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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion

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<strong>John</strong> <strong>Maynard</strong> <strong>Keynes</strong> (<strong>1931</strong>), <strong>Essais</strong> <strong>de</strong> <strong>persuasion</strong> 39<br />

instable, et ne convenant que dans certaines circonstances. Par cette métho<strong>de</strong>,<br />

une vieille nation peut assurer à un nouvel État un développement qu'il ne<br />

pourrait pas atteindre par ses propres moyens. Cet arrangement risque <strong>de</strong><br />

profiter aux <strong>de</strong>ux pays, et le prêteur peut espérer être payé par d'importants<br />

bénéfices. Mais la situation ne peut pas se renverser. Si <strong>de</strong>s « bons européens<br />

» sont émis aux États-Unis sur le modèle <strong>de</strong>s « bons américains » qui<br />

circulaient en Europe au XIX e siècle, il n'y aura pas d'analogie véritable.<br />

L'intérêt sera payé à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> nouveaux emprunts, tant que les emprunts seront<br />

possibles, et l'édifice financier continuera à s'élever jusqu'à ce que l'on se<br />

ren<strong>de</strong> compte qu'il ne repose sur rien. Les capitalistes américains ont refusé<br />

d'acheter les bons émis par l'Europe : ils n'ont fait qu'agir avec bon sens. À la<br />

fin <strong>de</strong> 1919 je préconisais dans les Conséquences économiques <strong>de</strong> la Paix un<br />

emprunt <strong>de</strong> la reconstruction, émis en Amérique sous la condition que<br />

l'Europe le consacrerait à se réorganiser. Au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières années,<br />

quoi qu'on en dise en Europe, les États-Unis nous ont consenti <strong>de</strong>s prêts très<br />

considérables, plus considérables que la somme que j’envisageais. Aucune<br />

condition spéciale ne fut attachée à ces emprunts, dont le montant fut en<br />

gran<strong>de</strong> partie gaspillé. Ils furent cependant utiles à l'Europe, aux jours critiques<br />

qui suivirent l'armistice. Mais la poursuite <strong>de</strong> cette politique ne peut pas<br />

fournir <strong>de</strong> solution à la situation créée par le déséquilibre <strong>de</strong>s comptes <strong>de</strong><br />

l'Europe et <strong>de</strong> l'Amérique. Une solution pourrait se trouver si les États-Unis<br />

jouaient le rôle – tenu jusqu'ici par l'Angleterre, la France, et à un moindre<br />

<strong>de</strong>gré, l'Allemagne – <strong>de</strong> banquiers <strong>de</strong>s nations nouvellement constituées, telles<br />

que les colonies britanniques et l'Amérique du Sud. La Russie d'Europe et<br />

d'Asie peut être également considérée comme une terre vierge susceptible <strong>de</strong><br />

fournir aux capitaux étrangers <strong>de</strong>s débouchés intéressants. Les capitalistes<br />

américains feraient mieux <strong>de</strong> prêter à ces pays, comme le faisaient les Anglais<br />

et les Français, que <strong>de</strong> continuer à prêter directement aux vieilles nations <strong>de</strong><br />

l'Europe, Il est peu probable cependant, que cela suffise à combler le fossé. Il<br />

faut, en fin <strong>de</strong> compte, que l'équilibre <strong>de</strong>s exportations et <strong>de</strong>s importations se<br />

rétablisse. Les États-Unis doivent acheter davantage et vendre moins. C'est là<br />

leur meilleur moyen <strong>de</strong> manifester leur générosité vis-à-vis <strong>de</strong> l'Europe. De<br />

<strong>de</strong>ux choses l'une : ou bien, – si le fe<strong>de</strong>ral reserve board laisse l'afflux d'or<br />

produire ses effets naturels, – les prix monteront plus vite en Amérique qu'en<br />

Europe, ou bien les changes européens se déprécieront au point que l'Europe,<br />

incapable d'acheter, réduira ses importations aux seuls articles strictement<br />

nécessaires, ce qui reviendra au même. Tout d'abord, l'exportateur américain,<br />

hors d'état d'arrêter tout d'un coup la production, fera face à la situation en<br />

abaissant ses prix; mais quand, au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans, par exemple, ils seront<br />

inférieurs à son prix <strong>de</strong> revient, il sera bien obligé <strong>de</strong> restreindre ou<br />

d'abandonner ses affaires.<br />

Les États-Unis auraient tort <strong>de</strong> croire au rétablissement <strong>de</strong> l'équilibre avec<br />

<strong>de</strong>s exportations maintenues au moins sur leur base actuelle, et <strong>de</strong>s importations<br />

réduites par un tarif douanier. De même que les Alliés exigent <strong>de</strong><br />

l'Allemagne d'importants versements, mais appliquent tout leur génie à<br />

l'empêcher <strong>de</strong> les effectuer, <strong>de</strong> même, l'administration américaine trace d'une<br />

main <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong> subvention à l'exportation et établit, <strong>de</strong> l'autre, <strong>de</strong>s tarifs qui<br />

rendront impossible le remboursement <strong>de</strong> ces primes. Les gran<strong>de</strong>s puissances<br />

font souvent preuve d'une aberration que nous ne pardonnerions pas à un<br />

particulier.

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