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Les Mystère de Paris par Eugène Sue

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froid.<br />

<strong>Les</strong> mystères <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> (Tome I) - <strong>Eugène</strong> <strong>Sue</strong><br />

—Enfin, je restais sur le Pont-Neuf jusqu'à onze heures du soir, ma boutique<br />

<strong>de</strong> sucre d'orge au cou et pleurant bien fort. De me voir pleurer... souvent ça<br />

touchait les passants, et quelquefois on me donnait jusqu'à dix, jusqu'à quinze<br />

sous, que je rendais à la Chouette.<br />

—Fameuse soirée pour une mauviette!<br />

—Mais voilà-t-il pas que la borgnesse, qui voyait ça...<br />

—D'un œil, dit le Chourineur en riant.<br />

—D'un œil, si tu veux, puisqu'elle n'en avait qu'un; ne voilà-t-il pas que la<br />

borgnesse prend le pli <strong>de</strong> me donner toujours <strong>de</strong>s coups avant <strong>de</strong> me mettre en<br />

faction sur le Pont-Neuf, afin <strong>de</strong> me faire pleurer <strong>de</strong>vant les passants et<br />

d'augmenter ainsi ma recette.<br />

—Ce n'était pas déjà si bête!<br />

—Oui, tu crois ça, toi, Chourineur? J'ai fini <strong>par</strong> m'endurcir aux coups; je<br />

voyais que la Chouette rageait quand je ne pleurais pas: alors, pour me venger<br />

d'elle, plus elle me faisait <strong>de</strong> mal, plus je riais; et le soir, au lieu <strong>de</strong> sangloter en<br />

vendant mes sucres d'orge, je chantais comme une alouette, quoique je n'en<br />

eusse guère envie... <strong>de</strong> chanter.<br />

—Dis donc... <strong>de</strong>s sucres d'orge... c'est ça qui <strong>de</strong>vait te faire envie, ma pauvre<br />

Goualeuse!<br />

—Oh! je crois bien, Chourineur; mais je n'en avais jamais goûté; c'était mon<br />

ambition... et c'est cette ambition qui m'a perdue, tu vas voir comment. Un<br />

jour, en revenant <strong>de</strong> mes vers, <strong>de</strong>s gamins m'avaient battue et volé mon panier.<br />

Je rentre, je savais ce qui m'attendait, je reçois ma paye et pas <strong>de</strong> pain. Le soir,<br />

avant d'aller au pont, la borgnesse, furieuse <strong>de</strong> ce que je n'avais pas étrenné la<br />

veille, au lieu <strong>de</strong> me donner <strong>de</strong>s coups comme d'habitu<strong>de</strong> pour me mettre en<br />

train <strong>de</strong> pleurer, me martyrise jusqu'au sang en m'arrachant <strong>de</strong>s cheveux du<br />

côté <strong>de</strong>s tempes, où c'est le plus sensible.<br />

—Tonnerre! ça c'est trop fort! s'écria le bandit en frappant du poing sur la table<br />

et en fronçant les sourcils. Battre un enfant, bon... mais le martyriser, c'est trop<br />

fort!<br />

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