<br />

occasionnées par le chômage <strong>de</strong>puis 1921 s'élèvent environ à <strong>de</strong>ux milliards<br />

<strong>de</strong> livres qui suffiraient à couvrir <strong>de</strong>ux fois les frais d'installation du réseau<br />

entier <strong>de</strong>s chemins <strong>de</strong> fer anglais. Cette somme permettrait également d'acquitter<br />

<strong>de</strong>ux fois notre <strong>de</strong>tte envers les États-Unis; elle est supérieure au<br />

chiffre global <strong>de</strong>s réparations réclamées par les Alliés à l'Allemagne.<br />

Il est utile <strong>de</strong> connaître et <strong>de</strong> méditer ces chiffres, car ils donnent une<br />

notion plus exacte <strong>de</strong> l'ampleur réelle <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> M. Lloyd George. Il<br />

estime qu'un programme d'outillage <strong>de</strong> £ 100.000.000 par an donnerait du<br />

travail à 500.000 hommes. La dépense n'est pas considérable par rapport aux<br />

pertes et au gaspillage tous les ans plus inquiétants qu'entraîne le chômage,<br />

comme l'indiquent les chiffres cités plus haut. Elle ne représente que 5 % <strong>de</strong>s<br />

pertes déjà accumulées du fait du chômage <strong>de</strong>puis 1921. Elle équivaut à<br />

environ 2 1/2 % du revenu total. En admettant qu'on tente l'expérience pendant<br />

trois ans, qu'on y dépense £ 100.000.000 par an et que le tout soit gâché,<br />

l'intérêt annuel à servir par la suite, ne représenterait que 2 % du budget. En<br />

somme, il s'agit d'un projet <strong>de</strong>s plus mo<strong>de</strong>stes. L'idée qu'il comporte <strong>de</strong> gros<br />

risques en vue <strong>de</strong> remédier à une situation sans gravité, est <strong>de</strong>s plus erronées.<br />

Il n'y aurait qu'un risque négligeable pour se débarrasser d'une monstrueuse<br />

anomalie.<br />

Rien ne figure dans ce programme qui ne vaille en soi la peine d'être<br />

réalisé. Cependant, même si la moitié <strong>de</strong>s travaux ne <strong>de</strong>vait servir à rien, il<br />

vaudrait encore mieux les entreprendre. Un peu d'audace fût-elle jamais plus<br />

justifiée, y eût-il jamais meilleure raison <strong>de</strong> courir un risque, en admettant que<br />

ce projet en comporte?<br />

Il peut paraître fort sage <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer assis immobile dans son fauteuil et<br />

<strong>de</strong> hocher la tête. Mais tandis qu'on attend, le travail inemployé <strong>de</strong>s chômeurs<br />

ne s'amasse pas dans une banque sous forme <strong>de</strong> crédits prêts à servir un peu<br />

plus tard. Il est irrémédiablement gaspillé et constitue une perte absolue.<br />

Chaque bouffée <strong>de</strong> la pipe <strong>de</strong> M. Baldwin nous coûte <strong>de</strong>s millions <strong>de</strong> livres.<br />

L'argument qu'on oppose le plus souvent à ce plan, c'est que l'argent levé<br />

par l'État en vue <strong>de</strong> financer <strong>de</strong>s travaux généraux d'outillage, diminuerait<br />

d'autant les capitaux disponibles pour l'industrie privée. En ce cas, l'application<br />

d'un plan d'outillage national, n'améliorerait pas réellement l'état <strong>de</strong> la<br />

main-d'œuvre. Il remplacerait simplement l'emploi <strong>de</strong> la main-d'œuvre privée

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