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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion

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<strong>John</strong> <strong>Maynard</strong> <strong>Keynes</strong> (<strong>1931</strong>), <strong>Essais</strong> <strong>de</strong> <strong>persuasion</strong> 156<br />

qu'elles ne donnent pas lieu à <strong>de</strong>s opinions divergentes, toutes sincères cependant.<br />

De certaines d'entre elles dépend la solution <strong>de</strong> plusieurs problèmes<br />

économiques. Je suis convaincu que les problèmes d'ordre sexuel ne tar<strong>de</strong>ront<br />

pas à entrer dans l'arène politique. La violente campagne en faveur du suffrage<br />

<strong>de</strong>s femmes n'était qu'un premier symptôme d'un mouvement qui ne tar<strong>de</strong>ra<br />

pas à prendre une ampleur et une signification beaucoup plus vaste.<br />

Qu'il s'agisse du contrôle <strong>de</strong> la natalité, <strong>de</strong> l'emploi <strong>de</strong> préservatifs, <strong>de</strong> la<br />

législation du mariage, du traitement infligé aux anomalies et aux délits<br />

sexuels, du statut économique <strong>de</strong> la femme mariée, du statut économique <strong>de</strong> la<br />

famille – les lois et les coutumes sont encore celles du Moyen Âge. Elles ne<br />

sont pas plus conformes à l'opinion et au mo<strong>de</strong> d'existence <strong>de</strong> l'homme civilisé<br />

qu'aux idées qu'émet à ce sujet dans l'intimité et dans ses conversations avec<br />

ses semblables chaque individu quelle que soit son éducation. Et qu'on n'aille<br />

point s'imaginer que seule une petite classe <strong>de</strong> gens instruits, ait adopté une<br />

nouvelle façon <strong>de</strong> voir en cette matière, qu'il ne s'agit que <strong>de</strong> quelques bulles à<br />

la surface. Qu'on n'aille point croire que se sont les femmes qui travaillent qui<br />

protesteraient contre le contrôle <strong>de</strong> la natalité ou <strong>de</strong> nouvelles lois sur le<br />

divorce. Pour elles <strong>de</strong> pareilles réformes représentent <strong>de</strong> nouvelles libertés,<br />

une émancipation d'une <strong>de</strong>s tyrannies les plus intolérables. Un parti qui discuterait<br />

ouvertement et sagement <strong>de</strong> telles mesures au cours <strong>de</strong> ses réunions<br />

provoquerait un intérêt nouveau et vivant chez ses électeurs – car il ramènerait<br />

la politique à <strong>de</strong>s sujets que tout le mon<strong>de</strong> veut connaître, et qui affectent<br />

sérieusement la vie <strong>de</strong> chacun.<br />

Ces questions se trouvent <strong>de</strong> plus étroitement liées à <strong>de</strong>s solutions économiques<br />

auxquelles on ne peut se soustraire. Le contrôle <strong>de</strong> la natalité concerne<br />

d'une part la liberté <strong>de</strong> la femme et d'autre part le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> l'État <strong>de</strong> veiller sur<br />

les chiffres <strong>de</strong> la population, autant que sur l'importance <strong>de</strong> l'armée ou que sur<br />

l'équilibre du Budget. La situation <strong>de</strong>s femmes salariées et l'emploi <strong>de</strong>s<br />

salaires <strong>de</strong> familles n'affecte pas seulement la condition <strong>de</strong> la femme, en tant<br />

que travailleur rémunéré dans le premier cas, en tant que travailleur non<br />

rémunéré dans le second, mais relève du problème plus vaste qui consiste à<br />

savoir si les salaires se trouveront fixés selon la loi <strong>de</strong> l'offre et <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,<br />

livrés à la théorie du laissez-faire, ou si au contraire il ne faut pas intervenir<br />

pour les empêcher <strong>de</strong> transgresser les limites justes et raisonnables, en tenant<br />

compte <strong>de</strong> toutes circonstances.<br />

La question <strong>de</strong>s drogues se limite en fait dans ce pays au problème <strong>de</strong><br />

l'alcool, je voudrais cependant y faire entrer également les jeux. Je suppose<br />

qu'une prohibition <strong>de</strong> l'alcool et <strong>de</strong>s bookmakers aurait <strong>de</strong> bons résultats. Mais<br />

ce n'est pas en résoudre le problème. Jusqu'à quel point doit-on permettre à la<br />

triste et malheureuse Humanité <strong>de</strong> s'échapper <strong>de</strong> temps à autre <strong>de</strong> sa misère et<br />

<strong>de</strong> trouver un stimulant, un réconfort et un moyen <strong>de</strong> se changer les idées ?<br />

Voilà le vrai problème. Peut-on autoriser <strong>de</strong>s dérèglements modérés, permettre<br />

<strong>de</strong>s Saturnales, tolérer un Carnaval sans porter gravement atteinte à la<br />

santé ou aux poches <strong>de</strong>s fêtards ? Et peut-on le faire tout en maintenant à l'abri<br />

<strong>de</strong> tentatives irrésistibles <strong>de</strong> malheureuses classes qu'en Amérique on nomme<br />

« addicts » ? 1 .<br />

1 Terme d'argot américain s'appliquant aux intoxiqués.

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