25.06.2013 Views

Les Mystère de Paris par Eugène Sue

Les Mystère de Paris par Eugène Sue

Les Mystère de Paris par Eugène Sue

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Les</strong> mystères <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> (Tome I) - <strong>Eugène</strong> <strong>Sue</strong><br />

bien, oui! ils ont fait les fiers! ils m'ont méprisé comme <strong>de</strong>s bottiers<br />

mépriseraient <strong>de</strong>s savetiers. Voyant ça, et d'ailleurs ma rage <strong>de</strong> chouriner<br />

s'étant passée avec mes seize ans, j'ai cherché mon pain ailleurs... et je ne l'ai<br />

pas trouvé tout <strong>de</strong> suite; alors souvent j'ai fait la tortue. Enfin, j'ai travaillé<br />

dans les carrières <strong>de</strong> Montrouge. Mais au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans ça m'a scié <strong>de</strong> faire<br />

toujours l'écureuil dans les gran<strong>de</strong>s roues pour tirer la pierre, moyennant vingt<br />

sous <strong>par</strong> jour. J'étais grand et fort, je me suis engagé dans un régiment. On m'a<br />

<strong>de</strong>mandé mon nom, mon âge et mes papiers. Mon nom? l'Albinos; mon âge?<br />

voyez ma barbe; mes papiers? voilà le certificat <strong>de</strong> mon maître carrier. Je<br />

pouvais faire un grenadier soigné, on m'a enrôlé.<br />

—Avec ta force, ton courage et ta manie <strong>de</strong> chouriner, s'il y avait eu la guerre,<br />

dans ce temps-là, tu serais peut-être <strong>de</strong>venu officier.<br />

—Tonnerre! à qui le dites-vous. Chouriner <strong>de</strong>s Anglais ou <strong>de</strong>s Prussiens, ça<br />

m'aurait bien autrement flatté que <strong>de</strong> chouriner <strong>de</strong>s rosses... Mais voilà le<br />

malheur, il n'y avait pas <strong>de</strong> guerre, et il y avait la discipline. Un apprenti<br />

essaye <strong>de</strong> communiquer une raclée à son bourgeois, c'est bien: s'il est le plus<br />

faible, il la reçoit; s'il est le plus fort, il la donne: on le met à la porte,<br />

quelquefois au violon, il n'en est que ça. Dans le militaire, c'est autre chose. Un<br />

jour mon sergent me bouscule pour me faire obéir plus vite; il avait raison, car<br />

je faisais le clampin: ça m'embête, je regimbe; il me pousse, je le pousse; il me<br />

prend au collet, je lui envoie un coup <strong>de</strong> poing. On tombe sur moi; alors la rage<br />

me prend, le sang me monte aux yeux, j'y vois rouge... j'avais mon couteau à la<br />

main, j'étais <strong>de</strong> cuisine, et allez donc! je me mets à chouriner... à chouriner...<br />

comme à l'abattoir. J'entaille 49 le sergent, je blesse <strong>de</strong>ux soldats!... une vraie<br />

boucherie! onze coups <strong>de</strong> couteau à eux trois, oui, onze!... du sang, du sang<br />

comme dans un charnier!<br />

Le brigand baissa la tête d'un air sombre, hagard, et resta un moment<br />

silencieux.<br />

—À quoi penses-tu, Chourineur? dit Rodolphe l'observant avec intérêt.<br />

—À rien, à rien, reprit-il brusquement. Puis il reprit avec sa brutale<br />

insouciance: Enfin on m'empoigne, on me met sur la planche au pain, et j'ai<br />

une fièvre cérébrale 50 .<br />

—Tu t'es donc sauvé?<br />

49 Je tue.<br />

50 On me met en jugement, et je suis condamné à mort.<br />

49

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!