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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion

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<strong>John</strong> <strong>Maynard</strong> <strong>Keynes</strong> (<strong>1931</strong>), <strong>Essais</strong> <strong>de</strong> <strong>persuasion</strong> 133<br />

trophique n'existent pas. Telles sont donc, en résumé, les conséquences pour<br />

notre pays. Quelles seront les répercussions pour le reste du mon<strong>de</strong> ? Elles ne<br />

seront pas les mêmes partout. Prenons d'abord les pays débiteurs auxquels la<br />

Gran<strong>de</strong>-Bretagne a prêté <strong>de</strong>s sommes importantes, et qui lui doivent <strong>de</strong>s<br />

intérêts payables en livres, tels que l'Australie, l'Argentine et les In<strong>de</strong>s. Pour<br />

ces pays, la baisse <strong>de</strong> la livre constitue un sérieux avantage. Une quantité<br />

moindre <strong>de</strong> marchandises suffira à couvrir leurs engagements en livres. Les<br />

intérêts dus par l'étranger à la Gran<strong>de</strong>-Bretagne s'élèvent à environ £<br />

100.000.000 par an. En ce qui concerne cette somme, la Gran<strong>de</strong>-Bretagne fait<br />

figure désormais <strong>de</strong> créancier raisonnable qui modère ses exigences, en tenant<br />

compte <strong>de</strong>s changements considérables qu'a causés partout dans le mon<strong>de</strong> la<br />

chute catastrophique du prix <strong>de</strong>s marchandises.<br />

Si nous essayons <strong>de</strong> calculer les effets sur les autres pays industriels que<br />

nous pouvons mieux concurrencer désormais, la tâche <strong>de</strong>vient plus complexe.<br />

Une gran<strong>de</strong> partie du mon<strong>de</strong> suivra, je pense, l'exemple <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-Bretagne<br />

et réduira la valeur or <strong>de</strong> sa monnaie. Certains signes indiquent déjà que dans<br />

plusieurs pays on ne fera pas <strong>de</strong> gros efforts pour maintenir la parité avec l'or.<br />

Ces jours <strong>de</strong>rniers, le Canada, l'Italie, les pays Scandinaves ont suivi nos<br />

traces. Les In<strong>de</strong>s et les possessions <strong>de</strong> la Couronne, y compris les Strait<br />

Settlements, ont automatiquement imité la livre sterling. L'Autriche et toute<br />

l'Amérique du Sud avaient déjà renoncé à l'étalon-or. Je serais étonné que<br />

l'Allemagne tar<strong>de</strong> à nous imiter. La Hollan<strong>de</strong> laissera-t-elle se consommer la<br />

ruine <strong>de</strong> l'industrie du sucre et du caoutchouc en les liant à l'or ? Des motifs<br />

puissants entraîneront une gran<strong>de</strong> partie du mon<strong>de</strong> à nous suivre. Après tout,<br />

la situation en Gran<strong>de</strong>-Bretagne est bien moins compromise par la déflation<br />

<strong>de</strong>s prix qu'ailleurs.<br />

Dans la mesure où ceci est exact, l'Angleterre et les pays qui ont suivi son<br />

exemple bénéficieront <strong>de</strong>s prix plus élevés. Mais aucun <strong>de</strong> ceux-ci ne se<br />

trouvera privilégié par rapport aux autres dans le domaine <strong>de</strong> la concurrence.<br />

Seuls se trouveront lésés les quelques pays qui conservent l'étalon-or. Sur eux<br />

retombera la malédiction <strong>de</strong> Midas. Leur refus d'échanger leur exportation<br />

pour autre chose que <strong>de</strong> l'or aura pour résultat <strong>de</strong> tarir et d'arrêter leur<br />

exportation jusqu'à ce qu'ils n'aient plus <strong>de</strong> balance commerciale favorable, ou<br />

<strong>de</strong> placements à l'étranger à rapatrier. Il s'agit surtout <strong>de</strong> la France et <strong>de</strong>s États-<br />

Unis. La mort <strong>de</strong> leur commerce d'exportation sera la conséquence inévitable<br />

et prévisible <strong>de</strong> l'attitu<strong>de</strong> qu'ils ont adoptée. Ces pays, à la suite <strong>de</strong> la guerre et<br />

<strong>de</strong>s règlements <strong>de</strong> comptes <strong>de</strong> guerre, sont <strong>de</strong>venus créanciers <strong>de</strong> larges<br />

sommes d'argent. Ils élèvent <strong>de</strong>s barrières douanières qui ren<strong>de</strong>nt impossible<br />

tout paiement <strong>de</strong> ces sommes en marchandises. Ils ne sont pas disposés à<br />

consentir <strong>de</strong>s prêts qui servent à les payer. Ils ont déjà accaparé presque tout<br />

l'excé<strong>de</strong>nt d'or disponible dans le mon<strong>de</strong>. Il ne restait donc qu'un moyen<br />

logique pour le reste du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer solvable et indépendant : cesser<br />

d'acheter les exportations <strong>de</strong> ces pays. Tant que subsistait l'étalon-or - c'est-àdire<br />

tant que les prix <strong>de</strong>s marchandises internationales <strong>de</strong>meuraient partout à<br />

peu près semblables – il fallait donc se livrer à une course à la déflation,<br />

chacun essayant <strong>de</strong> baisser ses prix plus rapi<strong>de</strong>ment que son voisin, à une<br />

course qui avait accru le chômage et les pertes commerciales à un <strong>de</strong>gré<br />

intolérable.

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