Les Mystère de Paris par Eugène Sue

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Il signa, le clerc sortit. Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue —Moyennant cette acquisition, monsieur le marquis, dit M. Doublet d'un air triomphant, votre revenu financier, en belles et bonnes terres, ne va pas à moins de cent vingt-six mille francs en sacs. Savez-vous que cela est rare, monsieur le marquis, un revenu de cent vingt-six mille francs en terres? —Je suis un homme bien heureux, n'est-ce pas, monsieur Doublet? Cent vingtsix mille francs de rente en terres! Il n'y a pas de félicité pareille! —Sans compter le portefeuille de monsieur le marquis... sans compter... —Certainement, et sans compter... tant d'autres bonheurs encore! —Dieu soit loué! monsieur le marquis, car il ne vous manque rien: jeunesse, richesse, bonté, santé... tous les bonheurs réunis, enfin; et parmi eux, dit M. Doublet en souriant agréablement, ou plutôt à leur tête, je mets celui d'être l'époux de M me la marquise et d'avoir une charmante petite fille qui ressemble à un chérubin. M. d'Harville jeta un regard sinistre sur l'intendant. Nous renonçons à peindre l'expression de sauvage ironie avec laquelle il dit à M. Doublet, en lui frappant familièrement sur l'épaule: —Avec cent vingt-six mille francs de rente en terres et une femme comme la mienne... et un enfant qui ressemble à un chérubin... il ne reste plus rien à désirer, n'est-ce pas? —Eh! eh! monsieur le marquis, répondit naïvement l'intendant, il reste à désirer de vivre le plus longtemps possible, pour marier mademoiselle votre fille et être grand-père. Arriver à être grand-père, c'est ce que je souhaite à monsieur le marquis, comme à M me la marquise d'être grand'mère et arrièregrand'mère. —Ce bon M. Doublet qui songe à Philémon et Baucis. Il est toujours plein d'àpropos. —Monsieur le marquis est trop bon. Il n'a rien à m'ordonner? —Rien. Ah! si, pourtant. Combien avez-vous en caisse? 352

Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue —Dix-neuf mille trois cents et quelques francs pour le courant, monsieur le marquis, sans compter l'argent déposé à la banque. —Vous m'apporterez ce matin dix mille francs en or et vous les remettrez à Joseph si je suis sorti. —Ce matin? —Ce matin. —Dans une heure les fonds seront ici. Monsieur le marquis n'a plus rien à me dire? —Non, monsieur Doublet. —Cent vingt-six mille francs de rente en sacs, en sacs! répéta l'intendant en s'en allant. C'est un beau jour pour moi que celui-ci; je craignais tant que cette ferme si à notre convenance ne nous échappât!... Votre serviteur, monsieur le marquis. —Au revoir, monsieur Doublet. À peine l'intendant fut-il sorti que M. d'Harville tomba sur un fauteuil avec accablement; il appuya ses deux coudes sur son bureau, et cacha sa figure dans ses mains. Pour la première fois depuis qu'il avait reçu la lettre fatale de Sarah, il put pleurer. —Oh! disait-il, cruelle dérision de la destinée qui m'a fait riche!... Que mettre dans ce cadre d'or, maintenant? Ma honte! L'infamie de Clémence!... infamie qu'un éclat va faire rejaillir peut-être jusque sur le front de ma fille! Cet éclat... dois-je m'y résoudre, ou dois-je avoir pitié de... Puis, se levant, l'œil étincelant, les dents convulsivement serrées, il s'écria d'une voix sourde: —Non, non! du sang, du sang! Le terrible sauve du ridicule! Je comprends maintenant son aversion... la misérable! Puis, s'arrêtant tout à coup, comme atterré par une réflexion soudaine, il reprit d'une voix sourde: 353

<strong>Les</strong> mystères <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> (Tome I) - <strong>Eugène</strong> <strong>Sue</strong><br />

—Dix-neuf mille trois cents et quelques francs pour le courant, monsieur le<br />

marquis, sans compter l'argent déposé à la banque.<br />

—Vous m'apporterez ce matin dix mille francs en or et vous les remettrez à<br />

Joseph si je suis sorti.<br />

—Ce matin?<br />

—Ce matin.<br />

—Dans une heure les fonds seront ici. Monsieur le marquis n'a plus rien à me<br />

dire?<br />

—Non, monsieur Doublet.<br />

—Cent vingt-six mille francs <strong>de</strong> rente en sacs, en sacs! répéta l'intendant en<br />

s'en allant. C'est un beau jour pour moi que celui-ci; je craignais tant que cette<br />

ferme si à notre convenance ne nous échappât!... Votre serviteur, monsieur le<br />

marquis.<br />

—Au revoir, monsieur Doublet.<br />

À peine l'intendant fut-il sorti que M. d'Harville tomba sur un fauteuil avec<br />

accablement; il appuya ses <strong>de</strong>ux cou<strong>de</strong>s sur son bureau, et cacha sa figure dans<br />

ses mains.<br />

Pour la première fois <strong>de</strong>puis qu'il avait reçu la lettre fatale <strong>de</strong> Sarah, il put<br />

pleurer.<br />

—Oh! disait-il, cruelle dérision <strong>de</strong> la <strong>de</strong>stinée qui m'a fait riche!... Que mettre<br />

dans ce cadre d'or, maintenant? Ma honte! L'infamie <strong>de</strong> Clémence!... infamie<br />

qu'un éclat va faire rejaillir peut-être jusque sur le front <strong>de</strong> ma fille! Cet éclat...<br />

dois-je m'y résoudre, ou dois-je avoir pitié <strong>de</strong>...<br />

Puis, se levant, l'œil étincelant, les <strong>de</strong>nts convulsivement serrées, il s'écria<br />

d'une voix sour<strong>de</strong>:<br />

—Non, non! du sang, du sang! Le terrible sauve du ridicule! Je comprends<br />

maintenant son aversion... la misérable!<br />

Puis, s'arrêtant tout à coup, comme atterré <strong>par</strong> une réflexion soudaine, il reprit<br />

d'une voix sour<strong>de</strong>:<br />

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