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John Maynard Keynes (1931), Essais de persuasion

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<strong>John</strong> <strong>Maynard</strong> <strong>Keynes</strong> (<strong>1931</strong>), <strong>Essais</strong> <strong>de</strong> <strong>persuasion</strong> 113<br />

les spéculateurs anglais d'acheter directement <strong>de</strong>s actions à New-York. C'est<br />

donc ici qu'intervient l'autre remè<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Banque d'Angleterre. En maintenant<br />

le taux <strong>de</strong> l'escompte à Londres suffisamment au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> New-<br />

York on peut inciter le marché <strong>de</strong> New-York à prêter au marché <strong>de</strong> Londres<br />

une somme suffisante pour couvrir et notre déficit commercial et les placements<br />

à l'étranger que les spéculateurs anglais continuent à réaliser en dépit <strong>de</strong><br />

l'interdiction légale. Mais une fois que nous avons offert un taux d'intérêt<br />

assez élevé pour attirer <strong>de</strong> New-York à Londres certains fonds du marché à<br />

court terme, nous sommes obligés <strong>de</strong> le maintenir même si nous n'avons pas<br />

besoin <strong>de</strong> faire d'autres emprunts, afin <strong>de</strong> conserver ce que nous avons déjà<br />

emprunté.<br />

Néanmoins, la politique qui consiste à maintenir le cours <strong>de</strong> l'argent à un<br />

niveau assez élevé pour attirer et retenir <strong>de</strong>s capitaux <strong>de</strong> New-York, ne diffère<br />

pas considérablement <strong>de</strong> la politique française que nous avons tellement<br />

critiquée et qui consiste à soutenir les changes à l'ai<strong>de</strong> d'emprunts consentis<br />

par la Maison J. P. Morgan. Notre politique ne différerait <strong>de</strong> la politique<br />

française que si le taux élevé <strong>de</strong> l'escompte n'avait pas seulement pour but<br />

d'attirer l'argent américain, mais faisait partie d'un plan <strong>de</strong> restriction <strong>de</strong>s<br />

crédits à l'intérieur. C'est cet aspect du problème qu'il nous faut à présent<br />

envisager.<br />

Payer le chômage en se transformant <strong>de</strong> prêteur en nation débitrice est<br />

assurément désastreux et je ne doute pas que tel soit aussi l'avis <strong>de</strong>s autorités<br />

<strong>de</strong> la Banque d'Angleterre. Il leur déplaît d'interdire les émissions étrangères<br />

et il leur déplaît <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir attirer <strong>de</strong> New-York <strong>de</strong> l'argent à court terme. Elles<br />

font sans doute l'un et l'autre pour se donner le temps <strong>de</strong> respirer; mais si elles<br />

veulent rester fidèles à leurs principes, il leur, faut employer ce court répit à<br />

réaliser ce qu'on appelle avec euphémisme « <strong>de</strong>s ajustements fondamentaux ».<br />

Si tel est le <strong>de</strong>ssein qu'elles poursuivent, elles ne disposent que d'un moyen :<br />

réduire les crédits. Telle est, en <strong>de</strong> pareilles circonstances, la politique<br />

orthodoxe <strong>de</strong>s partisans <strong>de</strong> l'or; la balance commerciale défavorable indique<br />

que nos prix sont trop élevés et la seule façon <strong>de</strong> les faire baisser est <strong>de</strong><br />

restreindre les crédits et <strong>de</strong> rendre l'argent plus cher. Lorsque cette mé<strong>de</strong>cine<br />

aura produit ses effets, il n'y aura plus besoin <strong>de</strong> restreindre les placements<br />

étrangers ou d'emprunter à d'autres pays.<br />

Or que signifie tout cela en langage clair ? Qu'il faut réduire le montant<br />

<strong>de</strong>s salaires et par là le coût <strong>de</strong> la vie, <strong>de</strong> sorte qu'à la fin du compte, les<br />

salaires véritables <strong>de</strong>meureront aussi élevés ou presque qu'auparavant. Comment<br />

<strong>de</strong>s restrictions <strong>de</strong> crédit aboutissent-elles à ce résultat? Par nulle autre<br />

métho<strong>de</strong> qu'un accroissement prémédité du chômage. Les restrictions <strong>de</strong><br />

crédit ont pour objet en pareil cas <strong>de</strong> priver les chefs d'entreprises <strong>de</strong> moyens<br />

suffisants d'employer la main-d'œuvre au niveau <strong>de</strong>s salaires et au niveau <strong>de</strong>s<br />

prix existants. Pareille politique ne peut atteindre son but qu'en augmentant<br />

sans cesse le chômage jusqu'à ce que les travailleurs, sous la pression <strong>de</strong> la<br />

nécessité, acceptent les réductions indispensables du montant <strong>de</strong> leurs salaires.<br />

Telle est cette politique qu'on dénomme « saine » qu'exige le fait inconsidéré<br />

<strong>de</strong> fixer la livre à une valeur or, qu'elle n'avait point encore atteinte – si<br />

l'on en juge d'après sa puissance d'achat sur le marché intérieur du travail.<br />

C'est somme toute une politique qui doit faire reculer toute personne possé-

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